778,1 millions d'euros. C'est le montant redressé en 2022 dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé (dissimulation d'activité ou du travail salarié). A l'occasion d'une présentation sur son bilan 2022, jeudi 8 juin, l'URSSAF, l'organisme chargé de la captation des cotisations sociales, a affiché des résultats meilleurs que ceux des 5 dernières années.
Les montants comptabilisés en 2022 sont stables par rapport à 2021 (-0,17%) et comprennent les cotisations et les contributions non déclarées ainsi que des sanctions, à savoir des majorations de redressement, et la remise en cause des réductions et exonérations de cotisations dont aurait pu bénéficier l'entreprise.
Des résultats qui traduisent des progrès
Entre 2018 et 2022, 3,532 milliards d'euros ont été redressés, soit une hausse de 50% par rapport aux cinq années précédentes. Ces progrès s'expliquent par une augmentation des ressources, par une modernisation des techniques de détection de la fraude (datanaming) et par une plus grande efficacité des contrôles, mieux ciblés.
Lutte contre la fraude sociale : les plateformes Uber et Deliveroo dans le viseur de Bercy
En 2022, plus de 38.000 actions de contrôle ont été effectuées, dont environ 32.000 de prévention et plus de 5.000 actions ciblées. Parmi celles-ci, 2/3 concernent les employeurs, et 1/3 les travailleurs indépendants. Plus précisément, les employeurs représentent 88% des redressements globaux pour un redressement moyen de plus de 230.000 euros. Quant aux travailleurs indépendants, ils représentent 10% des redressements, pour un total de 76,2 millions d'euros. Le secteur du BTP est le plus représenté, en volume, dans ces actions ciblées. Il cumule 524,2 millions d'euros de redressement.
On observe également une optimisation du recouvrement des créances. En 2022, 77 millions d'euros ont été recouvrés soit une augmentation de 50% par rapport à 2021.
Des progrès à faire dans la lutte contre le travail dissimulé
Se félicitant de ses résultats, Yann-Gaël Amghar le directeur général et Emmanuel Dellacherie directeur de la réglementation du recouvrement et du contrôle, ont tout de même tenu à rappeler l'importance de la lutte contre le travail dissimulé. Il s'agit de préserver les droits sociaux des salariés, de sécuriser le financement de la Sécurité sociale et de contribuer à une concurrence loyale entre les entreprises.
Ces derniers ajoutent que, même si les montants redressés ne sont pas toujours recouvrés, l'opération n'est pas un échec. Non seulement elle met fin à une infraction, mais les contrôles ont aussi un « effet de diffusion », de « peur du gendarme » qui modifie le comportement des acteurs. Il y a, pour Yann-Gaël Agmhar, au-delà de l'enjeu financier, un véritable intérêt en termes de préjudice évité.
Des objectifs ambitieux pour les 5 années à venir
Pour la convention d'objectifs et de gestion (Cog) 2023-2027, l'objectif en matière de cotisations et de contributions sociales est de redresser 5 milliards d'euros. Cela représente une « augmentation très significative », précise Yann-Gaël Amghar.
Pour atteindre ce but, des mesures sont déjà prévues. L'Urssaf doit notamment disposer de 240 postes équivalents temps plein supplémentaires pour renforcer les ressources allouées à la lutte contre le travail dissimulé, ce qui correspond à une hausse de 60%. Il s'agit aussi de renforcer le pilotage des fraudes complexes et d'élargir le partage des données pour mieux cibler les contrôles.
Approfondir la coopération institutionnelle
Pour gagner en efficacité lors des contrôles, l'URSSAF veut renforcer la coopération entre les différentes institutions en créant de nouveaux partenariats entre l'URSSAF et la DGFiP, ou encore en améliorant le partage d'informations entre les services.
À terme (2026), l'URSSAF envisage d'ouvrir l'accès de la déclaration sociale nominative (DSN) aux services d'enquête de la police, de la gendarmerie, de l'inspection du travail et de la DGFiP (direction générale des finances publiques).
Renforcer le contrôle des micro-entrepreneurs et de l'économie numérique
L'URSSAF souhaite également surveiller de plus près les micro-entrepreneurs et les plateformes numériques. En effet, de nombreux travailleurs indépendants qui passent par ces espaces digitaux sous-déclarent leurs revenus. C'est le cas, par exemple, de près de 90% des chauffeurs de VTC.
Pour pallier ce problème, la tierce-déclaration du chiffre d'affaires des travailleurs indépendants par les plateformes d'intermédiation financière sur lesquelles ils exercent sera rendue obligatoire d'ici 2026. Par ailleurs, à partir de 2027, une retenue à la source des cotisations et contributions sociales dues par les micro-entrepreneurs s'y ajoutera. Ce sera alors aux plateformes de verser directement à l'URSSAF les montants dus. Ces mesures s'inscrivent dans une logique de « simplification », d'après l'URSSAF.
La coopération internationale pour contrer la fraude au détachement
L'un des combats prioritaires de l'URSSAF dans la lutte contre le travail dissimulé est d'empêcher la fraude au détachement et à la pluriactivité, c'est-à-dire le fait de bénéficier du régime de protection sociale français quand un travailleur exerce dans un autre pays durant un temps déterminé.
Entre 2016 et 2022, 303 contrôles ont été engagés et 331 millions d'euros ont été redressés. En 2023, 86 dossiers sont en cours avec un enjeu de 150 millions d'euros. Le directeur général précise qu'il s'agit de contrôles de longue durée qui nécessitent parfois la coopération des institutions des pays européens concernés. Pour être plus efficace lors des contrôles, l'URSSAF a établi des conventions bilatérales et/ou des protocoles d'accord avec la Belgique, l'Espagne, le Portugal, le Luxembourg, la Pologne et l'Italie. Ces textes facilitent le partage d'informations et rendent possibles d'éventuelles opérations communes entre ces pays.