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Aéronautique : Latécoère lance une vaste réorganisation de ses sites à Toulouse

C'était il y a près de quatre ans. En mai 2018, Latécoère inaugurait en grande pompe son « usine du futur  » à Toulouse-Montredon. Ce nouveau site de production automatisé de 6.000 m2 a demandé 37 millions d'euros d'investissements pour équiper notamment le groupe aéronautique de nouvelles machines d'usinage de pièces élémentaires. Le pionnier de l'aéronautique fondé en 1917 en développant des hydravions avant de devenir un sous-traitant aéronautique de rang 1 pour Airbus et Boeing, produisant en série notamment des portes d'avion et des câblages de trains d'atterrissage voulait montrer qu'il restait à la pointe de l'innovation.

Latécoère inaugure une nouvelle usine dernier cri à Toulouse

Une usine du futur pas encore rentable

Mais aujourd'hui le pari industriel est loin d'être gagné. La montée en puissance du site de Montredon s'est arrêtée net avec la crise sanitaire et Latécoère a également été impacté par la mauvaise santé des commandes sur le Boeing 787. Le groupe aéronautique doit aussi faire face à une concurrence féroce sur son activité d'usinage avec la consolidation de la supply chain qui a donné naissance à des géants des pièces élémentaires à l'instar notamment de Mecachrome. « Ils sont capables de produire d'énormes quantités et il est très difficile d'être compétitif dans ce contexte », observe-t-on en interne chez Latécoère.

Faute de rentabilité, l'usine du futur est au coeur d'un vaste projet de réorganisation annoncé le 25 janvier dernier par la direction de Latécoère. Il est question d'arrêter les activités d'usinage sur le site de Montredon et de transférer les machines vers les usines du groupe au Mexique, là où le groupe a racheté à Figeac Aero une usine l'an passé, et en République Tchèque.

Figeac Aéro et Latécoère s'échangent une usine au Mexique

« Le projet vise à faire évoluer la nature des activités de Toulouse Montredon afin que le site renoue avec la rentabilité et assure sa pérennité sur le long terme, explique un porte-parole de Latécoère. Le site accueillerait des activités qui fonctionnent très bien et qui sont actuellement hébergées sur d'autres sites du groupe comme les activités de services et de maintenance de Colomiers et les activités Systems de Labège. Les activités essais portes et prototypes R&T aujourd'hui situées sur le siège social de Périole seront aussi rapatriées.  »

L'usine du futur devrait accueillir également de nouvelles activités de pointe, comme un Centre de Développement Composites (CDC) dont la mise en service est programmée au premier semestre de cette année.

La CGT dénonce un « énième plan de délocalisation »

Latécoère était locataire sur ses activités de Colomiers. En revanche, le groupe projette de vendre son site Latelec de Labège et d'envoyer les machines utilisées pour faire des racks sur l'A330 et l'A400M vers son usine en Tunisie. Le projet a suscité une vive opposition de la part de la CGT qui a adressé le 6 février un courrier à la présidente de la région Occitanie Carole Delga.

«  Au terme de cet énième plan de délocalisation, il ne subsistera plus en France comme activité de production dans la branche aérostructures, outre l'atelier produisant le T15 de l'A330 à Périole, l'usine de Gimont et sa centaine de salariés. Jusqu'à quand ? » interpelle notamment dans la missive Florent Coste, secrétaire général CGT de Latécoère.

Du côté des autres syndicats, la réaction est plus nuancée. « La délocalisation, c'est un bien grand mot, c'est plutôt une réorganisation du schéma industriel en mettant l'activité restante pour Boeing vers nos usines du Mexique qui sont au plus près du sol américain pour un souci de rentabilité et aussi dans un souci d'économie de transport. La partie Airbus sera transférée sur le site de la République Tchèque où sont déjà implantés la plupart des fournisseurs d'Airbus », estime Stéphane Faget, secrétaire du syndicat FO Latécoère (deuxième syndicat après la CFE-CGC).

Concernant la vente du site de Labège, le syndicaliste rappelle que l'usine « n'avait pas beaucoup d'activité, coûtait excessivement cher à la société et devait être vendue déjà depuis un bon moment ».

Latécoère emploie actuellement 110 salariés à Montredon, 80 à Labège et 130 à Colomiers. La direction assure vouloir garder tous les effectifs en interne. La procédure de GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) annoncée pourrait mobiliser des mesures d'accompagnement à la mobilité interne professionnelle ou géographique et dispositifs de formation. De son côté, la CGT s'alarme qu'il n'y ait pour le moment que « 63 postes en CDI ouverts à Toulouse et Gimont ». « Dans ces conditions nous accueillons avec le plus grand scepticisme l'engagement pris par la direction de reclasser tout le monde », fait savoir le syndicat. Les partenaires sociaux doivent à nouveau se réunir le 15 février prochain pour négocier la réorganisation.

Série d'acquisitions à l'étranger

Frappé de plein fouet par la crise de la Covid, Latécoère a vu son chiffre d'affaires chuter de 43% en 2020. Depuis, le groupe remonte peu à peu la pente. Au premier semestre 2022, l'équipementier a affiché un chiffre d'affaires de 242 millions d'euros, soit une hausse de 34%. Pour autant, malgré une augmentation de capital à l'été 2021, Latécoère reste toujours très endetté (à hauteur de 148 millions d'euros à fin juin 2022). Le groupe s'est fixé pour objectif d'atteindre une taille critique d'1,5 ou 2 milliards d'euros à terme.

"Latécoère vise une taille critique d'1,5 à 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires"

Cette stratégie de croissance passe par plusieurs opérations externes amorcées depuis deux ans. Latécoère a d'abord fait l'acquisition à l'été 2021 de la société TAC en Belgique qui produit notamment des bielles avant de racheter l'entreprise Shimtech Mexico située à côté de son site de production de portes pour le Boeing 787. L'équipementier a ensuite réalisé le rachat de Malaga Aerospace, Defense & Electronics Systems (Mades), une société espagnole employant environ 100 personnes et spécialisée dans les cartes de circuits imprimés. Au printemps dernier, Latécoère a aussi mis la main sur le Canadien Avcorp lui permettant d'accéder au marché américain de la défense avant de finaliser l'acquisition de l'usine mexicaine de Figeac Aero.

Consolidation aéronautique : Latécoère finalise ses grandes manoeuvres avec l'acquisition du Canadien Avcorp