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«Aftersun» touche le fond de la piscine

Un père, sa fille, britanniques, passent une semaine de vacances dans un hôtel avec piscine, au bord d’une côte en Turquie. Pas le grand luxe, pas les moyens, mais ce qu’il faut au farniente, aux activités élémentaires de vacanciers, karaoké, jeux d’arcade d’un autre temps (les années 90), têtes piquées dans l’eau, nuits chaudes, alcool, flirts sans conséquence, temps suspendu. Les souvenirs au prisme de la mémoire de Sophie, 11 ans, dont quelques flashforward stroboscopiques puis au saut du lit la montrent adulte se remémorant hébétée, forment une succession de scènes languissantes et aléatoires, dans un grand effort impressionniste de notations jolies, éparses, fragmentaires, pour ce faire surcadrées, surlignées.

Le père et la fille vaquent, arpentent les lieux, se reposent, sieste et grasse mat, chacun de son côté ou réunis pour des tête-à-tête qui se paient de peu de mots, le film veillant à tisser entre eux le fil invisible et impératif, attendri et mutuel. Leur complicité est aussi naturelle que celle d’un père séparé de la mère et qui a la garde de sa fille le temps de dernières vacances (aux accès dépressifs du père, on comprend que le temps est fugace, et l’ensemble affreusement littéraire). Entre eux, dans le domaine de l’hôtel et ses environs, un manège doux qu’une mise en scène chichiteuse élabore, très consciente de l’objet arty qu’elle vise.

Languissement étudié

Bardé de nominations et de prix – Paul Mescal aux oscars pourra prétendre au prix du meilleur acteur, couronnant une interprétation sensible, effacée et douloureuse –, tel nous parvient Aftersun. Précédé de ces sortes de louanges toujours à la limite du coup de bluff que font les bruits de festivals et leur effet-bocal lanceur d’alertes mates, depuis Cannes (où il revint de la Semaine de la critique avec le prix ronflant de la «French Touch»), jusqu’au grand prix décerné au festival Deauville, plus dure est la chute – du plongeoir de la piscine : plouf.

Le sentiment grandissant devant ce précis de correction, formaté pour plaire aux clercs et aux jurys d’auteurs internationaux, est qu’on se trouve en présence de cette légende urbaine de temps en temps avérée : un film créé de toutes pièces pour les festivals indés. Aftersun, pourquoi pas After Sundance, en clin d’œil au fameux festival indépendant de Salt Lake City ? Le film de Charlotte Wells est trop soucieux de plaire, de remimer chaque fiction d’adolescence vue et archivue, dans ses choix formels, son languissement étudié, ne lésinant pas sur les gros effets qui tachent pour laisser planer une menace dramatique qui n’adviendra jamais : ainsi le bruitage et le mixage sonore souvent injustifiables, comme ce bruit soudain de freins crissant d’un bus quand le père traverse la rue. Ou comme de mépriser un passage à la Club Med avec Macarena hasardée pour asseoir son goût plus sûr d’Under Pressure de Queen et Bowie ou du Losing My Religion de REM, que dans ses petits malheurs Sophie chante aussi faux que le film se veut «vrai». En 1948, sur un thème proche, Roger Leenhardt signait un film très beau et très peu vu : les Dernières Vacances.

Aftersun de Charlotte Wells avec Paul Mescal, Frankie Corio… (1h42).