Tunisia
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Tunisie – Politique : Kaïs Saïed fait la course seul, mais pour combien de temps encore ?  

Dans l’impasse actuelle où les partis politiques en Tunisie se sont laissé enfermer par un président de la républicaine disposant de tous les pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire et même médiatique), seule une personnalité nouvelle, issue de la société civile et plus populiste que le locataire du palais de Carthage, pourrait capitaliser sur les difficultés à venir de ce dernier, dont la lune de miel avec le peuple ne va pas tarder à tourner au vinaigre.

Par Imed Bahri

L’opposition en Tunisie a encore du mal à se remettre de la gifle du référendum constitutionnel qu’elle a mal négocié et perdu sans panache. Or, au-delà des récriminations et des complaintes habituelles, le temps presse et le prochain rendez-vous électoral, les législatives anticipées, est prévu pour le 17 décembre prochain, soit dans quatre «petits» mois.

Aux dernières nouvelles, les trois recours déposés contre les résultats du référendum constitutionnel du 25 juillet 2022 ont tous été rejetés par la 6e chambre d’appel du tribunal administratif. Que penser du rejet de ces recours déposés par les partis Afek Tounes et Echaab Yourid et l’organisation I Watch ?

On peut s’en féliciter, notamment du côté des partisans du président d la république Kaïs Saïed, qui a fait passer sa nouvelle constitution avec un score soviétique (94%) et de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dont tous les membres ont été désignés par lui et qui ont montré, tout au long de l’opération électorale, une remarquable complaisance vis-à-vis des dépassements commis par les partisans du chef de l’Etat, tout en se montrant fermes et intraitables avec les opposants.

M. Saïed a un boulevard devant lui

Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles et la démocratie est sauve, du moins en apparence, et l’apparence est tout ce qui compte aux yeux des gouvernants.

Quant aux opposants, qui sont allés très divisés à ce rendez-vous, ils n’ont aujourd’hui que leurs yeux pour pleurer.

Ils peuvent toujours ne pas reconnaître la légitimité même de l’opération, mettre en doute la légalité de certaines procédures et rejeter les résultats d’un vote auquel n’ont pas pris part les trois quarts des électeurs inscrits. Les jeux sont faits, que les dés aient été pipés ou pas. Et M. Saïed a encore de la marge, le boulevard ouvert devant lui depuis 2019 ne risque pas de se fermer de sitôt.

Plus que de vaines postures ou de déclarations sans lendemains, les opposants ont besoin de tout revoir. Et d’abord, ils doivent faire leur autocritique sans complaisance, le but étant de retenir les leçons des échecs passés et de rectifier le tir.

Le problème est que le temps presse et que le prochain rendez-vous électoral, les législatives anticipées, est prévu pour le 17 décembre prochain, soit dans quatre «petits» mois. Et que voyons-nous aujourd’hui ? Des partis regroupés en des sortes de fronts divisés et fragiles, qui ont du mal à exister en eux-mêmes ou de se rassembler pour exister les uns par les autres.

L’opposition plus dispersée que jamais

Entre le Rassemblement destourien libre (PDL), esseulé et incapable de rallier d’autres forces, Ennahdha et ses satellites habituels (Qalb Tounes et Al-Karama) complètement décrédibilisés et cherchant à se replacer dans une scène politique qui les rejette et le front de gauche regroupant cinq formations sans envergure (Attayar, Al-Joumhouri, Ettakatol, Al-Oummal et Al-Qotb) le courant a peu de chance de passer, ni dans un sens ni dans l’autre. L’hypothèse d’un front anti-Saïed, proposée par Abir Moussi, la présidente du PDL, est donc inenvisageable, du moins dans la perspective des quatre mois nous séparant des législatives.

En face, Kaïs Saïed, dont se réclament une poignée de petits partis dépourvus de bases populaires et quelques révolutionnaires de la vingt-cinquième heures, dont l’inconsistance n’a d’égal que l’opportunisme, n’a pas besoin de créer un parti pour remporter les prochaines élections ni même d’un programme électoral cohérent et réaliste : il lui suffit de mobiliser les foules autour de sa personne pour faire élire les candidats se réclamant de lui.

Par ailleurs, et au besoin, la nouvelle loi électorale qu’il est en train de concocter avec quelques conseillers de l’ombre pourrait être utilisée pour fermer la porte devant les deux plus importants partis en termes d’intentions de vote : le PDL et Ennahdha, et leur prendre une bonne parti de leurs électorats respectifs que le président de la république avait déjà commencé à courtiser.

Dans l’impasse actuelle où les acteurs politiques se sont laissé enfermer par un président de la républicaine disposant de tous les pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire et même médiatique), quelle pourrait être l’issue ? Les partis étant en perte de vitesse, seule une personnalité nouvelle, issue de la société civile et plus populiste que le locataire du palais de Carthage, pourrait capitaliser sur les difficultés à venir de ce dernier, dont la lune de miel avec le peuple ne va pas tarder à tourner au vinaigre.

Avis donc aux originaux, aux aventuriers et aux ambitieux : Carthage est de nouveau à prendre.