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Afrique : Élargir le domaine du djihad

Les groupes djihadistes progressent alors que la France envisage de se redéployer dans la région.

© Daphné BENOIT / AFP

Les zones traditionnelles du terrorisme armé se dirigent vers le sud.

Emmanuel Dupuis est Président de l'IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe). Il est un expert des questions de sécurité européenne et des relations internationales, notamment en 2011 en tant que conseiller politique de la Task Force Lafayette (l'armée française en Afghanistan). Représentant général du Centriste pour les affaires internationales et de sécurité. 

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Atlantico : La pauvreté et le changement climatique sont des criminels et des extrémistes ont fourni un sol fertile pour les sectes en Afrique. Le nord du Bénin est au centre d'une crise sécuritaire qui s'est envolée vers le sud depuis le Sahel. Comment expliquez-vous la menace grandissante de ces groupes djihadistes ?

Emmanuel Dupuis : Cette réalité dure depuis plusieurs années. La résilience géographique des groupes armés terroristes s'est matérialisée par leur migration vers le golfe de Guinée : en témoignent la mise en place de l'état d'urgence post-juin au Togo, ou encore les attaques de plus en plus régulières des Côte d'Ivoire et ouest du Sénégal. Le domaine traditionnel des groupes armés terroristes s'est élargi avec la création de l'État islamique du Grand Sahara (EIGS) en 2015 et du Groupe d'assistance islamique et musulman (GSIM) sous la protection d'Iyad Ag Ghali. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso restent l'épicentre du plus grand nombre d'attaques, avec 900 attaques rien qu'en 2021. Ces attaques touchent désormais les pays voisins qui ont jusqu'à présent fait preuve de solidarité avec les pays du Sahel. Cependant, il ne participe pas aux contre-attaques. - Opérations terroristes. Cette réalité est dépassée. Créé en 2014, le G5 Sahel doit désormais s'étendre à d'autres pays.

Cette expansion géographique est visible au-delà des seules menaces jihadistes sahéliennes, comme la menace résiduelle depuis 2009 autour du lac Tchad aux confins du Nigeria, du Niger et du Cameroun.

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Les visites d'Emmanuel Macron en Guinée-Bissau, Le Bénin et le Cameroun sont un prolongement de la menace ciblant les pays riverains du golfe de Guinée, oubliant la poursuite de la menace en Afrique du Nord au Maghreb où le risque d'attentat reste élevé plutôt persistant, comme en témoignent les nombreuses tentatives d'attentat récemment avortées en Maroc.

Quelle est l'explication de cette extension incrémentielle ? Ces pays n'ont-ils pas assez de résistance ?

Il y a plusieurs raisons. Les faiblesses institutionnelles de l'État sont une des explications de cette situation. Les nations sahéliennes ont été incapables de résister ou de s'aliéner les groupes terroristes armés par leurs propres moyens. En fait, ces groupes se sont répandus dans différents États, de l'Algérie au Mali, du Mali au Niger, au Burkina Faso et maintenant au Bénin, au Togo, au Ghana, à la Côte d'Ivoire et au Sénégal.

Vingt-cinq pour cent du territoire burkinabé fuient actuellement la souveraineté sécuritaire de Ouagadougou. Cela s'applique également aux vastes zones au nord et à l'est du Mali, qu'il convient d'appeler la boucle du fleuve Niger, et aux zones frontalières du Mali, du Niger et du Burkina Faso. trois frontières.

Les États sahéliens ne peuvent plus assurer leur propre sécurité sur leur propre territoire. Ainsi, cela a permis aux groupes terroristes d'avancer inexorablement. Depuis une semaine, la ville de Bamako est encerclée par les combattants du GSIM. Les menaces sont de plus en plus omniprésentes dans des domaines qui étaient auparavant plus ou moins contrôlables. Les États en question - Bénin, Ghana, Togo, Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée et Sénégal - n'étaient pas, a priori, des cibles prioritaires pour les groupes terroristes. Ils l'ont fait par le fait que ces pays sont des partenaires de l'État dans la lutte contre les groupes armés et des alliés des pays occidentaux participant aux opérations antiterroristes et antiterroristes. L'opération Barkhane ou les Nations unies menant des opérations de la MINUSMA ou de l'EUTM contre l'Union européenne. Des pays comme le Bénin, le Togo, le Rwanda, le Sénégal et le Tchad ont décidé ou envisagent de rapatrier une partie des troupes qu'ils ont fournies à la MINUSMA pour sécuriser le Mali. Il est facile de comprendre que ces pays essaient maintenant de sécuriser leur propre territoire.   

Le Bénin est-il devenu le nouveau front djihadiste ? Ou est-ce un peu excessif ?            

Nouveau Front Jihad Burkina Faso est le chef. C'est actuellement le pays le plus affaibli. Sans aide immédiate, ils ne pourront pas résister longtemps à la pression du GAT. La situation sécuritaire actuelle à Ouagadougou ressemble à celle de fin 2012 et début 2013, lorsque des groupes terroristes armés ont fait des avancées rapides sur le territoire malien. Cela a conduit au début de l'opération Serval le 9 janvier 2013. Au-delà du Burkina Faso, la situation au Bénin s'est détériorée ces dernières années, comme en témoignent les incursions djihadistes dans le parc de la Penjari au Bénin. Ils ont été pris en otage et libérés en mai 2019. Le nord-ouest et le nord-est du Togo sont également concernés, tout comme la région du nord-ouest du Cameroun, longtemps en première ligne. Le Cameroun, comme ses voisins le Nigeria, le Nigeria et le Tchad, fait déjà face au phénomène du djihadisme Boko Haram depuis 2009.

Le gouvernement burkinabé a déclaré dans un communiqué qu'il avait entamé un dialogue avec des membres de groupes armés. Cela indique-t-il que la situation est vraiment critique ?

La position de la junte au Burkina Faso n'est pas entièrement partagée par tous les pays confrontés à la menace terroriste. Le président nigérien Mohammed Bazum n'est pas dans la même position que le président du gouvernement intérimaire du Burkina Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba, ou que le Premier ministre Choguel Cokala Maiga du Mali. Tout le monde n'aborde pas le dialogue avec le même zèle que les djihadistes. Néanmoins, l'idée d'un dialogue avec les jihadistes est en marche, et de nombreuses voix se sont élevées sur la nécessité d'échanges au niveau local avec ces militants. L'ancien président du Burkina Faso, Roque Marc Christian Caboré, a personnellement initié l'ouverture du dialogue avec les intermédiaires de ces groupes djihadistes. Une concertation existe aussi au Mali au sein du cercle de Niono, sur la base d'un accord local avec Kativa Makina. Cette stratégie ne montre pas de faiblesse de la part de l'État. Le redéploiement des forces françaises, la remise en cause de la pérennité de la MINUSMA et du G5 Sahel sont quasi inexistants maintenant que le Mali a choisi de ne plus y participer. Elle tente donc d'inventer de nouvelles formes de coopération régionale, y compris des processus de réconciliation et de réintégration (DDR, démobilisation, démilitarisation et réintégration). Le président Bazum lui-même appelle à une forme de coalition régionale qui s'étende au-delà des cinq pays du Sahel.  Le président bissau-guinéen Umaro Sissoko Embalo, désormais président tournant de la CEDEAO, a lancé l'idée d'une force anti-coup d'État basée sur une force africaine en attente. Cette force était déjà présente depuis le début des années 1990 à travers l'ECOMOG (Groupe d'observation de la trêve de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, également connu sous le nom de Brigade d'observation de la trêve de la CEDEAO), qui est intervenu au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Le cadre de la CEDEAO est donc privilégié pour chercher à juguler des phénomènes bien plus larges que la simple région sahéro-saharienne. La question du terrorisme est désormais corrélée à la question de la lutte contre la grande criminalité, notamment en ce qui concerne son interaction avec le trafic de drogue. Le président bissau-guinéen, ancien militaire bissau-guinéen aujourd'hui à la tête de la Cedeao, a émis l'idée de renforcer la vigilance contre les trafiquants de drogue, qui financent de fait les groupes armés. La sécurité maritime a également occupé le devant de la scène lors des visites du président Emmanuel Macron en Guinée-Bissau, au Bénin et au Cameroun. En juin 2013, 19 pays du golfe de Guinée ont lancé l'initiative de l'Accord de Yaoundé, citant le fait que la piraterie en mer peut ressembler au terrorisme en mer. Le monde se passe dans le golfe de Guinée.

Le désir de l'Europe de devenir moins dépendante du gaz et du pétrole russes a forcé la façon dont les pays européens s'engagent avec des pays qui sont déjà de grands distributeurs et ont des réserves d'hydrocarbures engagées. Le Nigeria produit entre 2 et 4 millions de barils par jour. Récemment, des gisements ont été découverts au large de la Côte d'Ivoire et du Sénégal. Le trafic maritime le long de la côte ouest africaine s'intensifie donc. La mise en place d'une stratégie intégrée de lutte contre l'anxiété doit être le pendant en mer de ce qui a été fait jusqu'ici sur Terre.

Position de la France dans le cadre du redéploiement des forces en Afrique et comment la France envisage cette évolution.

La France envisage un " redéploiement " sous forme de " arrosage " des soldats. Ces forces ne seront pas concentrées dans des bases situées dans des pays actuellement confrontés à des menaces terroristes (Bénin et Togo). En outre, les trois bases militaires françaises au Tchad et la base militaire française au Niger resteront intactes. Pendant ce temps, il n'y aura plus de bases militaires françaises au Mali après la fermeture de Gao d'ici la fin de l'année. L'armée française est donc redéployée. Ce seront 2 500 militaires français qui continueront à combattre le terrorisme au Sahel. Celles-ci sont moins visibles et mieux adaptées aux besoins des pays menacés.

Les forces françaises de l'opération Licorne restent en Côte d'Ivoire. Les forces françaises au Sénégal seront également maintenues. Le président béninois Patrice Talon a également appelé à une coopération accrue avec la France sous la forme de prêts d'équipements, d'échanges d'informations et d'une coopération plus active en matière de formation entre les forces béninoises et françaises. Bref, la France ne quittera pas la région du Sahel. Elle s'adapte aux menaces.La France comprend la "complexité" de cette menace et envisage désormais son existence de manière plus intégrée aux besoins exprimés par ses partenaires ouest-africains. C'est du moins l'esprit de la réforme des propositions sécuritaires de la France en Afrique que le président Emmanuel Macron a présenté il y a quelques jours à ses trois homologues du Bénin, du Cameroun et de la Guinée-Bissau. 

Mots clés

Côte d'Ivoire, Jihad, Sahel, Mali, Sahara, Jihadisme, Burkina Faso, Togo, MINUSMA, État islamique, G5 Sahel, Bénin