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« Tori et Lokita » : le chemin de croix d’enfants exilés

Les frères Dardenne suivent, dans un récit prévisible, le périple de deux mineurs africains en attente de papiers.

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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Depuis leur première Palme d’or, les frères Dardenne ont fait école au sein du cinéma européen, et, ici et là, on retrouve l’empreinte de leur style cinématographique : caméra portée, collée à la nuque de héros opprimés qui tentent de sortir la tête du tunnel, d’entrevoir la lumière. Ce qui est frappant, c’est que, depuis quelque temps, ce dispositif s’est autonomisé, donnant l’impression de tourner à vide. Le style reste le même, seuls les personnages et la texture des malheurs changent. On salue cette constance de deux cinéastes semblant ne pas avoir fait le tour de leur dispositif qui, encore aujourd’hui, prend appui sur une motivation morale (les cinéastes aiment à citer le philosophe Emmmanuel Levinas) : donner une existence et un visage à des silhouettes si peu regardées.

Présenté à la Sélection officielle à Cannes, Tori et Lokita suit deux jeunes mineurs étrangers africains arrivés seuls en Belgique et qui se disent frère et sœur auprès des services sociaux. Suspendue à une décision qui verra, ou non, l’aînée enfin régularisée, le duo inséparable vit de débrouille et de petits boulots au noir, exploités ici par un restaurateur impitoyable, là par des trafiquants de drogue. C’est l’habituel marathon de la souffrance, un peu plus sombre que d’habitude. Consciemment, l’intention des cinéastes reste inchangée : ils veulent éveiller les consciences, faire que les spectateurs « éprouvent aussi un sentiment de révolte contre l’injustice qui règne dans nos sociétés ».

Engrenage scénaristique

Inconsciemment, la mise en scène articule tout autre chose : celle-ci ne provoque plus vraiment d’empathie face à deux héros excessivement sanctifiés, mais un effet de déréalisation face à la démultiplication des malheurs, au dépouillement des décors, et au pessimisme qui semble teinter la conscience politique des Dardenne. Ici, ce n’est pas la violence du monde qui s’acharne sur le noble duo, mais bien plutôt un engrenage scénaristique, reconnaissable au premier plan.

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Nous ne sommes pas plongés au sein d’une réalité cruelle, celle des sans-papiers livrés à eux-mêmes, mais dans une contrée de cinéma inhospitalière qu’on pourrait baptiser « la Dardennie ». N’y a-t-il pas, au fond du regard des réalisateurs, une jouissance insoupçonnée à orchestrer le chemin de croix de leurs personnages, à les purifier par la souffrance ? Etrangement, cette perversité teintée de dolorisme rend le cinéma des deux frères bien plus intrigant que si nous les prenions pour les nobles chantres d’un humanisme cannois.

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