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Alimentation : les négociations sur les hausses de prix s’annoncent explosives entre distributeurs et industriels

Les industriels haussent le ton une nouvelle fois. Ils réclament aux supermarchés une augmentation du prix de leurs produits. En cause : l'augmentation du prix de l'énergie qui pèse sur les coûts de production. La grande distribution, de son côté, redoute une hausse des prix sans précédent pour les consommateurs. Après plusieurs séries de négociations insatisfaisantes pour les industriels en 2022, ce nouveau round s'annonce une nouvelle fois difficile. Les entreprises avaient jusqu'au 1er décembre pour donner leurs propositions tarifaires à la grande distribution et les deux parties doivent trouver un terrain d'entente avant fin février.

Le président du comité stratégique E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, a dévoilé les hausses demandées par les industriels pour son groupe : plus de 20 % pour les conserves, 41 % pour la nourriture animale ou encore 11% pour les féculents. « En moyenne, les industriels demandent entre 10 et 12 % d'augmentation », déclare Marie Buisson, directrice juridique de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania). Plutôt entre « 10 et 25 %, selon Jacques Creyssel, délégué général de la fédération du commerce et de la distribution, auquel il faudra ajouter les frais énergétiques de la grande distribution autour de 5 à 10 % ».

Une hausse difficile à passer alors que les prix de l'alimentation ont déjà bondi de 12 %. La situation est tendue de part et d'autres et la marge de manœuvre est faible. En ce début de négociations, « il n'y a pas de portes fermées », assure François-Xavier Huard, président et directeur général de la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil).

L'énergie, cause principale des tensions

La loi EGALIM 2, établie en 2021, protège les agriculteurs de la hausse des prix. Résultat : les distributeurs ont accepté plusieurs augmentations tarifaires en 2022 liées aux coûts des matières premières. Pour l'énergie en revanche, la grande distribution n'a aucune obligation de modifier les tarifs d'achats. Une situation insoutenable pour les industriels.

« Le prix de l'énergie a explosé pour les entreprises, il a augmenté entre 50 et 100 % entre 2021 et 2022 et nous prévoyons une augmentation de 150 à 200 % en 2023. A cela s'ajoute une augmentation de 15 % pour le transport et de 20% sur les emballages. Augmenter les prix d'achat, c'est un impératif de survie pour les industriels », explique François-Xavier Huard.

Cette flambée de l'énergie touche également la grande distribution avec des dépenses d'au moins 1.5 milliard d'euros pour l'énergie en 2022 soit un tiers de leurs marges. « Il faut que tout le monde fasse des efforts, c'est sûr. Mais si l'augmentation des prix est trop importante, les consommateurs ne voudront plus acheter et il y aura un vrai risque de déconsommation qui entraînera la perte des petits producteurs », insiste Jacques Creyssel.

Les petites entreprises prioritaires

S'il y a un sujet sur lequel les deux parties se mettent d'accord, c'est sur le risque de perdre les petites entreprises dans cette bataille. Avec une faible diversification des produits et des marges souvent plus faibles, l'amortissement des coûts liés à l'énergie est de plus en plus difficile à tenir.

La négociation se porte donc en priorité sur ces PME, plus fragiles dans cette crise. « La grande distribution souhaite conclure un accord avant début janvier avec ces entreprises pour ne pas laisser traîner les négociations. Il y aura des hausses de prix au prorata des marges effectuées par les industriels », a précisé Jacques Creyssel. Il dénonce, a contrario, les gros groupes comme Nestlé qui annoncent des augmentations de marges dans cette période de forte inflation.

L'issue de la négociation aura des conséquences importantes

La finalité des débats sera explosive. D'un côté, si la grande distribution accepte les revendications des industriels, les consommateurs verront leur panier moyen augmenter fortement dans un contexte de grande tension économique. « On va vers une hausse de 13 % le mois prochain, puis 14 % le mois d'après et 15 % le mois qui suit car notre inflation a du retard par rapport à nos voisins européens. Pour l'année 2023, on s'attend à ce que ça augmente encore, explique Pascale Hébel, directrice du département de la consommation au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC).

De l'autre côté, les industriels ont peur de franchir le point de non-retour si ces hausses ne passent pas. « Coupures de lignes de production, pertes de rentabilité, licenciements économiques, fermetures à horizon des deux ans : les conséquences sur les entreprises pourront être lourdes. On ne veut pas en arriver là, on en appelle à la solidarité et aux soutiens de nos clients cette année », déplore Marie Buisson.

Un appel au soutien du gouvernement

Les entreprises agro-alimentaires, principalement de moyennes et grandes tailles, ne bénéficient pas de l'aide de l'Etat sur les dépenses énergétiques. « On a beaucoup préservé les ménages des prix de l'énergie mais pas les entreprises agro-alimentaires », déplore Jacques Cressel.

A long terme, les industriels réclament également à l'Etat une variabilité des prix indexés sur les coûts de production. Pour la distribution, « l'Etat doit participer à l'effort collectif. L'Allemagne, par exemple, a versé des aides aux industries alimentaires pour les aider face à la crise. »

Les français vont modifier leur consommation

A l'approche des fêtes de fin d'années et face aux hausse des prix annoncées, les comportements d'achats alimentaires vont être modifiés. Chasse au gaspillage, achat de produits premiers prix, diminution des produits jugés secondaires... les méthodes sont multiples mais la finalité est toujours la même, économiser.

De nombreux industriels ont d'ores et déjà arrêtés de commercialiser certains produits pour concentrer leur production. Pour le délégué général de la fédération du commerce et de la distribution : « Cette situation ne se calmera pas avant 2024. Nous sommes dans une période où il y aura moins de références dans les rayons de supermarchés, c'est un changement dans l'Histoire. »