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Virus de la bronchiolite : un vaccin réservé aux riches

Dans son officine située en banlieue nord de Paris, la pharmacienne n'a pas encore eu l'occasion de commander le nouveau venu. Une fois connectée au site de son grossiste en médicaments, elle ne peut s'empêcher d'émettre un petit sifflement en découvrant le prix du vaccin Arexvy, commercialisé par les laboratoires GSK pour protéger les plus de 60 ans contre le virus syncytial respiratoire (VRS). « Ouh là ! Cela revient à presque 230 euros la dose et ce n'est pas du tout pris en charge. Clairement, il n'y aura pas grand monde pour débourser une telle somme dans ma clientèle », estime-t-elle.

Après le manque de doses de Beyfortus – le traitement préventif contre les bronchiolites du nourrisson provoquées par le VRS –, c'est donc au tour du vaccin destiné aux séniors de faire parler de lui. Cette fois, ce n'est pas une histoire de stocks insuffisants, mais un problème d'argent. Les doses sont déjà disponibles sur ordonnance en pharmacie, mais ne seront pas remboursées tant que la Haute Autorité de santé (HAS) n'aura pas remis son avis… dans un an.

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Situation « éthiquement choquante »

En attendant, en France, le vaccin anti-VRS se situe dans une « zone grise » dénoncée par certains médecins. Une soixantaine d'entre eux – pneumologues, gériatres, médecins généralistes – viennent de publier une tribune dans Le Parisien appelant les autorités de santé à presser le pas. « En attendant l'indispensable évaluation médico-économique, il faut que l'Assurance maladie prenne en charge, dès cette année, de manière exceptionnelle, le coût de la vaccination pour les plus fragiles », exhortent ses auteurs.

Parmi eux, le Dr Jérôme Barrière, oncologue médical à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), a été l'un des premiers à s'en émouvoir : « Certains de mes patients particulièrement fragiles ont déjà entendu parler de la commercialisation de ce vaccin. Je leur ai expliqué qu'il était tout à fait recommandé pour eux. Mais je les ai également prévenus : même avec une ordonnance, il faudra payer de votre poche. Résultat, seuls les plus fortunés y ont accès. »

Et ceux qui ne peuvent pas réunir l'argent nécessaire ? « Cet hiver, il y aura, en France, quelques centaines ou quelques milliers de morts qui auraient déjà pu être évitées grâce au vaccin, » prévient le médecin, estimant la situation « choquante éthiquement ».

25 000 personnes âgées hospitalisées chaque année

Commercialisé par les laboratoires britanniques GSK, le vaccin Arexvy protège contre le VRS. Ce virus est bien connu pour être à l'origine de 80 % des cas de bronchiolite du nourrisson, mais il est également responsable de nombreuses infections respiratoires aiguës chez l'adulte. La France compterait, chaque année, près de 25 000 hospitalisations de sujets âgés en lien avec une infection sévère par le VRS.

Arrivé sur le marché européen en juin 2023, l'Arexvy est justement destiné aux personnes de plus de 60 ans. Son concurrent, l'Abrysvo, des laboratoires américains Pfizer – autorisé en août et pas encore disponible en France –, pourra être utilisé chez les séniors mais également chez les femmes enceintes, pour protéger leurs enfants dès la naissance.

Les deux vaccins revendiquent une efficacité d'au moins 60 % contre les formes graves d'infection par le VRS. D'autres concurrents devraient être homologués en Europe d'ici quelques mois, dont celui basé sur l'ARN messager de Moderna, également américain.

« Priorité absolue »

« Des progrès médicaux de cette ampleur, cela n'arrive pas tous les jours », s'enthousiasme le Pr Bruno Crestani, chef du service de pneumologie à l'hôpital Bichat (AP-HP), lui-même signataire de la tribune. « Notre objectif n'est pas de dire qu'il faut vacciner toutes les personnes de plus de 60 ans, c'est à la Haute Autorité de santé de le trancher. Mais, dès cette année, des doses devraient être mises à disposition de patients atteints de certaines maladies chroniques respiratoires ou encore des résidents très âgés dans les Ehpad, où la circulation du VRS fait des ravages. Pour ces personnes, il n'y a aucune raison d'attendre », estime le professeur.

Interrogée, la HAS reste ferme sur son programme des prochains mois. Les représentants de l'agence indiquent s'être fixé pour objectif « d'évaluer la pertinence d'intégrer le ou les vaccins autorisés dans la stratégie de prévention des infections par le VRS chez les sujets âgés d'ici le mois d'octobre 2024 », comme l'indique la note de cadrage parue le 13 septembre dernier.

À LIRE AUSSI Santé : les prix des complémentaires flambentPourquoi un délai d'un an ? C'est un travail de « grande ampleur, car il faut prendre en compte l'épidémiologie, les résultats des essais cliniques, les recommandations internationales, etc. Il s'agit d'un temps classique pour l'évaluation d'un tel dossier. Nous ne sommes plus dans une situation d'urgence absolue comme lors de l'examen des vaccins contre le Covid-19 », plaide encore l'instance, soulignant que la vaccination contre les infections à méningocoques ou celle contre la dengue, sont également en haut de la pile des dossiers à traiter rapidement.

Le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Henri-Mondor (AP-HP) et expert auprès de la HAS, estime que « la priorité absolue » a été donnée « à raison » au Beyfortus (nirsevimab), le traitement préventif contre la bronchiolite pour les bébés.

« Les nouveau-nés payent un très lourd tribut à la maladie chaque année, comme le montre encore la saturation totale des services de pédiatrie l'année dernière. » Et l'expert de conclure : « Cela fait plus de soixante ans que le vaccin anti-VRS était attendu, on peut encore attendre une saison pour faire correctement les recommandations. »