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Soutien aux entreprises : l’Allemagne rappelée à l’ordre

Les commissaires Breton et Gentiloni appellent les 27 à soutenir solidairement les entreprises dans la crise. Le jeu solitaire de l’Allemagne est visé.

Par Emmanuel Berretta
Les commissaires Breton et Gentiloni appellent les 27 a soutenir solidairement les entreprises dans la crise.
Les commissaires Breton et Gentiloni appellent les 27 à soutenir solidairement les entreprises dans la crise. © DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
Publié le 03/10/2022 à 21h00 - Modifié le 03/10/2022 à 21h13

Temps de lecture : 4 min

Quand Thierry Breton et Paolo Gentiloni prennent leurs plumes pour signer un texte commun (dans Les Échos en France), c'est que l'heure est grave. Vendredi, l'Allemagne a annoncé, à la plus grande surprise de tous ses partenaires, qu'elle débloquerait 200 milliards d'euros pour compenser la hausse des prix du gaz pour ses entreprises. Un « bouclier de défense » colossal qui laisse pantois et a aussitôt fait réagir Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur. Sur Twitter, vendredi, il met en garde Berlin sur les règles de concurrence loyale.

Breton s'est rapproché de son collègue Paolo Gentiloni et les deux hommes ont rédigé cette tribune qui propose de créer un fonds commun à l'image de ce que fut SURE, l'instrument qui a permis, durant la crise Covid, d'aider les États à financer le chômage partiel.

Éviter de fragmenter le marché intérieur

L'égoïsme allemand agace en Europe. Depuis un an, les Allemands freinent des quatre fers face à la réforme du marché européen de l'électricité. Ils temporisent quand l'Italie de Draghi, avant l'arrivée de Meloni, désormais soutenue par 14 membres dont la France, réclame un plafonnement du prix du gaz aux fournisseurs.

« Comment les États membres qui ne disposent pas des mêmes marges budgétaires pourront-ils, eux aussi, soutenir les entreprises et les ménages ?, s'interrogent Breton et Gentiloni dans leur tribune commune. Plus que jamais, nous devons éviter de fragmenter le marché intérieur, d'installer une course aux subventions et de remettre en question les principes de solidarité et d'unité qui fondent notre projet européen. C'est d'autant plus vrai à un moment où les États-Unis prennent – dans le cadre de l'« Inflation Reduction Act » – des mesures d'attractivité sans précédent. »

La « dette faciale » de l'Allemagne et la vraie…

Les deux commissaires étaient déjà intervenus, au moment de la pandémie, le 5 avril 2020, dans une tribune commune, avec la même thématique. « Aucun État européen ne dispose des moyens propres lui permettant de faire face seul à un tel choc », plaidaient-ils, à l'époque, pour inciter la chancelière Merkel a accepté un fonds de relance auquel tous les États membres auraient un accès équitable.

Rebelote cette fois sur le terrain de la crise énergétique. Bien sûr, l'Allemagne peut se dire vertueuse et capable d'emprunter sur les marchés à 2 %. Mais le texte des commissaires souligne en creux tout ce que l'Allemagne n'a pas payé pendant de longues années… « Il serait injuste ou incomplet d'apprécier cette capacité sur la base de la seule dette financière « faciale » des États Membres, écrivent Breton et Gentiloni en langage codé. Car cette référence ne prend pas en compte les choix politiques passés – mais structurants – de chacun de nos États sur des éléments clés d'intérêt commun pour l'Europe créant ainsi une charge asymétrique sur les budgets nationaux : les efforts non homogènes consentis pour la défense du continent, les sous-investissements dans les infrastructures, notamment énergétiques, qui doivent bénéficier à tous, la dette carbone plus faible lorsqu'un État membre a investi pour réduire la part des énergies fossiles dans son bouquet énergétique. »

Macron et Scholz se concertent à dîner

Traduisons : l'Allemagne n'a pas payé le juste prix de sa défense en déléguant sa sécurité aux États-Unis et en poursuivant ses achats militaires Outre-Atlantique ; elle s'en est remise au gaz russe en investissant au minimum dans les gazoducs Nord Stream ; elle a décidé, sans concertation, de tourner le dos au nucléaire en polluant l'atmosphère avec ses centrales à charbon ; elle s'est tournée vers le marché chinois pour booster sa croissance jusqu'à cet accord d'investissement avec la Chine arrachée à la dernière minute sous la présidence de l'UE d'Angela Merkel et qui a fait long feu depuis…

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Bref, l'Allemagne est appelée à jouer la carte européenne plutôt que de profiter de sa puissance pour écraser ceux qui n'ont pas ses moyens. Olaf Scholz entendra-t-il le message ? Lundi soir, il dînait avec Emmanuel Macron. Il y a fort à parier que le message du président français ne soit pas très éloigné de la tribune des deux commissaires européens. On aura aussi remarqué la tribune commune signée, vendredi, par Bruno Le Maire et son homologue allemand, Robert Habeck : « Un soutien financier substantiel et efficace doit être ouvert à toutes les entreprises qui sont profondément touchées par la flambée des prix et qui perdent une partie de leur rentabilité, écrivaient les deux ministres de l'Économie. Soutenir ces entreprises aujourd'hui, c'est empêcher une crise de long terme avec des fermetures, des démantèlements durables et du chômage. »

Habeck et Le Maire d'un côté, Gentiloni et Breton de l'autre, la pression monte sur Olaf Scholz, le chancelier dont on mesurera rapidement les convictions européennes, sincères ou en toc. On constatera aussi l'absence d'Ursula von der Leyen… La présidente de la Commission se fait déborder par deux commissaires européens qui, lassés des résistances internes, ont sans doute jugé qu'en tant qu'Allemande, elle n'oserait jamais bousculer Berlin.

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