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Vendée Globe 2024 : Clarisse Crémer, la maternité débarquée

Le 3 février 2021, Clarisse Crémer était arrivée aux Sables-d’Olonne en bouclant son premier tour du monde à la voile en solitaire et sans escales, le Vendée Globe, en 87 jours, 2 heures et 24 minutes. À la douzième place, certes, mais avec un temps canon qui faisait d’elle la femme la plus rapide de l’histoire de la course, 7 jours de mieux qu’une certaine Ellen MacArthur vingt ans plus tôt. De quoi aiguiser son envie de repartir sur la prochaine édition de la course, en 2024.

Mais avant de remettre le cap sur cette circumnavigation extrême, une autre aventure l’attend. La navigatrice a prévu une grossesse, et en informe son sponsor. Au début de l’automne 2021, Clarisse Crémer et Banque Populaire embarquent officiellement pour une nouvelle campagne marine. Au printemps 2022, Clarisse Crémer laisse la barre de son bateau à Nicolas Lunven, double vainqueur de la Solitaire du Figaro, qui doit assurer l’intérim pendant qu’elle est enceinte.

« Je suis heureuse que Banque Populaire me soutienne et m’accompagne dans ce que je vis. Allier la maternité et le sport de haut niveau est un vrai défi et j’ai vraiment envie de concilier les deux avec le même enthousiasme. Je suis comblée actuellement mais j’ai déjà hâte de retrouver le large », déclare alors la future maman au Figaro.

Une situation posée depuis longtemps

À la mi-novembre 2022, pendant que son compagnon, le skippeur Tanguy Le Turquais, est sur l’océan, engagé sur la Route du Rhum, Clarisse Crémer donne naissance à une petite fille. Elle compte remonter sur le pont en début d’année 2023, avec son nouveau bateau, l’ex-Apivia avec lequel le skippeur Charlie Dalin a terminé deuxième du Vendée Globe 2020 et de la dernière Route du Rhum. Sauf que patatras. Le groupe Banque Populaire l’a informée le 27 janvier qu’elle est débarquée du projet.

Réagissant jeudi 2 février sur Instagram, la Parisienne se dit « sous le choc ». Elle regrette la décision de son sponsor qui, selon elle, ne veut pas assumer le risque d’une skippeuse-maman, et celle de l’organisation du Vendée Globe, dont les nouvelles règles empêchent quasiment de mener de front course au large et maternité. De fait, le « cas » Clarisse Crémer n’agite pas tout soudain les pontons.

Pour comprendre, il faut revenir aux nouvelles règles établies en octobre 2021 par l’organisation du Vendée Globe. Elles sont renforcées pour garantir plus de sécurité sur la course et pour limiter le nombre de participants. Ils étaient 13 pour la toute première édition en 1989. L’attractivité de l’épreuve est telle aujourd’hui que l’organisation souhaite ne pas dépasser les 40 partants.

Ils seront répartis entre 13 bateaux neufs engagés d’office (il s’agit d’encourager l’innovation), 26 qui doivent accumuler des points en participant aux compétitions de la classe IMOCA (les monocoques de 18,28 m), et une dernière invitation que se réservent les organisateurs boucle la sélection.

On peut noter que l’avis des organisateurs promulguant ces règles en 2021 évoquait « une démarche de féminisation de la course au large » en permettant l’ajout de points de The Ocean Race, une course par équipage embarquant de nombreuses femmes. Mais ces règles, en obligeant une régularité en course sur longue période, ne facilitent évidemment pas la réalisation d’une grossesse.

Pour trouver une solution – modification du règlement ou invitation - permettant un engagement de sa navigatrice, Banque Populaire assure avoir mené de longues négociations avec l’organisation du Vendée Globe. En vain. Le sponsor considère que Clarisse Crémer « est aujourd’hui dans une situation qui ne lui permet pas d’espérer le nombre de points nécessaires pour se qualifier pour le Vendée Globe 2024 ». Et décide donc de miser sur un autre skippeur.

Un manque d’anticipation général

L’organisation de son côté, dans un communiqué jeudi 2 février soir, rappelle que ses règles « se sont appuyées sur des réflexions et des propositions débattues et votées » en assemblée générale par la classe IMOCA, l’association qui depuis 1991 préside aux destinées de cette jauge de bateaux. « Pour préserver l’équité envers l’ensemble des prétendants », elle assure ne pas pouvoir « se permettre de changer les règles ». Quant à une éventuelle invitation, l’organisation précise qu’elle ne peut être attribuée qu’au terme du processus de sélection.

Fin de non-recevoir, donc. Définitive ? La ministre des sports Amélie Oudéa-Castéra s’est empressée jeudi soir d’intervenir auprès du président du Vendée Globe, Alain Leboeuf. Qui « reconnaît que le règlement de la course devra impérativement évoluer pour permettre aux navigatrices de vivre sereinement leur maternité », selon la ministre qui précise : « Pour 2024, les chances de Clarisse ne sont pas éteintes ».

Mais pour l’heure, la situation semble inextricable. Elle révèle le manque d’anticipation général d’un milieu longtemps loin de ces préoccupations et que de plus en plus de navigatrices bousculent, pas seulement sportivement.