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Twitter : Elon Musk à court de solutions face à la fuite des annonceurs

Le Twitter d'Elon Musk fonce tout droit dans une impasse financière, s'il continue dans cette direction. D'un côté, son moteur financier historique, la publicité, ne cesse de s'effondrer de semaine en semaine, alors qu'il alimentait près de 90% de son chiffre d'affaires. De l'autre, la nouvelle monétisation promue par Elon Musk, basée sur l'abonnement, continue d'être repoussée. Et il faudra ensuite convaincre les utilisateurs.

Il serait donc très peu probable que Twitter parvienne à réaliser à nouveau son chiffre d'affaires de 2021 (5,1 milliards de dollars), alors qu'il doit encaisser un milliard de dollars de coûts supplémentaires, pour rembourser une partie de la dette contractée par Elon Musk auprès d'un consortium de banques afin de conclure le rachat. Mais l'entreprise n'étant plus cotée en Bourse, le chiffre d'affaires 2022 pourrait être gardé secret par Elon Musk.

Les revenus publicitaires de Twitter continuent de s'effondrer

D'après Platformer, le chiffre d'affaires publicitaire de Twitter sur la région EMEA (Europe et Moyen-Orient) est en chute de 15% par rapport à l'an dernier, et les engagements hebdomadaires se sont même effondrés de 49%. Pourtant, la semaine du Black Friday (qui s'étend jusqu'au Cyber Monday), couplée au démarrage de la Coupe du monde de football, devait ramener un pic d'annonceurs sur la plateforme. Platformer donne l'exemple du WPP Group, qui aurait mis un terme à l'équivalent de 1,16 million de dollars de campagnes publicitaires, rien que sur la région EMEA, depuis l'arrivée d'Elon Musk.

La fuite semble généralisée : d'après l'ONG Media Matters, 50 des 100 plus gros annonceurs mondiaux ont arrêté (ou annoncé qu'ils allaient arrêter) leurs dépenses sur Twitter depuis la prise de pouvoir de Musk. Le manque à gagner pour le réseau social serait de 317 millions de dollars. Il faut dire que Twitter n'est pas un acteur essentiel de la publicité, comme peuvent l'être Google, Meta (Facebook, Instagram) ou Amazon. Le réseau social n'est vu que comme un relai complémentaire, et donc dispensable, surtout à l'heure où les budgets de la publicité en ligne sont revus à la baisse sur l'ensemble du marché.

Elon Musk envoie des signaux contraires

D'après le Financial Times, pour contrer cette fuite des annonceurs, Elon Musk essaie lui-même de contacter les directeurs généraux et les directeurs marketing des entreprises qui se désengagent. Dans certains cas, cette méthode fonctionne, mais il ne parvient qu'au mieux à obtenir une réduction des budgets publicitaires à la place d'une coupure simple.

Il faut dire que derrière ses déclarations rassurantes, Elon Musk continue d'envoyer des signaux alarmants aux annonceurs, entre ses invectives, ses partages de propos complotistes et ses interactions avec des personnalités douteuses. Pour ne rien arranger au tableau, ce week-end, le milliardaire sulfureux a restauré 62.000 comptes bannis pour violation des règles de Twitter, dont 75 suivis par plus d'un million d'abonnés, suite à un simple sondage sur son compte, un mode de scrutin partiel et très facile à influencer.

Mais le FT souligne un autre problème : l'équipe de Twitter en charge de la publicité a également subi de plein fouet les vagues de départ. Robin Wheeler, qui avait pris la tête de la division de Twitter en charge de la vente de publicités lors du changement de direction, a quant à elle été licenciée le 19 novembre. Elon Musk l'avait pourtant convaincue de rester alors qu'elle comptait démissionner une semaine plus tôt. Mais d'après Bloomberg, elle a été mise à pied après avoir refusé de licencier plus de personnes dans ses équipes.

Résultat, bon nombre d'agences publicitaires n'ont plus de contact avec le réseau social et ne reçoivent que très peu voire aucune communication. De même, certaines marques n'ont pas pu obtenir de retours chiffrés sur leurs précédentes campagnes. Pour compléter ce tableau, certains se plaignent de la détérioration des outils publicitaires de Twitter, qui ne sont plus autant entretenus.

Twitter peut-il vraiment se passer de la publicité ?

Pour moins dépendre de la publicité, Elon Musk matraque sa solution magique, l'abonnement Twitter Blue, à 8 dollars par mois, qui donne accès à un badge bleu similaire à celui des comptes certifiés actuels. A terme, l'homme d'affaires espère en tirer la moitié du chiffre d'affaires de l'entreprise. Sauf que non seulement l'abonnement Blue d'Elon Musk tarde à se lancer, mais en plus, il semble sous-dimensionné par rapport aux besoins du réseau social. Sur la base de chiffres publics, le site Forbes s'est essayé à un exercice de projection. Le résultat ? Il faudrait que Twitter convertisse 64 millions d'utilisateurs à son nouveau système d'abonnement (soit environ un quart de ses 238 millions d'utilisateurs actifs quotidiennement) pour compenser la perte des revenus publicitaires. A titre de comparaison, le site américain rappelle que YouTube n'a que 80 millions d'abonnés à son offre premium sur 2,6 milliards d'utilisateurs, alors même que cette dernière est plus fournie que celle de Twitter.

Pour ne rien arranger à la situation, Elon Musk s'est lancé en début de semaine dans une nouvelle croisade, cette fois contre l'App Store d'Apple. Régulièrement critiqué, et au centre d'une dispute juridique d'ampleur avec l'éditeur de Fortnite Epic Games, le magasin d'applications des iPhones ponctionne 30% des revenus générés par les grosses applications (1 million de dollars de volume d'affaires par an). Le milliardaire se dresse désormais contre cette « taxe », alors qu'il défendait jusqu'ici que le passage du paiement de l'abonnement par l'App Store et le Google Pay lui permettait d'afficher un niveau de fiabilité difficile à atteindre, grâce aux outils de protection déjà en place. Par ailleurs, d'après le Washington Post, Apple était le premier client du réseau social en 2021, avec 48 millions de dollars de dépenses en publicité...

En conséquence de cette nouvelle lubie de Musk, Twitter remet à plus tard le déploiement de Blue. Les développeurs doivent construire des garde-fous, et notamment un outil pour vérifier l'identité des utilisateurs. Un nouveau casse-tête technologique à résoudre pour des équipes techniques saignées par les grandes vagues de licenciements et de démissions qui se succèdent depuis la prise de pouvoir de Musk fin octobre.

Combien d'argent Twitter va-t-il perdre ?

Sans modèle économique solide, Twitter peut-il s'en sortir ? Dans sa newsletter Stratechery, l'analyste Ben Thompson estime à trois milliards de dollars les coûts de Twitter -réduits avec les licenciements-, auxquels il faut ajouter le milliard de dollars de remboursement de l'emprunt contracté lors de l'achat. Si l'entreprise réalisait le même chiffre d'affaires qu'en 2021 -5,1 milliards de dollars-, elle rentrerait dans les clous.

Mais répéter la performance financière de l'an dernier paraît impossible étant donné la dégradation continue de son modèle publicitaire, à moins d'un miracle. Comme le relève Les EchosElon Musk devrait intervenir à la réunion trimestrielle de la Fédération mondiale des annonceurs, ce jeudi. Mais peut-il éteindre le feu qu'il a lui-même déclenché et nourri ?

Bruxelles appelle Twitter à lutter contre la désinformation

Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a averti mercredi le patron de Twitter Elon Musk qu'il devrait « significativement augmenter les efforts » pour se conformer aux règles de l'UE, lors d'un entretien téléphonique. Twitter a annoncé mardi le rétablissement en masse de comptes bannis et la fin de la lutte contre la désinformation sur le Covid. Thierry Breton a rappelé qu'Elon Musk s'était engagé en mai à se conformer à la nouvelle législation européenne sur les plateformes en ligne.

Désinformation, discours haineux, contrefaçons... Les très grandes plateformes en ligne, comme Facebook, Amazon ou Twitter, devront appliquer « vers l'été 2023 » la nouvelle législation de l'UE entrée en vigueur en novembre pour éliminer les zones de non-droit sur internet. Ces règles incluent l'obligation d'agir « promptement » pour retirer tout contenu illicite dès que la plateforme en a connaissance, ou l'obligation d'informer les autorités judiciaires quand elles soupçonnent une "infraction pénale grave".

Elles comprennent aussi des interdictions, comme celles d'exploiter les données « sensibles » des utilisateurs (genre, tendance politique, appartenance religieuse...) pour de la publicité ciblée. Et des obligations de transparence, comme la publication des principaux paramètres utilisés par les systèmes de recommandation.

Les grandes plateformes se verront imposer l'obligation d'évaluer elles-mêmes les risques liés à l'utilisation de leurs services et devront mettre en place les moyens pour les atténuer, comme la modération de contenus. Elles devront aussi fournir au régulateur un accès à leurs données et seront auditées une fois par an, à leurs propres frais, par des organismes indépendants. Elles seront placées directement sous la surveillance de la Commission européenne, qui pourra leur infliger des amendes allant jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial, voire une interdiction d'opérer dans l'UE en cas d'infractions graves répétées.

Dans un tweet mercredi soir, Thierry Breton a envoyé un lien vers un rappel des règles européennes publié... sur son compte Mastodon, réseau social rival de Twitter.

(AFP)