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Ademe : quatre plans d’action pour le climat

Du 2 au 4 décembre, au centre Pompidou, trois jours de débats et d’échanges pour s’interroger sur les liens entre transition écologique et transition culturelle. Retrouvez tribunes et articles dans le dossier thématique dédié à l’événement.

Ce week-end à Beaubourg, dans le cadre du forum «Climat, quelle culture pour quel futur ?» (dont Libé est partenaire), se tiendront diverses rencontres autour des scénarios concoctés par l’Agence pour le développement et la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour la France à l’horizon 2050. Au début de l’année sortait par ailleurs une édition spéciale des Limites de la croissance, pour les 50 ans du rapport Meadows (1). Joli choc des époques. Qu’a-t-on fait depuis cinquante ans ? Que va-t-il nous arriver dans moins d’un demi-siècle ? Valérie Quiniou, de l’Ademe, commente pour Libé les analyses prospectives établies par son agence.

«Le point de départ, ce sont les quatre scénarios publiés mi-2019. Cela faisait suite à l’objectif fixé par l’accord de Paris d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et d’adapter notre feuille de route française à cet objectif. Il nous fallait également fournir des éléments de réflexion dans le cadre des travaux de mise à jour de la stratégie bas carbone de la France. Il s’agissait enfin d’éclairer les débats préalables à l’élection présidentielle, afin que ces scénarios soient utilisés. Or, le «focus» s’est plutôt fait sur le mix électrique, pas sur le poids de l’énergie dans nos modes de vie. Le débat s’est aussi polarisé sur l’opposition binaire entre pro-nucléaires et pro-éoliens, et ce, de façon un peu caricaturale.

«Notre objectif était de montrer la complexité des usages dans nos modes de vie. Toute activité humaine a des effets qu’il faut prendre en compte, comme l’utilisation de certaines ressources, métaux et matériaux, les sols… On s’est inspiré des scénarios du Giec et du “rapport 1,5 degré”, avec les courbes de freinage de nos émissions plus ou moins rapides, des trajectoires de schémas socio-économiques contrastés… Au final, on s’est orienté vers l’utilisation de trois leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique et la décarbonation.

«Le premier scénario évoque cette “génération frugale”, à la grande sobriété. On diminue de plus rapidement possible notre conso énergétique sous la contrainte. Pour l’habitat, il s’agit de rénover à grande ampleur le parc existant pour atteindre des performances énergétiques fortes. On transforme aussi les logements vacants en résidences principales. Pour ce qui est de la mobilité, on réduit d’un tiers les kilomètres parcourus par personne. On effectue davantage de trajets à pied ou à vélo, et évidemment, on aménage le territoire pour cela. Concernant l’alimentation, on limite la consommation de viande en la divisant par trois en France. On consomme plus de bio, en réduisant la part d’engrais chimiques qui émettent beaucoup de gaz à effets de serre. Enfin, des politiques d’emploi favorisent télétravail ou “coworking”.

«Pour le scénario 2, on est moins dans la contrainte et davantage dans la concertation, mais on atteint moins rapidement notre diminution de consommation d’énergie et on agit moins vite. On divise par deux la consommation de viande. On est sur une rénovation massive, mais plus progressive, pour s’adapter au portefeuille des ménages. On réduit les kilomètres mais de 17 % seulement. On développe les villes moyennes, qui permettent une meilleure proximité des services et des emplois par rapport aux lieux de vie, une meilleure répartition sur le territoire des activités. On lance une reconquête des lieux vides, on transforme des résidences secondaires en principales. On partage des lieux comme des buanderies, des espaces de bureaux le jour se transforment en lieux de loisir le soir… On est dans une optimisation du bâti existant.

«Voyons maintenant le scénario 3. On utilise des leviers énergétiques et la décarbonation à travers les technologies. En ce qui concerne l’habitat, plutôt que rénover, on déconstruit et reconstruit des logements. On abandonne donc les passoires thermiques pour développer un habitat avec de meilleures normes environnementales. Il y a quelques inquiétudes sur les matières utilisées pour cette reconstruction : il faut donc tirer parti de l’économie circulaire, réutiliser des matériaux déconstruits pour la reconstruction. La mobilité continue à croître, on va développer le transport ferroviaire, les lignes grande distance TGV, une mobilité propre…

«Enfin, le scénario 4. On est proche d’un scénario “tendanciel”, ce qui signifie qu’on poursuit les tendances d’aujourd’hui et on regarde ensuite le bilan carbone. On change peu de choses à notre consommation, mais on essaie d’en compenser les effets négatifs. On optimise les procédés de l’industrie alimentaire, les protéines de synthèse. On continue à construire du neuf : le rêve est toujours d’acquérir une maison individuelle. C’est une mobilité décarbonée, de type véhicule électrique. L’unique solution est de tenter de capter par tous les moyens possibles le CO2 émis. Il s’agit du scénario le plus risqué, car il repose sur des technologies pas encore éprouvées et, avec lui, on n’atteindra pas la neutralité carbone. Mais on voulait identifier quelles étaient les mesures réalisables.

«On constate que les jeunes (étudiants et lycéens) regardent notre scénario 4 et disent : “C’est dingue que vous le proposiez !” Même s’ils sont eux-mêmes consommateurs de technologie. On sent une forte appétence pour les scénarios les plus sobres, avec collaboration et partage. Des étudiants de sciences politiques ont créé un blog à partir de nos scénarios, qui se nomme Immersion-Transition 2050. Ils ont fait quatre synopsis avec des illustrations, et proposent de voter pour le meilleur. Les Français sont visiblement prêts pour la transition écologique mais attendent une forte intervention de l’Etat et sont attachés à la justice sociale. L’éco-anxiété se comprend, parce qu’on ne va pas assez vite et que ce sont des objectifs à long terme. Mais il faut agir, malgré les difficultés qu’ont les COP. On peut être un peu abattu, mais il faut rester suffisamment optimistes, montrer qu’on a tout en main pour réussir.»

(1) Rue de l’échiquier, 488 pp., 14,90€.