L’enquête se poursuit dans le sillage de l’affaire BFM TV. Deux perquisitions ont eu lieu mercredi 27 septembre, dans le cadre de l’enquête ouverte par le Parquet national financier (PNF) pour «trafic d’influence, corruption d’agent public et corruption privée», suite aux révélations de Forbidden Stories. En février, ce consortium avait révélé l’existence de deux séquences possiblement téléguidées diffusées à l’antenne en dehors des circuits de validation, par le biais du présentateur historique de la chaîne Rachid M’Barki, désormais licencié.
La première perquisition a ainsi été réalisée au domicile du lobbyiste Jean-Pierre Duthion, indique à CheckNews une source judiciaire confirmant les informations de Politico. Ce mercenaire de l’info est le personnage central du scandale qui a touché notamment la chaîne d’info en continu. Dans le cadre d’une enquête, CheckNews avait eu accès à des échanges montrant qu’il avait fourni plusieurs sujets au présentateur, pour le compte de clients étrangers.
«Je suis un peu naïf parfois»
La seconde perquisition a eu lieu à l’Assemblée nationale, dans le bureau du député écologiste Hubert Julien-Laferrière, selon les informations du Monde, également confirmées par CheckNews. L’élu, ancien maire du IXe arrondissement de Lyon et porte-parole de Génération écologie – le parti de Delphine Batho – était apparu plus tardivement dans l’affaire. Des enquêtes de Mediapart et de CheckNews avaient mis au jour des liens entre Jean-Pierre Duthion et ce député, par le biais d’échanges dans lesquels le lobbyiste se félicitait d’être à l’origine d’une intervention de l’élu en faveur d’un client.
Le 23 février 2022, en commission des affaires étrangères, Hubert Julien-Laferrière avait en effet vanté les mérites d’un nouveau «levier de développement», en l’espèce le Limocoin, une cryptomonnaie développée par l’homme d’affaires camerounais Emile Parfait Simb, bien connu en Afrique centrale pour ses produits financiers frauduleux. La séquence captée à l’Assemblée nationale avait servi dans la foulée de support de communication au business de l’entrepreneur.
Contacté par CheckNews, le député avait admis que Duthion était à l’origine de l’intervention. Et reconnu «une connerie». «Je ne connaissais pas Duthion depuis longtemps. J’ai pas regardé le pedigree du mec. Je suis un peu naïf parfois. Juste après, j’ai fait plus de recherches et j’ai dit à Duthion : “Mais c’est quoi ce mec en fait ?”» Si le lobbyiste se vante en privé d’avoir payé le député «comme un crédit sur dix ans», l’élu réfute toute contrepartie financière ou matérielle.
Rouages de l’entente
Interrogé en commission d’enquête relative aux ingérences politiques le 12 avril, Jean-Pierre Duthion avait à son tour assuré qu’aucune transaction n’avait eu lieu : «Après que l’on a été présentés par des amis, j’ai évoqué ces différents éléments avec M. Julien-Laferrière. Les relations internationales, le développement durable ou l’émancipation des pays d’Afrique font partie des préoccupations et des spécialités de M. Julien-Laferrière. C’est donc naturellement qu’il s’est intéressé au Limocoin, qui se distinguait des autres cryptomonnaies. C’est tout aussi naturellement, sans que j’aie besoin de l’influencer, qu’il en a parlé dans le cadre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, dont il est membre», a-t-il assuré.
L’enquête du PNF devrait permettre de comprendre les rouages de cette entente. Sollicités, ni Jean-Pierre Duthion ni Hubert Julien-Laferrière n’ont donné suite à nos demandes de confirmation.