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5 octobre 1962 : et soudain, l’Angleterre devient cool !

Incroyable coïncidence tout de même que la rencontre de deux événements culturels anodins qui se sont déroulés le même jour, il y a soixante ans, le vendredi 5 octobre 1962, et qui ont tous deux contribué largement au changement de perception de tout un pays par le reste du monde !

Un disque et un film

Ces deux événements furent, d’un côté, la parution de « Love me do », le premier 45 tours des Beatles, un jeune quatuor de musiciens originaires de Liverpool, au nord de l’Angleterre, et, de l’autre, la sortie au cinéma de « Dr. No », le premier film de la saga James Bond.

D’un côté, le disque. Une chanson naïve mais accrocheuse, au succès d’abord modeste mais qui sera la première étape d’un phénomène de société d’une intensité inédite, la Beatlemania, qui va enflammer toute la jeunesse britannique dès le printemps 1963, provoquant des cohues indescriptibles, avant d’en faire autant dans le reste du monde dès début 1964.

De l’autre, le film. Première adaptation des romans de Ian Fleming, il crée un nouveau type d’espion séducteur et cool, l’agent 007, interprété avec une classe folle par l’Écossais Sean Connery. Si le succès de « Dr. No » en salles se limitera à la Grande-Bretagne, ses successeurs « Bons baisers de Russie » et « Goldfinger » vont imposer le personnage « so british » de James Bond sur les écrans de toute la planète.

Dans « Dr. No », Sean Connery crée un nouveau type d’espion « so british ».
Dans « Dr. No », Sean Connery crée un nouveau type d’espion « so british ». (Photo StillPhoto Collection/SUNSHINE/M/MaxPPP)

Changement d’époque

Ces deux événements sont évidemment indépendants l’un de l’autre mais ils illustrent bien la rupture qui se produit alors en Angleterre entre deux périodes bien différentes : celle de la longue et pénible reconstruction de l’après-guerre dans un pays qui a perdu son empire, avec la persistance de hiérarchies sociales rigides dans un décor grisâtre, et l’affirmation de la génération des adolescents de l’époque, les baby-boomers, nombreux et désireux de profiter de leur nouveau pouvoir d’achat. En deux ou trois ans seulement, ils vont imposer leurs codes et leurs valeurs et propulser leur pays au rang de place culturelle centrale de la décennie.

Toujours plus de liberté et d’originalité

Jusqu’en 1962, la culture populaire en Angleterre est inoffensive et sage, contrôlée par des adultes conformistes et largement dominée par ce qui provient des États-Unis. Mais, à partir de cette année-là, le monde culturel britannique se met à revendiquer toujours plus de liberté et d’originalité. Et ce dans tous les domaines. Premier réseau de télévision privé du pays, ITV couvre dorénavant l’ensemble du Royaume-Uni et diffuse déjà les premiers épisodes de la série « The Avengers » (« Chapeau melon et bottes de cuir »). Le monopole de la BBC sur la radio se fissurera bientôt, lui aussi.

Littérature, mode, cuisine végétarienne…

En 1962 également, les Anglaises ont accès à la pilule contraceptive, prenant de l’avance sur la future révolution sexuelle. Cette année-là encore, les lecteurs découvrent le roman sulfureux « L’orange mécanique » d’Anthony Burgess, que Stanley Kubrick adaptera au cinéma en 1971. Le souffle de la nouveauté décoiffe aussi la mode : la styliste Mary Quant, promotrice du « London look », lance sa mini-jupe sur King’s Road et contribuera peu après à la renommée internationale de Carnaby Street. Les premiers restaurants végétariens apparaissent déjà à Londres. Et, le 12 juillet, les Rolling Stones y donnent leur tout premier concert au Marquee Club…

epa08654116 Staff pose with branded goods for the British Band 'The Rolling Stones' during a media-call for the 'RS No. 9 Carnaby' store in London, Britain, 08 September 2020. 'RS No. 9 Carnaby' is th
Les grands noms du rock britannique continuent à fasciner le public international. En témoigne le succès de la boutique consacrée aux Rolling Stones, qui a ouvert en septembre 2020 dans la célèbre Carnaby street, à Londres (Photo EPA)

Le ton d’une décennie

En quelques mois, le rayonnement de l’Angleterre fait de l’ombre à ce qui provient d’outre-Atlantique. Sonnés, les États-Unis ne commenceront à relever la tête qu’à partir de 1967. Le secteur culturel britannique génère tellement de devises dans l’économie du pays qu’Elizabeth II décerne une décoration aux Beatles, initiateurs de l’effervescence. Londres devient la capitale artistique du cœur des sixties et donne le ton de cette décennie devenue multicolore.

En 1965, le magazine Vogue invente le terme de « Youthquake » (« Tremblement de jeunesse ») pour décrire le phénomène. Mais c’est le 15 avril 1966 que l’hebdomadaire américain Time Magazine le baptise définitivement en consacrant sa première page à « London : The Swinging City » (« Londres, la ville qui swingue »). L’expression « Swinging London » est sur toutes les lèvres.?

Punk, new wave, rave, britpop…

Ses pulsations varieront en intensité au fil du temps mais le magnétisme exercé par Londres sur la culture pop mondiale ne s’est jamais démenti depuis les années 60. Si le « Swinging London » s’étiole à partir de 1969, la ville capte à nouveau tous les regards lorsque surgissent les « outrageous » Sex Pistols et la vague punk en 1976, puis la new wave électronique, dont des dizaines de groupes, de Human League à Duran Duran, forgeront le son des années 80.

L’ère de la « Cool Britannia »

À la fin de cette décennie, c’est au tour du mouvement rave de s’y développer à son tour, en particulier à Manchester, avant de s’exporter ailleurs en Europe. Puis, dès 1993, l’Angleterre reconquiert le public mondial, à la fois au cinéma, où les comédies britanniques enchaînent les succès (« Quatre mariages et un enterrement »…), dans la mode (Alexander McQueen) et bien sûr, comme toujours, dans la musique, via la britpop incarnée par Blur ou Oasis, qui portent haut les couleurs de l’Union Jack, ou le « Girl Power » des Spice Girls. C’est le règne de la « Cool Britannia » qui rayonne jusqu’à l’orée du nouveau millénaire.

Rien de bien nouveau depuis, mais rien ne dit que l’Angleterre ne prépare pas une nouvelle vague propre à surprendre le monde. L’énorme intérêt suscité par la mort d’Elizabeth II prouve que la puissance d’attraction du pays reste redoutable.