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Synode : les Églises d’Europe disent leurs « blessures » et leurs « tensions »

Deux heures après la fin de son groupe de travail, cette participante francophone en a encore le « cœur un peu serré ». « J’ai senti une vraie résistance, de la part de certains pays de l’Est, dans la manière qu’ils avaient de considérer la place des femmes. Pourtant, je ne défendais même pas une position des plus progressistes… », confie, dépitée, cette fervente actrice du Synode sur la synodalité lancé par le pape François.

Au lendemain des premiers échanges – « encore un peu timorés » de l’avis de certains –, les Églises d’Europe, réunies en assemblée continentale à Prague, sont entrées, mardi 7 et mercredi 8 février, dans le vif des sujets épineux : réforme de la gouvernance, coresponsabilité des laïcs, accueil des personnes homosexuelles, intégration des divorcés remariés, souci des périphéries.

Signe que les enjeux abordés soulèvent de profondes attentes et alimentent des frictions, deux incidents ont émaillé la session. Une poignée de manifestants ont brandi des banderoles appelant à « plus d’égalité » dans l’Église. Tandis qu’un militant était interpellé par les forces de l’ordre alors qu’il tentait de distribuer aux participants une lettre pour sensibiliser sur l’accueil des personnes LGBT.

« Réfléchir ensemble »

La méthode a pourtant été préparée pour que la parole ne soit pas confisquée par tel ou tel cherchant à imposer son agenda ou à convertir à ses vues sur des points aussi sensibles. « Les temps de rencontre en petits groupes de travail ont été pensés suivant la méthode de la conversation spirituelle, permettant normalement à chacun de s’exprimer », explique Arnaud Join-Lambert. Ce théologien franco-suisse fait partie de l’équipe chargée de rédiger le texte final de Prague. « Ce qui est très déstabilisant pour beaucoup, c’est que nous sommes incapables, à ce stade, de dire ce qui sortira, finalement, de cette assemblée », poursuit-il.

Un autre délégué laïc du nord de l’Europe le confirme en tout cas : les langues se délient, les échanges sont plus directs. « Le premier jour, nous avons pris le temps de faire connaissance. Le deuxième, nous avons confronté nos positions – parfois sans nous comprendre très bien. Aujourd’hui, je sens qu’il y a malgré tout une réelle volonté de réfléchir ensemble, d’écouter les autres – même si on reste en profond désaccord avec eux. » « Désaccord », le mot relève par endroits de l’euphémisme.

« Il y a d’un côté le bloc de l’Est, avec des Églises plus identitaires – Pologne, Hongrie… –, épouvantées à l’idée que le processus ne s’aventure trop loin sur le terrain doctrinal, intangibles gardiennes de la tradition. Les plus réfractaires, minoritaires, vont jusqu’à remettre en cause la démarche synodale, décrypte un fin connaisseur du contexte européen. De l’autre, les Églises de l’Ouest – dans lesquelles les voix progressistes sont clairement majoritaires – veulent, elles, davantage adapter l’institution aux évolutions de la société et à la modernité. »

« Bras de fer »

Parmi ces dernières, la délégation allemande était la plus attendue au tournant. Lundi – alors qu’elle intervenait, comme les autres, en six minutes, pour présenter la manière dont le document préparé par le Vatican pour l’étape continentale (DEC) avait été reçu outre-Rhin –, elle a ainsi cherché à promouvoir la réflexion de son propre « chemin synodal ». Lancée il y a deux ans, cette démarche, en passe de s’achever mi-mars, est l’objet d’un bras de fer avec le Vatican et des Églises plus conservatrices sur des dossiers sensibles : ordination des femmes, bénédiction des couples homosexuels, réforme de la morale sexuelle…

Devant tant de différences de visions, comment porter une parole commune sur l’avenir de l’Église ? Au plus haut de l’organisation, on encourage l’expression de « toutes ces tensions » – mais dans un climat de « respect » mutuel –, en espérant que quelque chose naîtra des contradictions. « Mais nous n’allons pas proposer de solutions finales à tous les problèmes évoqués », prévient l’archevêque de Vilnius (Lituanie), Gintaras Grusas. Il est le président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), qui coordonne l’événement. « Cette tâche incombera plus tard à Rome. Nous, nous devons faire remonter nos préoccupations. »