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Transmission d'entreprise : les ETI françaises en quête d'une nouvelle génération de dirigeants

Dans les dix prochaines années, une entreprise intermédiaire (250 à 5.000 salariés) sur dix est amenée à changer de dirigeant. Selon l'étude « ETI, la Relève. 10 ans pour re-générer le tissu des ETI françaises grâce à une transmission réussie », publiée par KPMG France et le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) à l'occasion des 20 ans du pacte Dutreil, « cette vague inédite fait de la transmission un véritable enjeu de société ».

« On recense 5.400 ETI en France (générant 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires), dont 200 en Bretagne. 2/3 des capitaux des ETI sont à 70 % d'origine familiale, en Bretagne on monte même à 80%. Cela représente 25% des emplois au niveau national, 27% en Bretagne », évalue Vincent Broyé, associé et directeur Grand-Ouest de KPMG, en charge des ETI.

« Or il faut six à dix ans pour réussir une transmission et faire émerger de nouveaux dirigeants. Ce qui est en jeu c'est la question cruciale de souveraineté économique et de ré-industrialisation. Avant le pacte Dutreil, conçu pour inviter un actionnariat familial à réfléchir à sa gouvernance, 700 fleurons sont passés sous bannière étrangère » rappelle-il.

Pérennité et création de valeur dans un nouveau projet

En allégeant la fiscalité sur les donations ou les successions, le pacte Dutreil permet de transmettre une entreprise à un coût n'excédant pas celui en vigueur dans des pays européens comme l'Allemagne et l'Espagne. Pour KPMG, le passage de témoin à une nouvelle génération de dirigeants a vocation à pérenniser les savoir-faire et développer les activités dans les différents territoires où elles sont installées.

« Le pacte Dutreil est un outil indispensable pour transmettre une entreprise plutôt que de la vendre, mais une transmission réussie s'anticipe » insiste Vincent Broyé. « Il s'agit de passer du projet du fondateur à un projet nouveau, potentiellement créateur de valeur par l'intégration d'orientations stratégiques liées à la transition environnementale, numérique ou RSE. »

Pour la performance de l'entreprise, la succession managériale est un enjeu crucial. Le nouveau dirigeant se doit d'intégrer la culture d'entreprise. Certains héritiers avouent même découvrir « un métier passionnant ».

Quéguiner Matériaux : 2e employeur de Landivisiau

« On hérite d'une histoire, de valeurs et d'un engagement sur un territoire » décrit Clément Quéguiner, 33 ans, jeune président de Quéguiner Matériaux, groupe aux capitaux 100% familiaux, spécialisé dans le négoce en matériaux de construction pour le neuf ou la restauration.

« Avec 310 millions de chiffre d'affaires et 1.1150 salariés, Quéguiner Matériaux est actif dans l'industrie, dans la menuiserie PVC et dans le transport avec une flotte de 150 camions. Le groupe vend aux artisans, aux pavillonneurs, aux acteurs tels que Colas et Vinci. Il s'est constitué un réseau de 36 agences réparties en Bretagne et en Loire-Atlantique et emploie 600 personnes sur son siège de Landivisiau (Finistère). C'est le deuxième employeur de la ville », relève celui qui est entré dans l'entreprise en janvier 2016 comme secrétaire général.

Promu directeur général Distribution en novembre de la même année, il a pris les rênes du groupe en janvier 2020, avec une crise sanitaire pour baptême du feu.

« Je représente la troisième génération à la tête de cette entreprise fondée il y a 75 ans par mon grand père. Travaillant auparavant dans l'événementiel, je n'envisageais pas au départ m'y investir. Lorsque mon père nous a demandé fin 2015, à mon frère et à moi, si nous voulions nous engager dans l'entreprise, j'ai rapidement accepté sa proposition » raconte Clément Quéguiner.

Projet Cap 2025 : investissement dans la décarbonation

Accompagné plusieurs années par son père, aujourd'hui retraité mais siégeant toujours au comité stratégique, Clément Quéguiner exploite la partie business du groupe, détenant 60% de la SAS tandis que son frère possède 62% de la société immobilière et gère les activités de mécénat dans la voile.

« Il existe une vraie force des ETI sur le territoire breton. Mon ambition est de continuer à développer ce lien et faire croître le chiffre d'affaires à 400 millions d'euros en 2025 », explique le dirigeant qui vient de racheter SMEG, un fabricant d'éléments en béton installé à Hennebont (Morbihan) et compte recruter 200 nouveaux collaborateurs sous trois ans.

L'ETI, qui a augmenté ses tarifs pour compenser l'inflation sur les matériaux (bois, acier, plaques de plâtre) et la hausse des coûts de l'énergie (4 millions d'euros de charges supplémentaires en carburant, électricité, gaz), poursuit sa conquête et son maillage en Bretagne et Loire-Atlantique.

Quéguiner investit aussi 15 millions d'euros à Saint-Méen-le-Grand (Ille-et-Vilaine) dans une future usine de blocs de béton, qui produira des produits classiques mais aussi Airium, mousse isolante moins polluante et plus saine.

Les nouveaux déploiements prennent particulièrement en compte les enjeux humains (RH) et hygiène sécurité environnement (HSE).

Entrée au capital de Néolithe et centre de formation

« L'environnement est un enjeu crucial. Nous sommes une entreprise carbonée pour l'achat de matériaux, la partie industrielle (PVC, ciment) et le volet transports » reconnaît Clément Quéguiner.

« Pour baisser notre empreinte, nous travaillons avec plus de fournisseurs français et européens (Espagne, Italie) sur la partie production. Nous basculons progressivement nos chariots élévateurs, nos véhicules commerciaux à l'électrique, tout en prévoyant de renouveler 10 à 15% de notre flotte de camions » illustre-t-il.

L'usine de menuiserie de Landivisiau pourrait pour sa part doubler sa capacité de production en intégrant une activité de volets roulants, jusque-là achetés. 
Le traitement des déchets n'est pas oublié : Quéguiner a investi dans 
la startup angevine Néolithe, dont le procédé de fossilisation accélérée transforme les déchets non-recyclables en granulats minéraux utilisables dans la construction.

Sur le volet RH, l'ETI privilégie les talents bretons via la promotion interne et à travers son centre de formation qui qualifie 45 à 50 personnes par an.

« Qu'elles soient familiales ou managériales, les ETI, par leur taille particulière, possèdent une construction relativement similaire. Elles affichent la même ambition de création de valeur sur leur territoire, par leur capacité à investir, à grandir, à proposer des carrières » assure le jeune patron.

En Bretagne, plusieurs transmissions se sont récemment organisées au sein d'ETI comme Piriou, Verlingue, La belle-iloise ou Lahaye Logistique : autour de projets entre rupture et continuité.