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Sur la route de Kherson, bonheur et désolation

Les habitants de Blahodatne ont envie de raconter. À pied, certains même en courant, ou sur de vieux vélos grinçants, ils sont une trentaine à se rassembler, en quelques minutes, sur la petite place du village. Tous ont été attirés par l’arrivée de quatre voitures de journalistes étrangers (parmi lesquels les reporters de Respekt) sous escorte militaire.

C’est que les visites sont rares. Du reste, à l’exception de quelques patrouilles militaires occasionnelles, personne ne s’aventure plus par ici, désormais. Il y a une semaine à peine, l’armée russe s’est retirée de la ville voisine de Kherson, et c’est cette expérience qui a poussé les habitants à sortir de chez eux pour se retrouver au centre de village. Tous sont désireux de faire part à leurs hôtes d’un jour de leur vécu et des sentiments encore jamais exprimés à haute voix jusqu’à présent.

La route qui mène à Blahodatne commence à la sortie de Mykolaïv, qui, avec ses 500 000 habitants, est la plus grande ville sur le Boug méridional, le fleuve qui se jette dans la mer Noire quelques dizaines de kilomètres plus au sud. Toute personne peut se rendre jusqu’aux limites de la ville sans autorisation militaire : Mykolaïv n’est jamais tombée aux mains des Russes. Mais au-delà, une escorte militaire devient nécessaire.

Le paysage n’est plus que désolation

En temps normal, une route à quatre voies permet d’effectuer très rapidement les 60 kilomètres qui séparent la ville de Kherson, à un jet de pierre plus au sud-est de l’endroit où se trouve Blahodatne. Aujourd’hui, cependant, la route n’est plus praticable que sur deux voies en raison de la réparation des trous et des cratères, stigmates des combats qui ont récemment fait rage entre Ukrainiens et Russes, de sorte que la circulation est réglementée et très réduite. Ce sont surtout des véhicules militaires avec un drapeau ukrainien flottant au vent (pour qu’ils soient facilement reconnaissables) qui défilent, parfois des chars ou des ambulances. Çà et là passent aussi des convois d’aide humanitaire. Puis, à un moment, la route disparaît complètement et le trajet se poursuit sur une portion de gravier épandu à la va-vite.

Peu après Mykolaïv, nous passons devant un grand panneau en béton en forme d’épi de blé avec l’inscription “Oblast de Kherson”. Un bateau, avec une ancre dessous, a été peint dessus et, au pied, quelqu’un a déposé une pastèque. Symbole de la région, le fruit est aussi devenu, depuis cet été, le symbole humoristique et moqueur de la contre-offensive ukrainienne vers le sud. Les kilomètres suivants, le paysage n’est plus que désolation : arbres abattus par les tirs et restes d’équipements militaires détruits, avec, ici et là, des postes de contrôle de l’armée ukrainienne. La route passe vite, cependant, et, déjà, l’un des derniers villages de la zone libérée avant Kherso