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A Moscou, l’adieu au mythique Centre Sakharov

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Le bâtiment du Centre Sakharov, à Moscou, le 30 janvier 2023. Le Centre ferme ses portes selon la decision des autorités de Moscou. Le nouveau loi interdit aux structures étatiques d’apporter la moindre aide aux « agents de l’étranger », un label dont le Centre Sakharov est affublé depuis 2014.
MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
Par Benoît Vitkine

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ReportageEspace de liberté unique en Russie, le Centre ouvert dans les années 1990 pour perpétuer l’héritage du physicien et prix Nobel de la paix Andreï Sakharov est contraint de fermer ses portes.

Dernier déménagement avant la fin d’un monde. Dans le petit appartement moscovite qui fait office de « Musée Sakharov » depuis 1996, les présentoirs se vident, les cartons s’empilent. Consacré au dissident et prix Nobel de la paix 1975, le lieu ferme ses portes. Il appartient à la ville de Moscou, et celle-ci a donné l’ordre au Centre Sakharov, la structure qui chapeaute le musée, de vider les lieux avant le 24 février.

Tout à sa tâche pour sauver ce qui peut l’être, Natalia Tiourina ne veut pas voir de malice dans le choix de cette date, premier anniversaire de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine. Selon la vice-directrice du Centre, la ville ne fait qu’appliquer « avec zèle » la nouvelle loi sur les « agents de l’étranger », adoptée dans sa nouvelle version au mois de décembre 2022. Celle-ci interdit aux structures étatiques d’apporter la moindre aide aux « agents de l’étranger », un label dont le Centre Sakharov est affublé depuis 2014.

Préparatifs pour le déménagement des archives de l’académicien Andreï Sakharov et du « Musée Sakharov », à Moscou, le 30 janvier 2023.
Préparatifs pour le déménagement des archives de l’académicien Andreï Sakharov et du « Musée Sakharov », à Moscou, le 30 janvier 2023.

Outre les artefacts retraçant la vie du physicien (1921-1989), père de la bombe H soviétique avant de devenir l’un des plus importants dissidents de son temps, le musée abrite de précieuses archives. « En rangeant tous ces cartons, je suis frappé par le nombre de lettres que Sakharov recevait, de soutien ou d’appel à l’aide, note Andreï Bakhmine, responsable des archives. On trouve aussi des pièces extraordinaires, comme ce document du KGB récupéré dans les années 1990 par sa veuve, Elena Bonner. Il s’agit de l’ordre donné aux agents de placer sous écoute son appartement, en 1970, quand Sakharov a commencé à critiquer le pouvoir soviétique. »

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Dans la précipitation, la petite équipe s’efforce d’achever le travail de numérisation des archives entrepris il y a quelques années et déménage les cartons dans un appartement voisin poussiéreux, occupé par les époux Sakharov à son retour de son exil forcé à Gorki (Nijni-Novgorod), en 1986. Celui-là n’appartient pas à la ville de Moscou, il a gardé les traces de la vie du couple, depuis les meubles aux teintes marronnasses typiques de l’Union soviétique jusqu’aux vinyles qu’affectionnait le physicien.

Dans l’appartement où vivait l’académicien Andreï Sakharov, qui va accueillir les archives du musée. A Moscou, le 30 janvier 2023.
Dans l’appartement où vivait l’académicien Andreï Sakharov, qui va accueillir les archives du musée. A Moscou, le 30 janvier 2023.

Amende de 5 millions de roubles

C’est le tout dernier repli possible. Le temps, comme les moyens, manquent pour ce travail de fourmi : dès le début de « l’opération spéciale », environ deux tiers des collaborateurs ont choisi l’exil ; d’autres ont été licenciés, le Centre ne pouvant plus les payer, coupé de ses financements étrangers par les sanctions bancaires appliquées contre la Russie.

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