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À La Rochelle, les autopsies de dauphins se succèdent

Cet animal n’était pas mort avant sa prise dans les filets », certifie Sarah Wund, vétérinaire à l’Observatoire Pelagis de l’Université de La Rochelle. Dans les sous-sols de cette unité également rattachée au CNRS se succèdent actuellement des dizaines de nécropsies – des autopsies, en médecine vétérinaire. Grands dauphins, dauphins communs...

Cet animal n’était pas mort avant sa prise dans les filets », certifie Sarah Wund, vétérinaire à l’Observatoire Pelagis de l’Université de La Rochelle. Dans les sous-sols de cette unité également rattachée au CNRS se succèdent actuellement des dizaines de nécropsies – des autopsies, en médecine vétérinaire. Grands dauphins, dauphins communs, marsouins : depuis le 1er décembre, près de 400 cétacés ont été retrouvés sur les plages françaises, entre le Finistère et la frontière espagnole. Un chiffre déjà « trois fois plus élevé » qu’à l’accoutumée. Les scientifiques rochelais tentent de documenter ce « nouvel épisode intense de mortalité » et le constatent sans détour : la majorité des cétacés présente « des traces de capture dans un engin de pêche ». « Les nageoires sont coupées quand l’animal est pris dans les filets. Certains dauphins sont aussi éventrés, pour faire disparaître leurs carcasses », résume Hélène Peltier, ingénieure de recherche à Pelagis.

Sur une table repose une femelle trouvée récemment en Gironde, près de la dune du Pilat. « Ces dents déplacées et ces réactions hémorragiques sous la peau évoquent un contact avec un filet », explique Sarah Wund. La vétérinaire multiplie les prélèvements – une cinquantaine – et ira jusqu’à ouvrir la boîte crânienne du cétacé pour confirmer les causes exactes de son décès. Mais Sarah Wund le sait déjà : « Cet animal était en bonne santé, la mort est traumatique ». Sur la table voisine ou posés à même le sol, plusieurs dauphins se sont vu amputer de leur nageoire caudale quand ils ne présentent pas d’autres mutilations. « Ça ne peut pas être naturel », insistent les scientifiques qui incriminent toutes les techniques de pêche au filet, de la senne aux chaluts de fond et pélagiques.

5.000 à 10.000 dauphins par an

Les dauphins communs atteignaient autrefois leur maturité sexuelle vers l’âge de 8 à 10 ans. Mais en moins de deux décennies, celle-ci a gagné près de 2 ans. « Les populations s’adaptent, c’est l’indicateur d’une forte pression », résume Olivier Van Canneyt, le coordinateur des dispositifs d’observation au sein l’Observatoire Pelagis. Hélène Peltier esquisse, elle, une autre donnée extrêmement alarmante : « Le seuil de capture à ne pas dépasser entre le détroit de Gibraltar et les eaux norvégiennes – pour ne pas mettre en danger les populations – a été fixé à 985 cétacés. Chaque année depuis 2016 et rien que dans le golfe de Gascogne, 5000 à 10000 dauphins sont capturés… »

Face à l’urgence, « un consensus scientifique européen » préconise désormais l’arrêt spatio-temporel de toutes les pêches susceptibles d’occasionner des captures accidentelles. Différents scénarios ont été testés, insiste Hélène Peltier : « Le plus efficace consiste à arrêter la pêche trois mois en hiver – de janvier à mars – et un mois en été, entre la mi-juillet et la mi-août ». Une certitude, abonde cette ingénieure : stopper la pêche durant moins de 6 à 8 semaines n’aurait absolument aucun impact. Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) refuse de son côté « toute fermeture spatio-temporelle ». S’il n’entend pas limiter l’effort de pêche, ce syndicat rappelle sa participation à plusieurs programmes scientifiques menés en lien avec l’Observatoire Pelagis. « Le jour où l’on observera le déclin des dauphins lors des comptages en mer, il sera déjà trop tard pour espérer conserver une population viable dans nos eaux », prévient Olivier Van Canneyt.