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À Strasbourg, EELV tente de s’extraire du marasme de « l’affaire Bayou »

Réunis à l’occasion de leurs journées parlementaires, les cadres d’EELV se sont gardés d’évoquer la profonde crise interne que traverse le parti.

Par Sébastien Schneegans
Les sorties de Sandrine Rousseau agacent de plus en plus en interne.
Les sorties de Sandrine Rousseau agacent de plus en plus en interne.  © LUDOVIC MARIN / AFP
Publié le 07/10/2022 à 18h50

Temps de lecture : 4 min

Travailler pour rebondir. Le mot d'ordre des écologistes, réunis jeudi 6 et vendredi 7 octobre à Strasbourg à l'occasion de leurs journées parlementaires, tient en ces trois mots. Minés par une profonde crise interne provoquée par la révélation par Sandrine Rousseau, lundi 19 septembre sur France 5 à une heure de grande écoute, de « l'affaire Bayou » – qu'il ne faut pas nommer ainsi selon le principal intéressé –, les députés, sénateurs et députés européens d'Europe Écologie Les Verts (EELV) ont tenu à montrer qu'ils continuaient à « travailler le fond des dossiers ». Pari réussi : malgré l'étonnante réunion de Sandrine Rousseau, Julien Bayou et Yannick Jadot dans une même salle, il a moins été question de barbecue et de virilisme que du projet de loi de finances, du plan de sobriété énergétique et d'accélération du développement des énergies renouvelables.

« Il faut arrêter le buzz pour le buzz, a martelé l'ex-candidat à la présidentielle Yannick Jadot en marge de l'assemblée plénière, vendredi. C'est l'objectif de ces journées, travailler et apporter des réponses concrètes aux problèmes des Français. » Cyrielle Chatelain, qui a pris la direction du groupe écologiste à l'Assemblée nationale après la démission de Bayou, a répété que les élus EELV, bien qu'« invisibilisés », selon certains élus, par leurs tonitruants camarades Insoumis, luttaient fermement contre l'attitude « totalement irresponsable » du gouvernement sur le projet de loi de finances et portaient des amendements. « Nous ne pouvons pas nous résoudre au désarmement fiscal de l'État au profit des plus riches », a-t-elle déclaré, raillant notamment la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), inscrite dans l'article 5 du PLF.

À LIRE AUSSIDavid Cormand : « La France est un pays surnucléarisé »

Sur le front de la lutte contre le réchauffement climatique – délaissé par les Verts depuis la rentrée, affaire Rousseau-Bayou oblige –, le combat antinucléaire se poursuit. Bien qu'ils saluent l'esprit du projet de loi d' « accélération de la production d'énergies renouvelables », ils regrettent qu'Emmanuel Macron choisisse de lancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, se reposant sur une « vieille solution », selon eux.

Quant au plan de sobriété énergétique présenté jeudi par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, il s'agirait, selon les cadres d'EELV, d'un « plan des petits pas », dangereux car inefficace. « Nous sommes pleinement engagés dans la bataille culturelle pour l'énergie. Le gouvernement ne semble pas avoir compris qu'il s'agit d'une crise structurelle. Les écologistes, qui anticipent, réfléchissent et travaillent sur ces questions depuis des décennies, ont un rôle absolument fondamental à jouer », a estimé Mme Chatelain.

« Nous n'avons jamais été aussi audibles »

Au Sénat, profitant de leur « niche », qui leur offre une place de choix dans le calendrier de la rentrée parlementaire, les écologistes ferraillent pour inscrire le droit à l'avortement et à la contraception dans la Constitution. Le texte défendu par Mélanie Vogel sera en débat le 19 octobre. « Mais on a un obstacle : le référendum, que nous refuserons car, alors même qu'une majorité de Français y sont favorables, dans ce type de référendum, ce sont surtout les contre qui seront mobilisés. » Ils ne pourront pourtant pas y échapper puisqu'une révision constitutionnelle initiée par une proposition de loi ne peut être approuvée que par un référendum, après un vote en termes identiques des deux chambres du Parlement. Enfin, au Parlement européen, la délégation française du groupe des eurodéputés peut se réjouir d'avoir fait passer, à la mi-septembre, une directive sur le salaire minimum européen.

Si on continue sur cette voie, on disparaîtra.

« En réalité, nous n'avons jamais été aussi audibles, mais les Français nous reprochent sans doute de l'être pour les mauvaises raisons », sourit l'eurodéputé David Cormand. « Vous êtes audibles, mais êtes-vous crédibles ? » lui répond-on. De moins en moins, selon la dernière enquête « Fractures françaises » d'Ipsos, parue il y a quelques jours. Alors que 39 % des 12 044 Français sondés estiment le Rassemblement national capable de gouverner – ce qui constitue une nette progression depuis 2017 –, le taux descend à 26 % pour EELV, soit autant que La France insoumise. « Cela peut se comprendre, on s'est vautrés à la présidentielle et ça fait un mois qu'on se déchire, s'amuse David Cormand, qui vient de faire paraître Ce que nous sommes. Repères écologistes (Les petits matins, 240 p., 18 euros). Et d'ajouter, sur un ton plus sérieux : « Prenons cela comme un avertissement. Ils nous disent “Alors que les faits vous donnent raison depuis des années, pourquoi n'êtes-vous pas meilleurs ?”. »

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« Le fait est qu'on n'a pas trouvé notre place dans l'échiquier politique. Si on continue sur cette voie, on disparaîtra, assure une huile du parti. Notre retour à l'Assemblée a été catastrophique, on est le parti écolo qui parle le moins d'écologie en Europe et en accumulant les polémiques, on pave le chemin à Marine Le Pen. Ajoutez à cela le fait que Rousseau soit le visage du parti et vous avez la recette pour flinguer un mouvement politique. » Les sorties régulières de l'élue de Paris – sur France 3, dimanche dernier, elle est allée encore plus loin en souhaitant que Julien Bayou « ne prenne pas la parole au nom du groupe écologiste » – agacent de plus en plus en interne. Sandrine Rousseau imposera-t-elle définitivement sa ligne – par le biais de sa candidate, Mélissa Camara –, lors du Congrès, prévu en décembre ? Un proche de Jadot veut croire que, malgré la frénésie médiatique qu'elle suscite, Rousseau « ne pèse rien ». Et de conclure, d'un sourire malicieux : « Elle se prendra le retour de bâton, vous verrez. »

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