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Voyage du pape en RDC : « Nous sommes des serviteurs du peuple », l’avertissement de François aux évêques congolais

Que dire aux évêques de République démocratique du Congo ? Quel message leur faire passer au terme d’un voyage de quatre jours hanté par la guerre qui règne dans l’est du pays, alors que l’Église constitue en RDC la seule institution solide, face à un État affaibli ?

C’est à ces questions qu’a tenté de répondre le pape François, vendredi 3 février, devant les évêques du pays, avant de s’envoler pour le Soudan du Sud, où il doit séjourner jusqu’au dimanche 5 février.

Aux responsables catholiques de cette « Église qui, comme Jésus, veut sécher les larmes de son peuple », François a à la fois adressé ses encouragements et une mise en garde. « Je vous suis reconnaissant de la manière dont vous annoncez courageusement la consolation du Seigneur, en marchant au milieu du peuple, en partageant leurs peines et leurs espérances », a-t-il insisté, d’une voix fatiguée, et visiblement marqué par son séjour dans le pays.

« Faire entendre votre voix prophétique »

Mais le pape François a aussi voulu, en rencontrant les évêques congolais, leur rappeler que l’engagement politique ne devait jamais constituer leur seule action. « Vous aussi, donc, vous êtes appelés à continuer à faire entendre votre voix prophétique pour que les consciences se sentent interpellées et que chacun devienne acteur et responsable d’un avenir différent », a conseillé le pape. « Mais attention, a-t-il poursuivi, il ne s’agit pas d’une action politique ».

Les évêques congolais sont particulièrement engagés sur le terrain politique, et ce depuis des années. En 1969, ils furent parmi les premiers à dénoncer les penchants dictatoriaux du régime du maréchal Mobutu. Beaucoup plus récemment, en 2016, ce sont eux qui firent pression pour que le président Joseph Kabila ne modifie pas la constitution pour prolonger son deuxième mandat au-delà de ce que les lois du pays prévoyaient. Un accord conclu dans la nuit de la Saint Sylvestre, en 2016, après des négociations homériques entre Église et partis politiques, acta ainsi la fin du mandat du président, qui se retira effectivement fin deux ans plus tard.

Pour le pape, si « la prophétie chrétienne » doit bel et bien s’incarner « dans de multiples actions politiques », cela ne doit pas être « la tâche des évêques et des pasteurs en général ». Car leur rôle, a insisté François, « est d’annoncer la Parole pour éveiller les consciences, pour dénoncer le mal, pour réconforter ceux qui sont affligés et sans espérance ».

Des « pasteurs », « pas des hommes d’affaires »

Ces critiques, le pape François les a aussi étendues avec une mise en garde contre les prêtres dirigeants des entreprises, un phénomène courant dans certains pays d’Afrique : « nous sommes des pasteurs et des serviteurs du peuple, pas des hommes d’affaires ! » , a tonné le pape, qui a insisté sur la « proximité » et le « témoignage » des évêques envers leur peuple.

« Nous sommes des pasteurs, pas des administrateurs de bien », a improvisé François, levant les yeux de son texte. Il les a invités à la « compassion », « c’est-à-dire à souffrir avec », a-t-il souligné, pour mieux insister sur l’importance de ce mot.

Un voyage éminemment politique

Paradoxalement, c’est pourtant bien un voyage éminemment politique que le pape a conclu, vendredi 3 février en quittant Kinshasa. Devant les responsables politiques, il n’a pas épargné les critiques, à tel point que la presse congolaise en a fait des gros titres comme « François, mordant ». Au stade des Martyrs, jeudi 2 février au matin, il a demandé à 65 000 jeunes de scander les mots « Pas de corruption », avant que ces derniers n’entament des slogans contre le gouvernement.

Mais pour François, ces mises en garde sont une réponse directe à une inquiétude. S’il perçoit bien l’engagement politique des évêques, et est conscient qu’il s’agit d’une force d’opposition au gouvernement depuis l’indépendance du pays, en 1960, il s’inquiète aussi que les responsables catholiques soient trop aspirés par cet engagement pour se consacrer à leur peuple.

« Chez nous, les évêques regardent vers le haut, vers le monde politique, mais oublient de regarder vers le bas, c’est-à-dire les pauvres », affirme ainsi une figure très engagée dans l’Église du pays. Une perception largement partagée par des fidèles qui perçoivent parfois leurs évêques comme des hommes politiques, plus que comme des pasteurs.

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