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Aisne : La « pérennité programmée » de scooters électriques est-elle une révolution industrielle ?

Un scooter électrique fabriqué en France, mais moins cher que ses concurrents asiatiques. C’est désormais possible grâce au concept de « pérennité programmée » qu’une entreprise de l’Aisne a décidé de mettre en pratique.

Le pari de Mob-ion, qui produit des deux-roues, ressemble à une petite révolution économique. Voisin de l’imposant Familistère de Guise, où l’utopie d’une cité ouvrière idéale prit corps au milieu du XIXe siècle, Mob-ion se veut pionnier d’une nouvelle conception de la fabrication industrielle et de l’usage des produits.

Des pièces changées facilement et réutilisées

Au cœur du projet, l’idée de remplacer la logique « produire, consommer, jeter » par « démonter, réparer, remanufacturer » aussi longtemps que possible. Et passer ainsi de l’obsolescence programmée à la « pérennité programmée ». Cette notion est même devenue une marque déposée par Mob-ion qui prend en compte dès le départ le cycle de vie de chacun des composants,

Pour construire son scooter électrique 50 cm³, la start-up devenue usine utilise des pièces aux deux tiers « éco-conçues » pour pouvoir être changées facilement et réutilisées, parfois jusqu’à 20 ans. Et avec près des trois-quarts des composants fabriqués en France, le scooter a obtenu le label « origine France garantie ».

« Dans n’importe quel produit, des composants qui n’ont pas la même durée de vie cohabitent, expose Christian Bruère, président de Mob-ion. Certains sont en polymère avec des durées de vie très courtes, d’autres en inox ont une longévité quasi éternelle. », D’où l’intérêt de favoriser et de faciliter le démontage.

Moins de soudures

Le cuivre par exemple, « va coûter très cher » à l’avenir, donc « faire un moteur avec un stator (partie statique) en cuivre pensé pour pouvoir être réutilisé vie après vie, cela a beaucoup de sens », précise le patron de la société. Derrière lui, penchée au-dessus d’un moteur, une équipe est parvenue à passer de dix-huit à trois points de soudure, facilitant ainsi la récupération de pièces.

Bientôt, la production par îlots, où un employé monte un scooter en trois heures, sera remplacée par des lignes, d’où doivent sortir 5.000 véhicules.

La « pérennité programmée » suppose que l’entreprise reste propriétaire des scooters. Mob-ion a donc opté pour des locations de longue durée ou des ventes avec contrat de reprise au bout de 24 ou 48 mois. Après usage, les véhicules seront démontés sur un chantier d’insertion et leurs pièces remanufacturées.

« Compétitif et français »

Un boîtier électronique embarqué permet également de savoir quand changer les pièces exposées à l’usure, en fonction de l’utilisation du scooter. La plupart des 500 engins déjà produits ont été loués à des entreprises de livraison de repas. Mais « avec ce niveau de maltraitance, on ne pourra pas aller jusqu’à la pérennité qu’on veut », constate Thomas Thueux, directeur financier et des opérations.

Mob-ion vise désormais collectivités, associations engagées pour la mobilité ou encore campings et hôtels. Ainsi que les habitants des zones rurales où les problèmes de mobilité font obstacle à l’emploi, comme la Thiérache où la société s’est implantée.

En misant sur la durée des pièces, au lieu de casser les prix d’entrée, Mob-ion peut être « compétitif tout en étant français », souligne Christian Bruère. Pour l’économiste Christian Du Tertre – dont les travaux ont inspiré le patron de Mob-ion –, l’entreprise de l’Aisne a effectué le saut vers « l’économie de la fonctionnalité », consistant à vendre « une solution qui l’articule avec des services », plutôt qu’un produit.

Mais ce modèle, où il voit un nouvel horizon pour l’industrie, suppose, selon lui, une remise en cause du système financier actuel, fondé sur la rentabilité à court terme. Et une révolution culturelle pour les ingénieurs « encore marqués par la production du neuf ».