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Alain Aspect : "La deuxième révolution de la physique quantique ne fait que commencer"

Il y a quarante ans, un étudiant en physique réalise une expérience audacieuse pour trancher une vieille controverse non résolue entre Albert Einstein et Niels Bohr. Le résultat, éblouissant, démontre sans ambiguité l’existence de l’"intrication quantique". Elle ouvre la porte aux superordinateurs ou à la cryptographie inviolable, que des startups commencent tout juste à explorer.

Sciences et Avenir : Au début des années 1970, vous êtes agrégé de physique et vous vous apprêtez à vous lancer dans une thèse. Que savez-vous alors de la physique quantique ?

Alain Aspect : Pas grand-chose ! J’ai eu une formation très classique à l’Université d’Orsay (aujourd’hui Université Paris-Saclay) et à l’École Normale Supérieure de Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay), dans laquelle il y avait très peu de physique quantique. Mais durant mon séjour au Cameroun en tant que coopérant, j’ai eu la chance de lire le livre de Claude Cohen-Tannoudji, Bernard Diu et Franck Laloë, qui est un manuel à la fois simple et profond de physique quantique : cela a été une révélation. Je m’en suis nourri tout seul, sans l’influence d’un professeur qui m’aurait peut-être dit que’Einstein s’était trompé.

Quel rôle joue Einstein ?

Il faut revenir aux origines de la physique quantique. On peut les situer vers 1900, au moment où le physicien allemand Max Planck veut comprendre le "rayonnement du corps noir", autrement dit le fait qu’un corps chauffé émet de la lumière. Les théories classiques de la physique ne permettent pas d’interpréter les observations expérimentales. Planck trouve alors un modèle "empirique" : il avance que les échanges d’énergie entre le rayonnement et la matière s’effectuent non pas en continu, mais par paquets. Un paquet, c’est un quantum, une quantité élémentaire d’énergie. Einstein entre en scène en 1905, et va plus loin, en posant l’hypothèse que la lumière elle-même est formée de grains qu’on appellera plus tard photons. Il explique ainsi l’effet photoélectrique, ce qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1921. En 1909, il pose que la lumière a une double nature : elle se comporte à la fois comme une onde et comme un faisceau de particules. C’est une avancée considérable. En 1923 Louis de Broglie généralisera cette propriété au cas des particules matérielles, en faisant l’hypothèse qu’elles se comportent aussi comme des ondes.

Qui sont les autres acteurs de cette nouvelle physique ?

Il y a notamment le physicien danois Niels Bohr [prix Nobel 1922]. En 1913, il propose un modèle de l’atome où les électrons qui l’entourent ont des trajectoire qui ne peuvent prendre que des valeurs précises. Il explique également que l’émission ou l’absorption d’un photon se fait en sautant d’une trajectoire à l’autre. Il rejoint ainsi Einstein. On ne sait pas où il a été chercher ça ! Quand on enseigne la relativité, on peut passer progressivement de la mécanique classique à la relativité. Mais la physique quantique, on ne sait pas y passer progressivement, elle semble venir de nulle part ! C’est une rupture conceptuelle incroyable. Après Heisenberg, Schrödinger et Dirac se chargeront de consolider et de mettre en forme cette théorie quantique dont les premi ères bases avaient été posées par Planck, Einstein, Bohr et de Broglie.

Niels Bohr et Albert Einstein s’engagent alors dans une célèbre controverse...