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Attractivité : avec une électricité verte et peu coûteuse, « nous recevons beaucoup de demandes » (Montréal International)

La Tribune - Vous êtes directeur du développement des affaires du marché européen pour Montréal International et votre agence d'attractivité, qui regroupe 82 municipalités, a déjà rebondi en 2021 avec un niveau record de 3,7 milliards de dollars canadiens d'investissements étrangers enregistrés (pour 100 projets et 100.000 emplois créés). La France, et notamment la région Auvergne Rhône-Alpes, occupent d'ailleurs l'une des principales régions, dont restent issus ces investissements étrangers ?

Cyrille Marcant - La France est un pays important pour nous puisqu'elle représente 30% des investissements étrangers et qu'elle demeure le 2e pays investisseur au Québec (soit 365 filiales 50.000 emplois au sein du Grand Montréal). Il existe aussi beaucoup de liens économiques et politiques.

Depuis 2019, Montréal International a tout de même accompagné 81 projets d'investissements directs étrangers en provenance de la France sur cette période, soit une valeur totale qui s'élève à 2,750 milliards de dollars canadiens (soit 1,9 milliards d'euros), avec une création d'emplois projetée à 9.025 postes sur un horizon de trois ans.

Nous comptons en effet 35 filiales d'Auvergne Rhône-Alpes (Michelin, Cegid, Boiron, Biomérieux, Esker, Addevmaterials, etc) présentes sur le territoire de Montréal, avec la volonté de sortir des prospects issus de la capitale, pour aller justement chercher des contacts au sein des Régions, qui détiennent de plus en plus de compétences en matière d'économie.

Sur les questions de recrutement des talents, mais aussi d'une répartition territoriale des projets d'investisseurs étrangers accueillis, ou encore d'une meilleure prise en compte de critères ESG lors des implantations... vos enjeux croisent finalement ceux de l'agence d'attractivité de Lyon (l'Aderly), qui défendait il y a quelques semaines sa nouvelle feuille de route, et dépassent clairement les frontières de l'Atlantique ?

Nous sommes issus de deux régions finalement assez similaires, lorsqu'on regarde à la fois la taille, l'image, et la nature de nos tissus industriels très diversifiés. Nos deux agences de développement économique présentent aussi de fortes identités...

Nous faisons face aux mêmes types d'enjeux que Lyon, et nous tendons, nous aussi, à devoir mesurer désormais l'impact de nos investissements, afin d'aller chercher en priorité ceux qui vont amener de la valeur sur le territoire.

Nous regardons par exemple déjà certains paramètres comme le niveau de salaire annuel moyen créé par ces nouveaux emplois (qui est passé entre 2020 et 2021 de 82.000 à 86.000 dollars canadiens, ndlr), qui est un bon indicateur de la richesse générée à l'échelle du territoire. La prochaine étape sera de continuer à mieux mesurer la qualité de ces investissements.

Votre axe de travail est devenu aussi, comme à Lyon, de répartir ces investissements étrangers à l'échelle de l'ère métropolitaine, et non plus uniquement de la ville-centre ?

Notre rôle est en effet de créer de nouveaux investissements sur le territoire, en allant donc chercher des investisseurs étrangers et en leur présentant Montréal à la fois comme une terre d'investissement, et une porte d'entrée pour le marché nord-américain.

Une fois que les investissements sont là, tout l'enjeu de travailler à mieux les répartir à l'échelle de nos 82 municipalités, et plus uniquement sur le centre-ville.

Avec votre homologue lyonnais l'Aderly, une partie des échanges ont porté sur le fait de vouloir tous deux développer des modèles sur un développe qui passe par le "qualitatif". Il existe chez vous aussi désormais un enjeu de soutenabilité, en refusant par exemple de nouveaux projets d'investissements jugés moins « vertueux » au sein de certains secteurs ?

La stratégie de la Ville de Montréal est effectivement d'aller rechercher des investissements à impact. Nous allons donc avoir tendance à accompagner désormais des entreprises qui ont un impact positif, en termes d'indicateurs, et à délaisser de facto d'autres secteurs.

L'objectif que nous nous sommes fixés est d'atteindre d'ici l'an prochain les 35% d'entreprises à impact positif, et que ceux-ci soient mesurables, par le biais de certifications déjà établies.

Nous pourrions donc en réalité aller au-delà, notamment lorsque certains projets répondent à ces critères de base, mais n'ont pas fait le travail d'aller se faire certifier auprès de différents organismes et normes existantes.

En France, peut se poser la question de l'impact carbone avec le fait de recevoir des investissements lointains, issus du grand export. Est-ce également un enjeu pour vous ?

Au contraire, dans le sens où notre objectif reste bien d'amener des investissements étrangers pour développer le marché nord-américain. Souvent, c'est d'ailleurs le moyen pour ces entreprises de produire au plus proche du marché, avec finalement un impact environnemental positif et en ligne de mire, les marchés à la fois québécois, canadien, mais aussi nord-américain.

Cela pose aussi la question de la souveraineté d'investissements provenant d'acteurs asiatiques, dans des secteurs stratégiques comme la microélectronique ou les batteries : comment Montréal International fait-il face à ces enjeux ?

Une grande partie de ce travail est discutée au niveau des blocs régionaux. L'idée étant par exemple, pour la filière batteries, de faire jouer une logique de bloc nord-américain, et de travailler avec nos voisins pour bâtir une filière complète, allant des ressources à la cellule, afin de développer un aspect durable, qui mise sur des critères environnementaux.

Nous avons par exemple des mines situées au nord du Québec, un procédé de transformation qui peut-être ensuite opéré à Trois-Rivières, tandis que l'assemblage est visé sur la région métropolitaine, au plus proche des bassins d'emploi.

C'est aussi sur ce point que le développement d'un outil de méthodologie devient important, afin de mieux en mesurer les impacts globaux d'un projet.

Bien entendu, nous souhaitons aussi viser un rapprochement avec les acteurs européens à ces sujets, qu'il s'agisse du secteur de la batterie, de la microélectronique ou du quantique, qui sont des enjeux majeurs pour le Québec.

Le Québec mise beaucoup sur ses ressources naturelles, c'est aujourd'hui un atout devenu même "ultra compétitif" pour attirer de nouveaux projets industriels à s'implanter, face à la flambée des prix de l'énergie en Europe ?

Effectivement, nous recevons beaucoup de demandes par rapport à nos capacités électriques qui sont 100 % renouvelables et vertes, puisqu'elles sont issues de nos barrages hydroélectriques au Québec.

Il faut dire que le prix du kilowattheure (KwH) est en effet très bon marché puisqu'il est de 3 à 5 cents du KwH. La pression est très forte, par rapport aux grands consommateurs, que sont les industriels ou les centres de données qui utilisent énormément d'énergie. Nous avions aujourd'hui bien plus de demandes que nous n'avons de capacités.

Et face l'électrification des transports qui devrait venir ajouter une pression supplémentaire, nous privilégions donc aujourd'hui les projets qui ont le meilleur impact pour le développement économique et le développement environnemental.

C'est pourquoi notre nouveau gouvernement provincial a établi, au sein de sa feuille de route, l'idée de lier ces deux éléments, afin d'utiliser au mieux ces ressources (chaque nouvelle demande d'implantation gourmande en énergie remonte désormais directement à un comité où siège le Premier Ministre du Québec, ndlr).

Le sujet de la dépollution fait également débat, en France comme au Québec, pour libérer du foncier : c'est un enjeu aussi pour vous à Montréal, mais aussi encore un levier à activer pour bâtir de nouvelles réserves foncières ?

Nous avons, à ce sujet, des aides et une stratégie provenant deux deux niveaux de l'Etat (fédéral et provincial), avec près de 50 millions de pieds carrés qui sont aujourd'hui utilisables sur l'Ile de Montréal, et dont la moitié sont contaminés. Il s'agit d'un gros enjeu financier, pour lequel l'objectif est ensuite de trouver les bons projets qui vont permettre de lancer des décontaminations qui prendront ensuite 2 à 3 ans à se mettre en place.

Notre cible est essentiellement composée des secteurs qui font aujourd'hui l'économie de Montréal, comme l'agroindustrie, l'aéronautique et aérospatiale, les sciences de la vie....

Un petit mot sur le post-pandémie : la grande région de Montréal a finalement bien rebondi durant la crise sanitaire sur le plan des investissements étrangers, avec ce niveau d'investissements record de 3,7 milliards de dollars canadiens enregistré en 2021. A quoi vous attendez-vous pour la fin 2022 ?

Nous avons effectivement connu une chute, de l'ordre de -30 % en 2020, mais nous avons bien résisté globalement, justement car nous nous trouvons dans des secteurs très variés. Et aujourd'hui, on voit que nos secteurs redémarrent, et notamment le spatial, la cybersécurité, les jeux vidéos ou les sciences de la vie.

Nous voyons que nous nous dirigeons aussi vers une réorganisation des pôles de production au plus près de leurs marchés, comme cela va être le cas avec un site de production de Moderna, que nous allons accueillir à Montréal.

(La commune de Laval a été préférée à six autres provinces canadiennes pour l'implantation d'une nouvelle usine du groupe d'ici à 2024, pour laquelle une enveloppe de subventions de 25 millions de dollars canadiens a été mise sur la table, principalement par le gouvernement du Québec, ndlr).

Concernant les projets français, voyez-vous arriver de nouveaux types de projets sur l'année à venir ?

Depuis 2018, nous avons accompagné une centaine de projets d'investissements français, ce qui représente 2,7 milliards de dollars d'investissements.

Nous allons probablement poursuivre sur le même rythme, avec un bassin d'entreprises françaises déjà très présent et dont la stratégie reste d'investir, à partir de Montréal, vers le marché nord-américain.

Vous avez aussi mis en place une plateforme d'emploi Talent Montréal, destinée à répondre aux tensions de recrutement présents sur votre bassin (où règne un taux de chômage à 5%, ndlr). Son principe, c'est d'aller chercher des talents à l'étranger (principalement en France, dans les pays du Magreb, ainsi qu'au Brésil notamment), et de faciliter en même temps leurs démarches administratives ?

On parle en effet aujourd'hui de 100.000 candidats qui se sont inscrits sur la plateforme Talent Montréal. Il s'agit d'un service d'orientation tout inclus, allant de la mise en relation à la sélection d'un candidat, comprenant toute une partie d'aide aux démarches administratives (permis de travail temporaire, etc).

Ce site est ouvert à tous les employeurs québécois qui cherchent à recruter, et sert aussi de base à des missions de recrutement, comme celle que nous allons mener à Paris, début décembre. Près de 50 employeurs de Montréal feront le déplacement. Notre objectif, c'est ainsi de parvenir à accompagner près de 2.000 nouveaux emplois créés en 2022 grâce à la mobilité internationale.