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A la Bourse de commerce, Tacita Dean explore une poétique géographique

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Tacita Dean assise devant son oeuvre en N&B,
Lucie Cipolla pour M Le magazine du Monde
Par Emmanuelle Lequeux

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PortraitL’artiste britannique, ardente défenseuse de l’argentique, est mise à l’honneur à Paris. Elle expose « Geography Biography », une installation filmique qui fait écho à sa propre vie, ainsi que des dessins et des photos donnant sa vision des quatre saisons.

Toute sa vie, elle a chassé les éclipses. De la Cornouailles au Wyoming, Tacita Dean n’a jamais craint de devoir parcourir le monde pour voir le soleil s’éteindre un instant, irradier dans l’ombre de la lune et revenir doucement à sa lumière absolue. L’artiste britannique en a filmé certaines, faisant œuvre. Elle en a rêvé beaucoup. Rien d’étonnant à ce qu’elle fasse apparaître en ce printemps une éclipse dans la rotonde de la Bourse de commerce, à Paris.

« Ce n’est pas un secret, je suis très cosmologie, soleil, lune », se contente d’éclairer l’artiste britannique quand nous la rencontrons, à la veille de son vernissage. Sous la verrière qui aimante le regard vers le zénith, elle a fait construire un habitacle gris et rond, redondant avec la structure de béton posée là par l’architecte Tadao Andō. Vu d’en haut, c’est comme un astre. « J’aime beaucoup observer ses transformations sous la lumière, il passe du marbre à l’albâtre. »

Dans ce cylindre cosmique, le visiteur pénètre en spirale. Et là encore, dans l’obscurité, une révolution attend, de celle qui anime les astres : deux projecteurs ancestraux tournent sur eux-mêmes, délivrant dix-huit minutes d’un film sans égal. « Dans cet espace circulaire, je ne voulais pas faire quelque chose de frontal, explique-t-elle. Bien sûr, cela a un lien aussi avec les films sur les phares que j’ai réalisés. »

Puissance d’irradiation

Un cinéma-phare, dont les images bougent sans cesse, qu’il nous faut poursuivre à chaque seconde, en un lent corps-à-corps avec l’image. La plus belle des images : l’argentique, en 35 mm. Une puissance d’irradiation sans équivalent dans notre univers aujourd’hui 100 % numérique. De la survie de ce médium menacé (elle refuse de le réduire à une technique), Tacita Dean a fait le combat de sa vie.

Elle est allée jusqu’à l’Unesco pour plaider sa cause, tentant de le faire inscrire sur la liste du Patrimoine culturel immatériel. En vain. Elle s’est alliée au réalisateur Christopher Nolan, autre amoureux de l’argentique jugé par tant d’autres obsolète, pour le défendre, de Hollywood à Mumbai. Surtout, dans chacun de ses films, elle en a exploré l’essence. Aujourd’hui, enfin, après des années à frôler le désespoir, elle pense que la bataille est gagnée. « J’ai l’impression que le message est passé et je suis beaucoup moins inquiète qu’il y a dix ans. Kodak va mieux, beaucoup de films sont tournés en pellicule et l’industrie du cinéma a compris, après avoir massivement et très cyniquement investi tant d’énergie à détruire l’argentique. »

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