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Zarifa Ghafari : « Les voix des Afghanes ne se sont pas éteintes »

50 ANS DU POINT. La plus jeune femme nommée maire en Afghanistan, exilée en Allemagne à l’arrivée des talibans en 2021, croit en la force de sa génération.

par Zarifa Ghafari
 Militante des droits des femmes Plus jeune femme nommee maire en Afghanistan, elle s'est exilee en Allemagne a l'arrivee des talibans, en 2021. Son livre :  Zarifa : le combat d'une femme dans un monde d'hommes  (Ed. JC Lattes).
Militante des droits des femmes Plus jeune femme nommée maire en Afghanistan, elle s’est exilée en Allemagne à l’arrivée des talibans, en 2021. Son livre : « Zarifa : le combat d’une femme dans un monde d’hommes » (Éd. JC Lattès).
Publié le 28/09/2022 à 14h30

Temps de lecture : 3 min

Je m'appelle Zarifa Ghafari et j'ai 27 ans. Je suis l'une des premières femmes à avoir été désignée, en 2019, maire en Afghanistan dans la ville de Maidan Shahr. Si les talibans n'étaient pas encore au pouvoir à l'époque, ils étaient omniprésents dans la région conservatrice du Wardak où j'avais été nommée. Ainsi, en raison des pressions exercées par des groupes mafieux liés aux islamistes, qui trouvaient impensable qu'une femme seule puisse diriger une ville, il m'a longtemps été impossible de me rendre sur mon lieu de travail. Un jour, j'ai décidé de braver les menaces à mon encontre et j'ai été attaquée et blessée à la tête. Mais ayant obtenu ce poste au mérite - grâce à mes compétences universitaires-, il m'était inconcevable d'y renoncer et j'ai tout de même mené à bien ma mission jusqu'en 2021, avant d'évoluer au sein du ministère afghan de la Défense. À l'époque, nous avions beaucoup d'espoir pour l'avenir de notre pays. Notre génération allait faire progresser l'Afghanistan. On se disait que d'ici dix à vingt ans, notre État pourrait concurrencer certains pays de la région. Malheureusement, les talibans se sont emparés du pouvoir le 15 août 2021 et ont tout détruit sur leur passage. Le pays, qui était promis à un avenir radieux, n'existe plus.

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Connectée à l'Afghanistan. À cause des islamistes, l'Afghanistan a été coupé du reste du monde. Il ne faudrait d'ailleurs sous aucun prétexte que la communauté internationale reconnaisse le nouveau régime taliban, car il n'a tenu aucune de ses promesses. Sous l'Émirat islamique, les femmes ont été exclues de leur travail. Les filles ont été interdites d'école et nous n'avons plus de quoi manger. La situation sécuritaire s'aggrave de jour en jour, de sorte que tout le monde cherche à fuir, quitte à devoir vendre sa maison et renoncer à toute sa vie pour espérer rejoindre l'Iran ou le Pakistan. Pour ma part, j'ai dû quitter ma patrie en août 2021 pour me réfugier en Allemagne. Malgré la distance physique, je reste connectée à l'Afghanistan, tant par le cœur que par l'esprit. Et si la situation est aujourd'hui critique dans notre pays, les voix des Afghanes ne se sont pas éteintes, bien au contraire. Nous, les femmes, avons toujours été les premières opposantes aux talibans, alors que les États-Unis négociaient avec eux et nous affirmaient qu'ils avaient changé. Si nous avons été trahis par les Américains, les Afghanes n'ont pas abandonné leur combat pour autant. Ainsi, les premières manifestations contre les fondamentalistes à Kaboul en septembre 2021 rassemblaient des femmes. Et si celles-ci ont été réprimées, les voix les plus puissantes dans le monde pour dénoncer la situation dramatique des Afghanes sont aujourd'hui celles de femmes.

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Prendre des risques. Le but de ma vie est de ne jamais désespérer de rien, et de refuser d'être déçue par quoi que ce soit. Je crois personnellement en la force de ma génération et en la justesse de notre combat, qui se poursuit, hier comme aujourd'hui, pour de meilleurs lendemains. Si mon existence a connu des hauts et des bas, j'ai vu, quelles que soient les époques, les femmes lutter en Afghanistan, à la différence des hommes qui ont toujours œuvré à sa destruction. Aujourd'hui, le peuple afghan est fatigué de la guerre et doit se réformer de l'intérieur, sans la moindre ingérence extérieure. Il nous faut également prendre des risques, car rien ne s'obtient gratuitement dans la vie. Voilà pourquoi j'ai décidé de retourner en Afghanistan au mois de février dernier, afin de venir en aide à une centaine de familles, notamment des femmes veuves. Beaucoup d'autres militants afghans qui passent leur temps à critiquer sur Facebook ne peuvent pas en dire autant§ propos recueillis par armin arefi

Mathias FILIPPINI/REA POUR « LE POINT »

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