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A l’Opéra national de Lorraine, le « Tristan et Isolde » iconoclaste et tendre de Tiago Rodrigues

Premier opéra jamais abordé par le nouveau patron du Festival d’Avignon, le chef-d’œuvre de Richard Wagner fait ici l’objet d’un récit réécrit par le metteur en scène portugais.

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Tiago Rodrigues est un aède. En témoigne le premier opéra qu’il met en scène, à l’Opéra national de Lorraine, à Nancy : sur la musique et le texte du Tristan et Isolde de Richard Wagner, le nouveau patron du Festival d’Avignon a écrit un long récit, élégie d’amour et de mort. Tristan et Isolde ne sont plus les héros d’une tragédie mais les incarnations d’un mythe qui leur préexiste. Leur identité même s’est perdue. Lui est « l’homme triste », elle « la femme triste ». Si tristes que le chant leur devient dérivatif. Dès avant le prologue, deux danseurs déambulent dans le silence au sein d’une immense bibliothèque d’archives blanche en forme d’hémicycle. Vêtus de blouses bleues, ces « traducteurs » zélés en extraient avec des gants de protection de grands panneaux blancs (quelque 947), à la fois récits et mantras, qui contrepointent le discours wagnérien. Hasard du calendrier, ce dispositif concentre le principe glossateur développé sur ce même Tristan et Isolde en 2005 par les vidéos de Bill Viola et la mise en scène de Peter Sellars à l’Opéra Bastille, production actuellement reprise jusqu’au samedi 4 février.

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L’audace de Tiago Rodrigues (certains y verront un évitement) est périlleuse mais séduisante. De ce silence revêtu de mots naît la musique du Prélude que Sofia Dias et Vitor Roriz chorégraphient face à face – regards, attirance, lumière dorée, mains qui se frôlent, vol mental des amants. Une étrange poésie s’installe, qu’incarnent les corps en mouvement, eux-mêmes rythmés par l’action. Précipitation presque brouillonne des pancartes à peine lisibles alors que le bateau, qui ramène Isolde auprès de Tristan mourant, est enfin en vue. Parfois, le mot se fait objet : philtre de mort, philtre d’amour, ou bien épée, celle, ébréchée, qui a occis au combat le fiancé d’Isolde, celle qui tuera le traître Melot, ainsi que l’impuissant Kurwenal, après avoir mortellement blessé Tristan. Parfois le « récitant mutique » rejoint le chanteur.

Ce sont des moments d’irrésistible compassion, comme lorsque le danseur enlace un Tristan de douleur peu à peu gagné par l’ombre de la mort, qui verra son cadavre recouvert des lames blanches du récit. Parfois, Tiago Rodrigues semble s’éloigner. Peut-être ironise-t-il à bas bruit, rien n’est certain, sur le trop-plein de mots (auquel il apporte son propre écot), le trop de musique, le trop d’amour, l’amour chronophage. Comme dans la musique, il crée des leitmotivs, introduit la parabole, invitant Wagner à l’universel.

Le texte des chanteurs n’est pas sous-titré, mais l’écriture de Tiago Rodrigues agit comme son ombre portée voire un métalangage qui absorbe sans dissoudre la prosodie wagnérienne, dessine des cohérences autres, débarrassées de l’amphigourisme et des ressassements, développe une vision nouvelle. Fait-elle une mise en scène au sens littéral ? Elle offre un chemin et une mise en images littéraire propres à attiser la narration critique de ce qui est en train de se jouer. En mettant le spectateur au cœur du spectacle, elle propage et combat à la fois l’emprise et l’entreprise wagnériennes dans une dialectique porteuse d’émotions.

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