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A Paris, la seconde vie des eaux usées

Transports, architecture, habitudes de vie… Face au changement climatique, tous les aspects de la ville et de la vie de ses habitants sont à réinventer. Le temps d’un week-end, le Climat Libé Tour a exploré les pistes de réflexion. Un événement auquel se sont associés des élèves du Centre de formation des journalistes (CFJ).

Sous la cour du collège de La Grange-aux-Belles (Xe arrondissement), de larges tuyaux rouges serpentent dans l’obscurité. Dans ce sous-sol, la chaleur est inhabituelle pour un mois de mars. Au bout d’un couloir exigu et bas de plafond, deux tuyaux s’échappent du mur et disparaissent sous terre. Ils mènent directement aux égouts.

Leur spécificité : transformer la chaleur des eaux usées en chauffage grâce à un échangeur thermique. Soixante mètres de plaques de quelques centimètres d’inox sont installés de chaque côté de ces rivières souterraines. Ces matériaux, immergés, captent la température de l’eau, oscillant entre 13 et 20 °C été comme hiver. La chaleur extraite est directement renvoyée vers le collège par la tuyauterie.

Vingtaine de projets à l’étude

«C’est une ressource qui a toujours été là, il suffisait d’aller la chercher», explique Damien Balland, responsable innovation et performance énergétique à la ville de Paris. Cette chaleur permettra bientôt d’alimenter près de 60 % du chauffage de cinq bâtiments : le collège, un gymnase, une piscine scolaire et deux écoles maternelles du quartier. «Ce système est 100 % écolo, pas de gaz à effet de serre», assure Jacques Baudrier, adjoint à la mairie de Paris chargé de la construction publique. Qui ajoute en souriant : «On tire la chasse et on prend des douches tout le temps, c’est une ressource inépuisable.»

Pour financer un tel outil de transition énergétique, 1,6 million d’euros ont été investis par la ville sur ce projet, le deuxième de ce type à Paris. Depuis 2019, un échangeur thermique alimente déjà le chauffage de la mairie du XIe arrondissement. «En fonction du prix de l’énergie, on vise une rentabilité dans cinq à dix ans», se projette l’élu. En plus des échangeurs thermiques en service à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et Bordeaux, une vingtaine de projets similaires sont à l’étude en France.

Investissements humains et financiers

La mairie espère étendre cette technologie à quatorze autres bâtiments publics dans la capitale, en commençant par les secteurs Poissonnière et Hôtel de Ville. «On peut même penser à 50 sites, voire 100, s’enthousiasme Jacques Baudrier. On a affaire à des chercheurs d’or, ou plutôt… de calories.» Des chercheurs d’or qui devraient être plus nombreux pour mener à bien tous les projets. Au sein du service innovation, six ingénieurs et deux techniciens sont chargés des opérations. «Mais c’est un service qui a tendance à grossir.»

Des investissements humains et financiers nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le plan climat de la ville de Paris : la neutralité carbone en 2050. «Aujourd’hui, 21 % de la consommation du territoire parisien est issue des énergies renouvelables. En 2030, on veut atteindre 45 %, et le réseau de chaleur urbain est notre principal outil de transition», chiffre Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris chargé de la transition énergétique.

L’échangeur thermique, un des outils utilisés pour relever ce défi, ne peut pourtant pas être déployé à grande échelle. Afin d’installer les plaques, l’égout se doit d’être tracé en ligne droite, ce qui n’est pas le cas dans toute la capitale. L’équipe de Damien Balland semble pourtant avoir déjà surmonté cet obstacle : «On réfléchit à une technologie d’échangeur hors des égouts. On aurait juste besoin de 40 mètres carrés pour installer notre matériel, il ne reste plus qu’à trouver la place !»