Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°213 daté avril/ juin 2023.
Un binage vaut deux arrosages est un célèbre dicton de jardinier. Mais est-il bien vrai ? La réponse est à chercher à ras de terre : "Le sol permet l'enracinement et la croissance des plantes, régule le climat en stockant le carbone, limite l'impact des crues, permet des échanges de gaz (oxygène, CO2) entre l'atmosphère et les organismes vivants qu'il abrite. Surtout, il stocke de l'eau qu'il va restituer", rappelle Isabelle Cousin, qui dirige l'Unité de recherche de science du sol à l'Inrae d'Orléans.
Ses travaux portent sur l'estimation de la capacité d'eau que ce "réservoir" à grande échelle peut contenir et l'étude des pratiques agricoles qui permettraient de l'augmenter. Pour un jardin individuel, l'ambition est moindre, l'objectif premier étant surtout de faciliter la pénétration de l'eau. Car il peut se former, du fait d'un tassement excessif ou par la percussion des gouttes de pluie en cas de fortes précipitations, une croûte (dite "de battance") qui rend le sol totalement imperméable et l'empêche de respirer.
Pour la combattre, le jardinier a deux leviers : l'installation d'un paillage (paille, broyat de bois...) qui amortit les gouttes de pluie, garde la fraîcheur et peut jouer un rôle fertilisant si le matériau utilisé est biodégradable. Et, quand le sol est à nu, le binage sur quelques centimètres.
"Surtout, en situation de grande sécheresse, évitez de biner"
Revenons à notre dicton. Si le sol est très limoneux (issu d'alluvions de rivière) : binez, paillez… S'il est sableux, donc plus perméable, il est inutile de biner. "Surtout, en situation de grande sécheresse, évitez de biner, car le risque d'évaporation est trop grand. Préférez un paillage", souligne Isabelle Cousin.
Celui-ci constitue également une protection pour les nombreux organismes qui vivent dans le sol et le structurent, comme les lombrics dont les galeries peuvent atteindre un mètre de profondeur. Si l'on ne paille que partiellement, on peut laisser une chance raisonnable aux "mauvaises herbes", qu'on désigne aujourd'hui sous le terme plus positif d'"adventices". Certes, elles concurrencent les autres plantes pour l'accès à l'eau, mais elles structurent aussi le sol. "Un sol nu peut être un choix esthétique, mais ce n'est pas forcément un bon calcul à moyen terme", résume Isabelle Cousin. Quelques liserons et un peu de chiendent seront la contrepartie d'un sol en bonne santé.