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Angoulême : le jour sans fin des nettoyeurs de tags d’Angoulême

Le vacarme du pressuriseur couvre la voix. Jean-Luc enfile un masque à mi-chemin entre la combinaison d’apiculteur et le casque de scaphandrier. L’agent municipal d’Angoulême se saisit du tuyau et dirige le jet vers un « facho » peint sur les marches du parvis du musée de la bande dessinée. Le mélange de sable et d’air érode la peinture. En deux minutes, le tag se transforme en tache plus claire que le béton d’origine. Ce sera...

Le vacarme du pressuriseur couvre la voix. Jean-Luc enfile un masque à mi-chemin entre la combinaison d’apiculteur et le casque de scaphandrier. L’agent municipal d’Angoulême se saisit du tuyau et dirige le jet vers un « facho » peint sur les marches du parvis du musée de la bande dessinée. Le mélange de sable et d’air érode la peinture. En deux minutes, le tag se transforme en tache plus claire que le béton d’origine. Ce sera, ensuite, au tour d’un « ni dieu ni maître ». Depuis le mois de décembre et le début des manifestations contre la réforme des retraites, les deux agents missionnés pour effacer les tags croulent sous la charge.

« Un travail de Sisyphe », décrit Anthony Pinazo, responsable logistique. « On enlève et le lendemain il faut recommencer, traduit Jean-Luc. Rue de Montmoreau il y a un tag qu’on a effacé trois fois. » Les peintres repassent dans la nuit. Une cinquantaine d’inscriptions figurent sur la liste d’attente de l’équipe.

Jean-Luc et Dominique traitent 2 000 m2 de peinture par an. Mais « c’est la première fois qu’on en voit autant depuis le CPE (en 2006), jaugent-ils. Il y en a trente rien qu’avenue de Cognac. » Les manifs agissent comme une étincelle. « En février, on a enregistré 220 tags, c’est le résultat de deux ou trois mois (en temps normal) «, calcule Mahmoud Guicheniti, le superviseur des équipes de nettoyage. Les murs reflètent l’humeur de la société. Les retraites ont laissé place au 49.3, puis aux revendications antifas « et maintenant les écolos ». « C’est un peu plus calme depuis qu’ils ont arrêté des gars à Victor-Hugo », souffle Jean-Luc. Référence aux quatre militants antifas arrêtés en flagrant délit le 17 mai.

Escortés par la police

Il n’empêche, les journées sont remplies. « Avant, ils aidaient à d’autres tâches pendant les périodes basses, aujourd’hui ils n’ont plus le temps », regrette Guillaume Chupin, adjoint à la vie quotidienne. Les agents doivent prioriser. Les lieux emblématiques sont traités en premier. Les surfaces poreuses aussi, « pour éviter que la bombe s’imprègne », précise Jean-Luc.

En février on a enregistré 220 tags, c’est le résultat de deux ou trois mois en temps normal.

Certaines inscriptions font l’objet d’opérations spéciales. « Pour les croix gammées ou à La Grande-Garenne, quand ils écrivent les noms de baqueux (policiers de la Bac), on fait intervenir l’astreinte », relate Mahmoud Guicheniti. Les agents sont dépêchés sur place de jour comme de nuit, escortés par des policiers municipaux. C’est pour ça que les deux nettoyeurs préfèrent taire leur nom. « Après on les retrouve sur les murs », soupire Jean-Luc.

Parfois, ils ont droit au comité d’accueil. Dominique s’est déjà fait reconduire vers la sortie par des guetteurs près du point de deal de l’immeuble-pont, à la Grand-Font. Il s’apprêtait à décaper des flèches signalétiques. « Une autre fois ils m’ont piqué les clés de la machine », préfère rigoler le bonhomme.

« Il dialoguait avec nous »

Insultes, revendications politiques… Jean-Luc et Dominique auraient pu finir blasés devant le caniveau qu’ils nettoient tous les jours. Mais les deux compères ont appris à positiver. « À Sillac, on a effacé un tag et quelques jours après, le gars nous a laissé un mot (sur le mur) pour nous demander de ne plus l’effacer », sourit Jean-Luc. « Il dialoguait avec nous », se marre Dominique. Quand les agents tombent sur des graffitis esthétiques, « des fois on les laisse, ça dépend du lieu et si ça ne gêne pas ».

On va passer les panneaux de signalisation en classe trois, ils se lavent en un coup d’éponge.

L’épidémie de tags influe sur la politique de la Ville. Guillaume Chupin, adjoint à la vie quotidienne, prévoit de remplacer les panneaux signalétiques arrivés en bout de vie par des panneaux de plus haute qualité. « Ils ont une longévité de quinze ans (contre dix actuellement) et on les nettoie avec une éponge, justifie l’élu. C’est un critère qui sera aussi pris en compte pour le mobilier urbain. »