France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Assurance : les chauffards passent à la caisse

Assurance : les chauffards passent à la caisse
Philippe Rouxel est courtier en assurance. Il constate une forte augmentation des conduites à risques.

Photo Renaud Joubert

Par Henry GIRARD - h.girard@charentelibre.fr, publié le 5 décembre 2022 à 19h17, modifié à19h19.

En Charente, les automobilistes résiliés par leur compagnie d’assurance sont de plus en plus nombreux Conducteurs à risque, ils ont deux options : payer très cher ou enfreindre la loi.

Cylia reconnaît que cette fois, « ça a été compliqué de faire passer la pilule à une assurance voiture ». Depuis qu’elle a le permis, elle cumule les tares de ce qui fait la définition d’un chauffard. Accrochages sur accrochages, petits sinistres à répétition, toujours de sa responsabilité, et excès de vitesse ont fini par réduire son papier rose à peau de chagrin. Jusqu’à la goutte de trop quand, début novembre, la Ruelloise de 23 ans se fait contrôler par la police, alcoolisée au volant. « C’était juste pour un verre. Je me suis pris 135 euros, ça va. » Son taux d’alcool n’excède pas 0,8 g/l dans le sang...

Cylia reconnaît que cette fois, « ça a été compliqué de faire passer la pilule à une assurance voiture ». Depuis qu’elle a le permis, elle cumule les tares de ce qui fait la définition d’un chauffard. Accrochages sur accrochages, petits sinistres à répétition, toujours de sa responsabilité, et excès de vitesse ont fini par réduire son papier rose à peau de chagrin. Jusqu’à la goutte de trop quand, début novembre, la Ruelloise de 23 ans se fait contrôler par la police, alcoolisée au volant. « C’était juste pour un verre. Je me suis pris 135 euros, ça va. » Son taux d’alcool n’excède pas 0,8 g/l dans le sang mais « c’est une bonne leçon », confesse-t-elle. « Maintenant je vais faire attention, d’autant que ce sont mes parents qui m’ont payé le permis de conduire. »

Délestée de six points, conductrice jugée à risque, Cylia fait face au refus de sa compagnie de prolonger son contrat, là voilà résiliée. Aujourd’hui, pour afficher une vignette verte sur son pare-brise, elle doit payer 350 euros par mois, auprès d’un assureur qui a bien voulu d’elle et de ses écarts : « C’est la galère. J’ai dû demander à mes parents de m’aider financièrement mais je n’ai pas le choix, il faut bien que j’aille travailler. »

Un classique au tribunal

« Bien sûr, les assurances peuvent ne pas vouloir de ces conducteurs qui sont un calvaire, estime Philippe Rouxel. Mais ces derniers ne doivent pas être exclus. » À Ruelle-sur-Touvre, Philippe Rouxel a installé chez lui son cabinet de courtier en assurance en ligne, Ocadia, spécialisé dans les résiliés, les malussés, les multi-sinistrés, les mal-aimés en somme de l’assurance. De son aveu, « ils sont de plus en plus nombreux en Charente et il devient d’ailleurs de plus en plus difficile de leur trouver une solution ».

Pas une semaine ne se passe au tribunal d’Angoulême sans qu’un automobiliste soit jugé pour défaut d’assurance. Avec, à chaque fois, la litanie des délits de la justice du quotidien : alcool et/ou stup, défaut de contrôle technique, et, dans le pire des cas, accident en bout de route. Avec ou sans victime. Rouler sans permis ou sans assurance, c’est d’ailleurs l’un des principaux motifs de refus d’obtempérer et de délits de fuite.

Côté chiffres, difficile de se faire une idée précise de l’ampleur du phénomène. 800 000, c’est le nombre qui circule parmi les professionnels du secteur. Ce serait l’ensemble des conducteurs qui auraient roulé sans assurance en France en 2020. Ils étaient a priori 700 000 avant le confinement. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) dresse cependant un rapport annuel qui en dit long sur ce fléau : « Le nombre d’accidents causés par des non-assurés ou des inconnus en délit de fuite augmente de façon constante pour atteindre 30 000 cas par an. » Ce sont en majorité des hommes (80 %), jeunes (60 % ont moins de 35 ans) et 60 % déclarent percevoir des revenus modestes.

Rouler sans assurance, risque maximal

« En théorie, poursuit Philippe Rouxel, un conducteur qui ne trouve pas de solution d’assurance peut saisir le Bureau central de tarification (BCT). » La vocation de l’organisme est de faire respecter « l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile ». « Le conducteur paiera cher mais il sera assuré », indique-t-il. Sur le papier, le volume total des décisions rendues par le BCT ne cesse de baisser alors même qu’il était déjà très réduit : de 690 en 2013, il est passé à 205 en 2020. « Certains auraient renoncé à s’assurer », analyse le FGAO, coincés dans un quotidien précaire et la vie toujours plus chère. « L’idée m’a traversé l’esprit, avoue Cylia. Cela m’est d’ailleurs arrivé une journée en réalité mais j’ai eu une trouille bleue de croiser la police, alors j’ai vite arrêté. » De fait, le risque est maximal : zéro indemnisation en cas de sinistre, payer à vie s’il y a une victime. « Il ne se passe pas une semaine sans qu’on ait un dossier avec un adversaire non assuré », indique la responsable d’une agence angoumoisine.

J’ai eu une trouille bleue de croiser la police, alors j’ai vite arrêté [de conduire sans assurance].

Mais, comme Cylia, la majorité des chauffards délaissent le BCT au profit des offres « risques aggravés » des assurances spécialisées portées en grande majorité par le courtage, rare en Charente. C’est le cas, entre autres, avec SOS Malus, site d’assureurs en ligne. 600 euros en moyenne pour assurer votre conduite au tiers avec assistance et bris de glace. « Il faut comprendre que les tarifs sont modulés en fonction du risque, explique Philippe Rouxel. Le coût change selon les profils. Mon rôle est de faire valoir le profil de mon client au sein de mon réseau afin de lui garantir le moins de frais possible. Même si au bout du compte il faudra passer à la caisse. »

Les conducteurs sont de plus ne plus jeunes et les risques avec l’alcool et les stupéfiants sont de plus en plus importants.

Pour les automobilistes, les contrats souscrits agissent comme un purgatoire. « Quand ils en viennent à payer de telles sommes mensuelles, les conducteurs lèvent le pied sur les excès, observe le courtier. Le problème est que c’est de plus en plus fréquent. Si bien que l’on ne trouve aucun assureur parfois qui veuille prendre le risque de s’engager. Il y a encore 10 ans, on pouvait assurer tout le monde. Aujourd’hui, les compagnies sont plus frileuses : les conducteurs sont de plus en plus jeunes et les risques avec l’alcool et les stupéfiants de plus en plus importants. »

Non assurés : 1 accident sur 10

Dans son rapport 2022, le Fonds de garantie des assurances obligatoires FGAO) fait part de ses craintes d’un « rebond de l’accidentologie routière liée au défaut d’assurance dans un contexte économique tendu ». Plus de 4 600 victimes corporelles ont déjà été prises en charge par le FGAO au premier semestre 2022. Depuis 2016, ce coût pour la collectivité progresse de 16,6 % dont près de 24 % pour l’indemnisation des dommages corporels des victimes. En fait, la non-assurance est un délit et, en cas de contrôle, on risque 3 750 euros d’amende, une suspension de permis jusqu’à trois ans. Le FGAO a versé 92 M€ l’an dernier pour indemniser les victimes.