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A Washington, Macron et Biden s’affichent en meilleurs amis

Quart d’heure élyséen, abandon à la routine de celui qui connaît déjà trop bien la musique ? Emmanuel Macron est arrivé en retard à sa deuxième visite d’Etat à la Maison Blanche, laissant les airs de fanfare tourner en boucle sous les perruques blanches des musiciens et les rangs tremblotant des marines se frigorifier un peu plus sous le soleil d’hiver qui faisait scintiller les baïonnettes et les insignes militaires jeudi matin. «La température est peut-être fraîche en cette matinée lumineuse de décembre, mais nos cœurs sont chauds d’accueillir des amis si proches à la Maison Blanche», a cajolé d’entrée de jeu Joe Biden à l’adresse du couple Macron et des centaines de curieux venus se masser sur la pelouse sud de la Maison Blanche.

Avec un demi-siècle de carrière politique au compteur, dont trente-six ans au Sénat, huit à présider la commission des Affaires étrangères et autant à la vice-présidence du pays, Joe Biden a participé de près ou de loin à des dizaines de visites d’Etat. Mais pour la première fois, c’est lui qui endossait, cette semaine, avec son épouse Jill, le costume d’hôte en chef. Moins cool que Barack Obama, moins mâle alpha que Donald Trump, l’octogénaire a donné le sentiment de goûter l’exercice.

Parures vertes de Noël

Aucun dérapage, si ce n’est horaire, n’est venu troubler le très protocolaire cérémonial d’accueil à la Maison Blanche, avec hymnes puis passage en revue des troupes et invités d’honneur. L’occasion pour Joe Biden d’adresser quelques mots notamment à la nouvelle astronaute Sophie Adenot et la jeune astrophysicienne Fatoumata Kébé, deux des dix femmes d’une délégation française à 80 % masculine. A la tribune, les deux chefs d’Etat ont labouré d’un même souffle l’imaginaire et le champ lexical de l’amitié franco-américaine – «partenaires inébranlables» et «amis indéfectibles» pour Biden, «nations sœurs dans leur combat pour la liberté» selon Macron – pour en convoquer les figures imposées, de Lafayette au «sang versé» par les GI «des tranchées de la Somme aux plages de Normandie».

Dans un Bureau ovale à la cheminée crépitante sous ses vertes parures de Noël accordées à celles qui ornent la façade de la Maison Blanche, et après une brève et chaleureuse introduction soufflée à très bas volume par son hôte, Macron a eu ses premiers mots pour la guerre en Ukraine, en éloge de l’action commune menée pour que Kyiv puisse «résister et être résilient» et afin de parvenir à «une paix durable». «Ce qui signifie le plein respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et en même temps de construire une nouvelle architecture» qui permette que cela dure.

Puis, après avoir énuméré les enjeux énergétiques, économiques, spatiaux et nucléaires comme morceaux de choix de l’ordre du jour, il a dégainé son appel à la «resynchronisation» transatlantique. Son grand dada tout du long de sa virée américaine, censé parer à ce qu’il avait pointé la veille lors d’un discours offensif devant la communauté française : «ce risque, qui est là et qu’on doit se dire entre amis», que «l’Europe devienne une variable d’ajustement» pour l’Amérique face aux crises et défis du moment, avec pour effet de «fragmenter l’Occident», voire de déclencher dans «les prochaines semaines une forme d’hostilité commerciale» de part et d’autre de l’Atlantique.

Homards pochés et fromages médaillés

Au terme de près de deux heures d’entretien bilatéral, les mêmes se présentaient en conférence de presse, et Macron désarmait par une nette inflexion du ton : «On veut réussir ensemble, pas l’un contre l’autre, et ça a été clair ce matin», a-t-il assuré, se disant désormais «confiant», fort d’une «dynamique positive nouvelle», mais aussi «lucide sur ce qui est aussi à faire du côté européen». Soit la nécessité et la tâche périlleuse de s’accorder à Bruxelles sur les termes d’un pendant à l’Inflation Reduction Act américain : l’Europe doit «aller plus vite et plus fort» pour avoir «la même ambition» industrielle que Washington.

Dans leurs déclarations en écho l’une à l’autre, Biden et son «ami» Macron ont à nouveau mis en exergue l’Ukraine et sa traîne de crises multiples (énergétique, alimentaire…), promettant de renforcer encore l’aide aux troupes ukrainiennes, d’apporter à la population civile les moyens de résister alors que la Russie s’efforce de lui «rendre l’hiver impossible» (une prochaine «Conférence de soutien à la résilience ukrainienne» doit se tenir à Paris), enfin de tenir l’engagement que Kyiv définisse seul les prérequis d’une sortie de conflit. Macron a assuré qu’il n’exigerait «jamais» de l’Ukraine un compromis «inacceptable».

Le périple américain de Macron doit s’achever vendredi à la Nouvelle Orléans, autour d’un programme axé principalement sur la culture et la promotion de la francophonie (la création d’un nouveau fonds en ce sens doit y être annoncée). Entre-temps, les jardins de la Maison Blanche auront accueilli sous tente un fastueux dîner d’Etat, le tout premier depuis 2019, avec arrangements floraux et menu échafaudés sur six mois, à base de fromages américains médaillés, homards pochés, poires rôties et autres spirales de sucre tricolores.

Parmi les quelque 400 convives, les membres d’une délégation française très mâle donc, composée de ministres, grands patrons, capitaines d’industries, responsables d’institutions et figures plus ou moins indiscutables du génie français – Thomas Pesquet, Benjamin Millepied, Christian Louboutin, Florian Zeller, Claude Lelouch… Ce dernier était d’ailleurs déjà à l’honneur de la matinée, lors de la remise au couple présidentiel américain des cadeaux rituels. En l’espèce, un panier garni de produits made in France (petit pull-over, montre, œuvres de Camus et Flaubert…), dont la touche la plus personnalisée consistait en deux enregistrements (vinyle et CD, dédicacés par Lelouch) de la musique de Francis Lai pour Un homme et une femme. Soit le film découvert ensemble au cinéma par Joe et Jill Biden lors d’un tout premier date fort en chabadabada.