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Tiken Jah Fakoly à La Nef : son combat « pour l’unité de l’Afrique »

Tiken Jah Fakoly à La Nef : son combat « pour l’unité de l’Afrique »
« Nos pays sont encore jeunes car indépendants depuis seulement une soixantaine d’années. Nous sommes dans le processus normal vers l’unité de l’Afrique. »

Photo Youri Lenquette

Par Vincent NAËL - v.nael@charentelibre.fr, publié le 30 novembre 2022 à 18h58.

Le chanteur ivoirien jouera à guichets fermés ce vendredi, à La Nef. Avec son album Braquage de pouvoir, il transmet à la jeunesse africaine son rêve d’un continent uni.

On ne se refait pas. Il y a trois ans, en alertant sur les dangers du dérèglement climatique avec l’album Le monde est chaud, Tiken Jah Fakoly avait rompu avec ses habitudes. Celles de s’évertuer, depuis 1996, à dénoncer les atteintes démocratiques en Afrique. Mais ce n’était qu’un pas de côté. À 54 ans, l’un des sages du reggae revient à La Nef dans une salle à guichets fermés, vendredi à 20h30, pour interpréter les titres de son album Braquage de pouvoir, qu’il adresse à la jeunesse...

On ne se refait pas. Il y a trois ans, en alertant sur les dangers du dérèglement climatique avec l’album Le monde est chaud, Tiken Jah Fakoly avait rompu avec ses habitudes. Celles de s’évertuer, depuis 1996, à dénoncer les atteintes démocratiques en Afrique. Mais ce n’était qu’un pas de côté. À 54 ans, l’un des sages du reggae revient à La Nef dans une salle à guichets fermés, vendredi à 20h30, pour interpréter les titres de son album Braquage de pouvoir, qu’il adresse à la jeunesse de son continent. « Elle doit prendre conscience que l’Afrique ne parviendra jamais à l’indépendance sans l’unité de nos pays », clame cet Ivoirien exilé au Mali à cause de menaces de mort.

Pourquoi revenez-vous déjà sur la politique africaine avec Braquage de pouvoir ?

Cet album symbolise mon combat pour l’unité de l’Afrique. J’espère sensibiliser le public, comme celui d’Angoulême vendredi, et surtout la jeunesse africaine. Dans ma chanson Famillecratie, je lui parle de la manière dont les dictateurs de notre continent bloquent l’accès au pouvoir pour qu’il reste dans leur famille. Ça dure depuis des décennies dans beaucoup de nations et le népotisme est même en train de se propager. Dernier exemple en date : au Tchad, Mahamat Idriss Déby a succédé à son père (Idriss) en 2021. Et fin octobre, une cinquantaine d’opposants ont été tués.

Vous dénoncez l’immobilisme des populations d’Afrique francophone avec le titre Ça va aller, expression qu’elles emploient souvent.

Je le dénonce, mais il y a quand même des évolutions. On parle beaucoup du Mali depuis le coup d’État militaire en 2021. Je ne dis pas que le nouveau pouvoir est sur le bon chemin, mais au moins, la population le soutient. Ça aurait été impossible lors du putsch de 1991. Les réseaux sociaux ont renforcé notre combat car ils ont permis à beaucoup d’Africains de se réveiller. Maintenant, grâce à eux, tout se sait.

Vous critiquez aussi les interférences de la France en Afrique. Estimez-vous que derrière les tyrans, ce sont désormais la Russie et la Chine qui se cachent ?

Pendant des décennies, la France et les États-Unis nous ont interdit de négocier avec d’autres nations pour nos matières premières. Maintenant que la boutique est ouverte, il y a un vrai marché et on peut vendre plus cher. En fait, le souci, c’est la manière dont nos dirigeants négocient certaines choses avec la Russie et la Chine. Cette dernière pollue de plus en plus nos terres, par exemple.

Le sentiment anti-français prend énormément d’ampleur en Afrique francophone ces derniers temps. Ces deux pays manipulent-ils l’opinion ?

Les populations ne sont pas anti-Français mais anti-système (géopolitique) français. Après que Nicolas Sarkozy a fait exploser la Libye, l’armée française est arrivée au Mali sans autorisation. Du début à la fin (2013-2022), sa présence a été un échec parce qu’elle n’a pas réussi à éradiquer le terrorisme. Si vous ne parvenez pas à éteindre le feu, on a le droit d’appeler un autre pompier. Aujourd’hui, Wagner (milice pro-russe au Mali), ce sont peut-être des mercenaires, mais la France en a aussi amené.

Tant que des puissances étrangères interféreront dans la politique africaine, la véritable indépendance restera-t-elle utopique ?

Le problème, c’est surtout que nous avons un continent divisé. Les pays d’Europe, eux, ont compris qu’il fallait s’associer pour présenter un grand bloc. Pendant ce temps-là, en Afrique, nous nous livrons à des guerres fratricides. Au Mali, quand je vois des soldats ivoiriens retenus depuis le 10 juillet… Il faut arrêter toutes ces bêtises. Parce que la Chine et la Russie en profitent.

Est-ce le sens de vos titres Le peuple a le pouvoir, Beau continent et Colonisé ?

À l’école, c’est l’histoire des pays qui nous ont colonisés, comme la France, qu’on apprend. La jeunesse ne sait pas qu’elle a le pouvoir. Idem pour Beau continent, on lui dit de regarder New York, Paris… alors qu’elle est déjà assise sur le paradis. On met aussi dans la tête de nos jeunes que l’Afrique est pauvre. Mais sans l’uranium du Niger, la France serait en train de tousser. (rires) Nous avons aussi les trois plus gros producteurs de cacao, avec la Côte d’Ivoire, le Ghana puis le Nigeria, soit 75 % de la production mondiale. Si seulement nos pays étaient unis… Moi, je montre l’unité dans cet album, en chantant avec les Maliens Amadou et Mariam ou encore Dub Inc, qui représente les diasporas.

Les « États-Unis d’Afrique », y croyez-vous encore ?

Oui, mais ça ne se fera pas de mon vivant.

Songez-vous à prendre des fonctions politiques ?

Je ne ferai pas ce que Bob Marley n’a pas fait. Pour moi, c’est le dernier prophète. Et comme lui, je pense que le pouvoir corrompt les hommes.

« Nos pays sont encore jeunes car indépendants depuis seulement une soixantaine d’années. Nous sommes dans le processus normal vers l’unité de l’Afrique. »
« Nos pays sont encore jeunes car indépendants depuis seulement une soixantaine d’années. Nous sommes dans le processus normal vers l’unité de l’Afrique. »

Photo Youri Lenquette