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Airbus n'est pas encore débarrassé du titane russe

La route vers la souveraineté industrielle de l'aéronautique vis-à-vis de la Russie est longue. Neuf mois après le début de la guerre en Ukraine, Airbus n'a toujours pas réussi à fermer le robinet du titane russe, du moins pour la production des avions commerciaux. Le processus est engagé, mais les défis sont nombreux pour l'avionneur dont la moitié environ de l'approvisionnement venait de Russie avant la guerre.

Interrogé sur le sujet à l'occasion du sommet annuel d'Airbus, le 1er décembre à Munich, Michael Schoellhorn, directeur général d'Airbus Defence and Space, a déclaré : « Pour le moment, nous nous procurons toujours un certain pourcentage de titane russe, mais sommes heureusement en train de devenir indépendants de cet approvisionnement. » Sans apporter plus de précision sur les quantités encore importées, il a précisé que ce processus de découplage du titane était « une histoire de mois, pas des années ». Avant l'été, Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, déclarait ainsi « être entré dans la crise avec 6 à 12 mois d'inventaire en stock sur le titane et les pièces en titane, ce qui (lui) donne le temps d'activer les sources secondaires ».

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Le militaire en est sorti, pas le civil

Patron de la branche défense, Michael Schoellhorn a fait un distinguo entre ses activités et celles des avions civils : « Du côté militaire, nous avons fait tout le travail et nous n'avons plus besoin de titane russe. Du côté commercial, il nous faut encore un peu de temps avant de pouvoir passer à des sources non russes. Ce n'est pas un mince exploit au regard de toutes les certifications, de la ruée actuelle sur les sources secondaires, mais le processus bat son plein. C'est une situation temporaire avec, clairement, l'objectif d'être indépendant de la Russie. »

Il est rejoint sur ce point par Camille Grand, chargé de mission au sein du think tank Conseil européen des relations internationales : « Ce n'est pas seulement une question d'argent. Il s'agit aussi d'avoir accès aux matières premières, y compris dans des régions ou des pays sensibles, d'avoir la main-d'œuvre, et d'avoir la capacité à disposer de certains des composants essentiels de la chaîne d'approvisionnement. » Une mission particulièrement compliquée pour les industriels de défense selon lui, au moment où les pays occidentaux devaient aussi se réorganiser pour être en mesure d'apporter leur soutien à l'effort de guerre ukrainien.

Le nombre de pays producteurs d'éponges et de semi-produits en titane de qualité aéronautique pour les avions et « premium quality » pour les moteurs est ainsi très limité. Sur 240.000 tonnes produites par an à ces standards, le Japon en représente la moitié, la Russie 30% à 40%, et le Kazakhstan complète le lot. Derrière, c'est le désert : les Etats-Unis ont abandonné la production en 2020, tandis que la Chine est un producteur majeur d'éponges de titane, mais très peu de qualité aéronautique.

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Une souveraineté à renforcer

En ce qui concerne plus généralement la souveraineté industrielle européenne et l'accès aux matériaux stratégiques, Michael Schoellhorn a appelé à en faire plus : « Je pense qu'il y a un besoin et qu'il a été reconnu en Europe que nous devons faire plus en termes de résilience. » Il admet que des progrès ont été faits, avec des initiatives comme le « Chip act », c'est-à-dire le paquet législatif européen sur les semi-conducteurs, mais qu'il faut encore travailler au niveau européen pour déterminer les meilleurs moyens de renforcer les chaînes d'approvisionnement industrielles.

Dans la foulée, Camille Grand a estimé que plusieurs leçons déjà mises en lumière par la crise du Covid pouvaient aussi s'appliquer à la situation actuelle. Il a ainsi insisté sur les risques induits par les approvisionnements en source unique et la nécessité de trouver des alternatives. De même, il a affirmé que « les politiques traditionnelles de stock zéro ne sont probablement plus appropriées, en particulier dans le domaine de la défense », tout en rappelant que cela entraînait des coûts supplémentaires et que « quelqu'un doit payer pour cela ». Ce qui nécessite un arbitrage entre les gouvernements et les industriels et rend la question « quelque peu compliquée ».