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11 000 euros pour une vie empoisonnée par Monsanto : l’agriculteur français Paul François en colère

La Cour de cassation avait définitivement reconnu la responsabilité de Bayer-Monsanto dans son intoxication aux pesticides il y a deux ans. Ce qui représentait autant une victoire qu’un espoir pour l’agriculteur français Paul François. Mais en novembre, le tribunal judiciaire de Lyon a finalement fixé le montant - presque risible - des dommages et intérêts que la firme internationale devra lui verser : 11 000 euros.

«Onze mille euros pour autant de sacrifices, a réagi le céréalier au micro de France Info, qui révèle l’information ce jeudi. Je me suis même dit que j’étais puni d’avoir fait passer 15 ans à la justice sur le sujet […] Qui va oser aller affronter de telles épreuves pour un montant pareil ?»

Malgré tout, Paul François, qui a mené ce combat avec son épouse, décédée depuis, et ses deux filles, veut voir le positif dans cette issue judiciaire : «c’est la première fois que la justice reconnaît une responsabilité de l’entreprise. On a beaucoup parlé de Dewayne Johnson le jardinier américain qui a obtenu une indemnisation de 20 millions de dollars de la part de Monsanto. Mais c’est le résultat d’un accord passé entre les deux parties, il n’y a pas de condamnation en tant que telle».

Figure de proue des victimes des pesticides en France, cet ancien cultivateur en conventionnel passé en bio a obtenu gain de cause dans sa bataille judiciaire contre le géant américain de l’agrochimie Monsanto, racheté par l’Allemand Bayer. Il aura fallu quinze ans de lourdeurs administratives, de déceptions et surtout de longue attente – car la multinationale a maintenu jusqu’au bout sa stratégie de l’épuisement en faisant traîner les procédures – pour qu’un Paul François, épuisé, puisse enfin se dire officiellement «empoisonné» par le pesticide Lasso (désormais interdit).

Bayer ne fera pas appel

L’accident a lieu le 27 avril 2004 quand l’agriculteur charentais inhale par accident les vapeurs de ce pesticide dans une cuve. Sa santé s’effondre brutalement et pour de longues années : amnésies, vertiges, bégaiements, crises semblables à de l’épilepsie, irritabilité, comas à répétition… Il passe près d’un an à l’hôpital, ballotté de service en service, jusque dans une unité psychiatrique.

Comme il le racontait dans son livre Un paysan contre Monsanto (sorti en 2018), un médecin l’a même soupçonné de se droguer. «Ces douze ans de combat ont bouffé ma vie, et celle de Sylvie [sa femme morte en septembre 2018 d’une rupture d’anévrisme, ndlr], qui m’a soutenu, a subi, et ne sera pas là pour en voir l’issue», relatait-il à Libération en février 2019.

La société Bayer avait laissé entendre qu’elle provisionnerait dix milliards de dollars pour solder les contentieux ou futurs contentieux concernant le Roundup dans le monde. En 2012, jugé responsable du préjudice de Paul François et condamné à l’indemniser entièrement, une première mondiale, Monsanto a fait appel. Quand le jugement a été confirmé en 2015 par la cour d’appel de Lyon, la multinationale s’est pourvue en cassation. A chaque fois, aucun de ses dirigeants n’était présent au tribunal.

Après la décision sur les dommages et intérêts, France Info a interrogé l’avocat de l’entreprise, qui explique pourquoi elle ne fera pas appel : «Bayer a une approche pragmatique de la gestion des contentieux et comme le montant des indemnisations est tellement modeste, le jeu n’en vaut pas la chandelle probablement. Le tribunal ne reconnaît pas d’effet à moyen ou long terme, seuls des effets à court terme et avec une incidence très faible sur la vie de M. François sont admis par le tribunal.»

Une tranquillité d’esprit qui repose sur le fait que le cas de Paul François est en effet très particulier. C’est un empoisonnement causé par une exposition forte et puissante au produit, sur un court laps de temps. Pour les personnes qui ont été en contact sur le long terme, la reconnaissance des dommages sur la santé est bien plus complexe. Bayer le sait.