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«Affaire McKinsey» : des sénateurs veulent maintenir la pression sur le gouvernement

Alors que leur proposition de loi n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée, les élus veulent passer par le budget 2023 pour forcer l'exécutif à faire preuve de transparence dans son recours aux cabinets de conseils.

Ils comptent bien ne rien lâcher. Une semaine après l'annonce de l'ouverture de deux informations judiciaires par le Parquet national financier (PNF), portant notamment sur les «conditions d'intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022», les sénateurs repartent à la charge.

Plusieurs d'entre eux comptent bien déposer puis faire adopter un amendement au cours de l'examen du budget 2023 pour forcer l'exécutif à publier davantage d'informations sur le recours à ces structures privées. Une démarche qui intervient aussi quelques jours après que Bruno Le Maire a reconnu des «abus» sur le recours aux cabinets, comme McKinsey ou Capgemini. «On avait pris sans doute trop l'habitude de dire l'administration n'est pas capable de faire ce travail, on va externaliser et demander à des cabinets de conseil”», a reconnu le patron de Bercy fin novembre.

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Dans sa rédaction actuelle, le projet de budget 2023 prévoit déjà, dans son article 40 decies, la publication d'un «rapport relatif au recours par l'État aux prestations de conseil réalisées par des personnes morales de droit privé ou des personnes physiques exerçant à titre individuel», sur les deux dernières années. Mais la rédaction est jugée largement insuffisante par les sénateurs : elle ne couvre que deux ans et exclut nombre de prestations, en imposant de nombreuses restrictions liées au «secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État [...] et du secret des affaires», par exemple. Elle exclut aussi les marchés «que le ministre concerné estime nécessaire de ne pas diffuser dans le cadre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation». En outre, les bons de commande ne sont pas publiés et certaines autorités administratives et publiques ne sont pas concernées. «Il serait ainsi beaucoup plus difficile de reconstituer la facture globale des prestations de conseil», s'agacent les élus de la chambre haute.

L'amendement au projet de loi de finances 2023, porté par les sénateurs Arnaud Bazin (LR) et Éliane Assassi (CRCE), vise donc à «instaurer une véritable transparence sur les prestations de conseil», résume l'objet du texte. Déjà à l'origine du rapport sulfureux de mars dernier sur le recours aux cabinets de conseil, les deux élus souhaitent qu'un document comprenant «la liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années, à titre onéreux» soit publié par les pouvoirs publics. Un moyen de renforcer la transparence, estiment-ils, sur un sujet qui ne cesse de susciter des polémiques.

Vers un examen de la proposition de loi en 2023 ?

Cette nouvelle initiative peut surprendre, alors qu'une proposition de loi visant à mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil a déjà été adoptée à l'unanimité par le Sénat mi-octobre. Or l'un de ses articles propose justement de créer un document annexé au budget recensant, chaque année, «les prestations de conseil commandées par les administrations bénéficiaires au cours des cinq dernières années». Mais, depuis, l'exécutif n'a pas inscrit ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et son examen n'a donc pas avancé, regrettent les sénateurs. En outre, les amendements proposés par le ministre Stanislas Guérini pendant l'examen du texte au Sénat ont démontré la volonté de l'exécutif «d'affaiblir, si ce n'est de dévitaliser notre proposition», regrette Arnaud Bazin.

Les élus souhaitent donc maintenir la pression sur l'exécutif, et lui tordre le bras pour qu'il inscrive rapidement leur texte au menu des députés. L'amendement au budget 2023, qui reprend la rédaction du «texte transpartisan adopté par le Sénat le 18 octobre dernier», permettra aussi à chacun de sortir du bois, explique le sénateur LR : les différents groupes politiques, dont la majorité présidentielle, devront se positionner dessus, et l'exécutif devra choisir de le conserver ou non dans la version finale du texte si celui-ci passe grâce au recours au 49-3.

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En outre, si l'exécutif assure vouloir faire preuve de transparence, les données publiées récemment par le gouvernement dans un jaune budgétaire annexé au budget 2023 ne satisfont pas les sénateurs. Ce document exclut en effet «d'une part les prestations réalisées par des personnes publiques, dont notamment les établissements sous tutelle de l'État, et d'autre part les prestations de conseils extérieurs dans le domaine informatique», qui pèsent lourd dans le total. Un moyen d'alléger la facture finale. «C'est très partiel, lacunaire, il n'y a rien sur le conseil en informatique», soupire Arnaud Bazin. «Cela fait plusieurs mois qu'on ne lâche rien», rappelle l'élu LR, qui espère voir la proposition de loi transpartisane du Sénat être examinée par l'Assemblée nationale «dans le courant du premier semestre 2023».