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Trafic de drogue à Sète : "Ça va mal finir", les habitants de l'Île de Thau brisent le silence sur leur quotidien

Insécurité, saleté, intimidations... les habitants de l'Île de Thau ne veulent plus taire un quotidien rendu "invivable" par le trafic et la violence qu’il engendre. Témoignages.

Pour qu'ils acceptent de témoigner de leur quotidien, les habitants de l'Île de Thau nous ont demandé deux choses. L'anonymat le plus complet - "ne mettez pas de prénoms d'emprunt, les représailles pourraient tomber sur quelqu'un d'autre" - et l'absence de toute parole politique, "pour éviter la récupération". Puis ils se sont livrés, chacun leur tour, sur des conditions de vies rendues "insupportables" par le trafic de drogue qui gangrène leur quartier et la violence qu'il génère.

"Ils ont mis un couvercle sur le quartier"

"La rue leur appartient et nous devons faire avec. Les trafiquants se sentent en terrain conquis. L'insécurité n'est plus un sentiment, elle est bien réelle. Vous avez du deal au pied des immeubles, sous les porches, devant les enfants... Ce sont deux mondes qui évoluent en parallèle", confie une habitante. Autour, ses voisins acquiescent. Tous décrivent les mêmes nuisances quotidiennes, depuis les éclats de voix sous les fenêtres jusqu'aux tirs de mortier d'artifice en plein milieu de la nuit, en passant par les arrêts de bus transformés en "petit salon avec des tonneaux pour faire du feu et se réchauffer". "La cité est devenue une poubelle à ciel ouvert."

"Je me suis retrouvé un jour face à des jeunes installés sur ma voiture, canettes sur le capot. Ils avaient même installé des transats. Quand je leur ai demandé de me laisser quitter le parking ils ont refusé. Il a fallu que j'appelle la police pour récupérer mon véhicule. Et j'ai fini par m'entendre dire par la patrouille qu'il ne leur arriverait pas grand-chose, et que le plus simple était de me garer ailleurs..."

Un trafic extrêmement rentable

Une pression permanente, parfois accompagnée d'intimidations, qui ont poussé les habitants à se refermer sur eux-mêmes. "Ils ont mis un couvercle sur le quartier. À partir de 18h, vous ne croisez plus personne dehors", poursuit un riverain. "Un jour, ils ont arrêté la voiture de l'une de mes connaissances, juste parce qu'elle était de la même couleur que celle d'une personne qu'ils recherchaient. Les médecins du centre-ville ne viennent plus jusqu'à nous dès que la nuit tombe. On a vraiment l'impression que l'on nous a laissés tomber !", enchaîne sa voisine.

Tous ont à l'esprit la fusillade qui a éclaté en mars dernier, à la mi-journée, sur fond de règlement de compte. Mais aussi les coups de filet successifs de la police qui ont laissé des places à prendre à la tête du trafic sétois, en 2020. En septembre, 29 prévenus ont été jugés devant le tribunal de Montpellier. Un dossier tentaculaire et au cœur des débats, un chiffre impressionnant avancé par les enquêteurs : jusqu'à 25 000€ de recettes par jour générés sur la seule place de la Seinchole, à raison de 25 clients par heure.

Pourtant il y a quelques semaines, la colère des habitants a pris le pas sur la peur. Et ils se sont réunis en collectif pour réclamer officiellement une intervention des pouvoirs publics. Selon nos informations, une invitation a été envoyée au préfet de l'Hérault Hughes Moutouh et une opération citoyenne serait en préparation pour "se réapproprier notre quartier". "Beaucoup de résidents ne veulent pas partir. On a la plus belle ZUP de France ! Et même ceux qui le voudraient n'ont pas les moyens de le faire. On vit bien ici. La rénovation urbaine fonctionne. Mais un jour ça va mal finir. Un habitant fera une bêtise..."

Des dealers qui viennent de l'extérieur

"Le trafic de drogue a toujours existé. Mais avant c’étaient des jeunes d’ici. Ils avaient un certain respect des habitants. Aujourd’hui on a l’impression qu’ils viennent tous de l’extérieur." Un sentiment confirmé par Éric Peyriguey, directeur de la police municipale de Sète, qui mène des opérations régulière de lutte contre le trafic. "Lors des arrestations, on se rend compte que les dealers et les guetteurs viennent de l'extérieur. De Béziers, de Nîmes, et parfois de bien plus loin en France."

Un système qui a tendance à se généraliser dans l'hexagone, avec la professionnalisation du trafic de drogue. Objectif, complexifier encore un peu plus les procédures judiciaires. "Depuis deux ou trois ans la situation a changé sur l'Île de Thau. On a un irrespect qui s'est installé de la part des dealers vis-à-vis de la population. J'ai bien conscience de la peur qu'ils font régner. La police municipale a renforcé ses moyens et sa présence sur le terrain, mais il faut maintenant que l'occupation du territoire se face en partenariat avec les autres forces de sécurité."