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Après les frappes de drones sur Moscou, Poutine accuse Kiev de vouloir «terrifier» les Russes

Huit engins sans pilotes, jusqu’à une trentaine selon certaines sources, ont atteint la capitale mardi à l’aube.

Correspondant à Moscou

Peur sur la ville. L’objectif était sans doute celui-là - provoquer l’effroi chez l’adversaire et créer la diversion -, alors que Kiev était encore lundi la cible d’un raid intensif de missiles russes et que se profile toujours la contre-offensive ukrainienne. Mardi matin à l’aube, plusieurs quartiers du sud-ouest et du sud de Moscou ont été réveillés par des explosions, alors que la capitale était la cible d’une attaque de drones, huit, d’après le ministère de la Défense, jusqu’à vingt-cinq et même trente-deux, selon certaines chaînes Telegram. En tout cas la plus massive depuis février 2022.

«L’attaque a impliqué huit drones de type aéronautique. Tous les drones ennemis ont été vaincus», souligne le communiqué du ministère de la Défense. Trois de ces drones auraient été abattus par des armes de guerre électronique, les cinq autres par les forces de défense aérienne. «Le régime de Kiev a choisi (…) de terrifier la Russie, d’intimider les citoyens russes», a réagi Vladimir Poutine. «Apparemment, c’est à cela que cela sert: nous provoquer et nous inciter à riposter avec des actions en miroir. Nous verrons ce qu’il convient de faire à ce sujet», a déclaré le président russe. Celui-ci a également estimé que cette attaque était une réplique à une frappe russe ayant récemment visé le QG du renseignement militaire ukrainien à Kiev.

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Selon le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, seules deux personnes auraient été légèrement blessées durant ce raid inédit sur la capitale, moins d’un mois après les deux explosions, restées assez mystérieuses, survenues au-dessus du Kremlin, dans la nuit du 3 mai. Mardi matin, plusieurs immeubles ont été endommagés, notamment rue Atlassova, dans le quartier du «nouveau Moscou». Un impact était clairement visible au vingt-cinquième étage d’une tour d’habitation ; l’appartement touché était vide à ce moment-là.

«On dormait tous, il était 4 heures du matin. Puis il y a eu deux explosions, et les alarmes de toutes les voitures se sont déclenchées», témoigne Maxime, un Moscovite de 40 ans résidant à proximité de la rue Atlassova, interrogé par l’AFP. «Pourquoi la défense aérienne n’a pas fonctionné? Pourquoi les sirènes d’alerte n’ont pas résonné? Comment (les drones) sont-ils arrivés jusqu’ici? Et d’où sont-ils partis?», se demande-t-il, entre stupéfaction et inquiétude.

Drones de classe moyenne

Selon la chaine Telegram Fairidaily, l’un des drones a été abattu au-dessus du quartier chic de Roubliovka, où se trouvent des datchas d’État et des résidences privées de fonctionnaires et d’hommes d’affaires, à dix minutes de route de la résidence de Poutine à Novo-Ogarevo. Les réseaux sociaux et les chaînes fédérales - qui ne se sont pas beaucoup étendues sur le sujet - ont montré des débris des drones et de leurs charges explosives. De quoi soulever des questions sur leurs caractéristiques et le point d’où ils ont été lancés.

À en juger par les images diffusées sur internet, il s’agit de drones de classe moyenne, d’une largeur d’aile d’environ 2,5 m à 3 m, équipés de moteurs à combustion interne. Selon l’analyse de la BBC, deux types de drones ont pu être employés: l’un de configuration «classique», semblable à un avion à moteur léger, l’autre répondant à un profil aérodynamique de type «canard» avec une aile de soutien à l’arrière, comme ceux employés notamment lors d’une attaque sur la ville de Krasnodar, dans le sud de la Russie, le 26 mai. Ces drones auraient un rayon d’action théorique de 400 km à 1000 km, suffisant donc pour atteindre Moscou depuis l’Ukraine - la distance, par exemple, entre la capitale russe et la ville de Kharkov est d’environ 670 km. Le coût de chaque drone est estimé entre 30.000 et 200.000 dollars.

Il ne fait aucun doute que les actes de sabotage et les attaques terroristes de l’Ukraine ne feront qu’augmenter

Alexander Khinstein, membre de la Douma

Certains experts penchent pour l’utilisation de drones Raybird-3, d’environ 3 m d’envergure et pouvant transporter une charge utile allant jusqu’à 5 kg sur une distance de 1000 kilomètres. En revanche, estime le spécialiste militaire Vladislav Chourygin, les drones qui ont attaqué Moscou auraient pu aussi être lancés d’une distance plus proche, depuis le territoire russe donc. Une version, non confirmée, qui s’appuie notamment sur l’utilisation par les Russes de systèmes Pantsir-S à courte portée, plutôt que de systèmes S-400 à longue portée.

Comme de coutume, Kiev n’a pas revendiqué ce raid qui intervient alors que les attaques, raids de drones, sabotages et incursions en territoire russe, dernièrement à Belgorod, se sont multipliés ces dernières semaines. «Peut-être que tous les drones ne sont pas prêts à attaquer l’Ukraine et qu’ils veulent retourner à leurs créateurs», a ironisé Mykhaylo Podolyak, conseiller du président Zelensky. Mardi, l’armée de l’air ukrainienne a déclaré avoir abattu 29 drones explosifs de fabrication iranienne sur 31 lancés, «presque tout près de la capitale et dans le ciel de Kiev».

«Situation d’incertitude»

Le raid sur Moscou fait quant à lui partie d’une série d’opérations préparatoires à la contre-offensive planifiée par les forces ukrainiennes, soulignait mardi le Financial Times. «L’objectif est de tromper l’ennemi, de créer une situation d’incertitude pour lui, de le forcer à disperser ses ressources ou d’influencer sa façon de penser et ainsi de “façonner” le champ de bataille avant une offensive majeure», a expliqué le FT.

«L’Ukraine poursuivra ce type d’opérations en les combinant avec des attaques ciblées visant à saper les capacités militaires de la Russie», envisage le quotidien britannique. «Il ne fait aucun doute que les actes de sabotage et les attaques terroristes de l’Ukraine ne feront qu’augmenter», a d’ailleurs mardi concédé le député Alexander Khinstein, l’une des voix de la Douma les plus loyales au Kremlin. «Les mesures de défense et de sécurité doivent être considérablement renforcées, notamment en ce qui concerne la lutte contre les drones», a-t-il ajouté.

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Nombre de réactions officielles s’efforçaient visiblement de rassurer la population en soulignant que les drones dénombrés avaient été abattus. «C’est formidable. Mais cela ne doit rassurer personne. Ne sous-estimez pas l’ennemi!», a averti Alexander Khinstein.