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Au Musée de Cluny, « un panorama » de l’art toulousain au XIVe siècle

Visage large, pommettes prononcées, chevelure aux boucles exubérantes, déhanché gracieux de la silhouette : les statues sorties de l’atelier du « Maître de Rieux » charment par leur langueur mais aussi le réalisme de leurs détails. «Voyez l’extraordinaire fourreau de l’épée que tient saint Paul, avec ses lanières de cuir entrelacées », conseille Béatrice de Chancel-Bardelot, commissaire, avec Charlotte Riou, de l’exposition organisée conjointement par le Musée des Augustins de Toulouse et le Musée de Cluny à Paris.

Emblématiques du style toulousain – d’un des styles toulousains, serait-il plus exact de dire –, les créations du Maître de Rieux (du nom de la chapelle commandée à ce sculpteur par l’évêque du lieu, Jean Tissendier) séduisent par leur douceur mystérieuse. Taillées dans le calcaire de Belbèze – «sans doute plus facile à travailler que celui d’Île-de-France», précise la commissaire –, elles laissent apparaître des traces de polychromie. En s’approchant, le visiteur se perd dans les plis des drapés souples et virtuoses de la Vierge à l’enfant, trésor de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Sède à Tarbes (Hautes-Pyrénées).

De multiples supports

Installée dans le frigidarium du Musée de Cluny, l’exposition se veut « un panorama » de l’art toulousain au XIVe siècle, alors que la ville et sa région, rattachées au royaume de France depuis 1271, connaissent une forme d’apogée.

Ordres religieux, riches marchands, capitouls chargés d’administrer la cité, sans oublier les professeurs et disciples de l’université : Toulouse rayonne spirituellement, temporellement et intellectuellement.

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Cette vitalité s’exprime sur de multiples « supports », de l’orfèvrerie à la peinture et de la verrerie à l’enluminure. De merveilleux volumes sont présentés, telle cette Vida de sancta Margarita (sainte Marguerite), protectrice des femmes sur le point d’accoucher : à la droite de son corps décapité, son bourreau tout de bleu ciel vêtu ; à sa gauche, un diable griffu ; au-dessus de la martyre, son âme emportée au ciel par deux anges.

Parchemin et papier

Si la plupart usent du parchemin, magnifiant les couleurs vives et les ors brunis des enluminures toulousaines, Béatrice de Chancel-Bardelot attire l’attention sur un immense registre de comptes capitulaires (1343) dont les pages sont en… papier. « Un matériau alors récemment importé d’Italie. Toulouse se montre donc à la pointe du progrès, et on peut légitimement supposer que la ville s’était dotée de plusieurs moulins à papier. »

Ange reliquaire aux ailes déployées (et amovibles) prêté par le Louvre, imposante croix de cristal de roche issue du trésor d’Albi, panneau de la Crucifixion peint sur bois venu de Pampelune en Espagne… Outre les pièces toulousaines, l’exposition bénéficie de nombreux prêts.

Elle brosse ainsi un portrait de la ville entre 1300 et 1400. Un portrait esthétique, comme en témoigne la sublime Tête d’une vierge (encore le Maître de Rieux !) mélancoliquement inclinée, autant qu’un portrait social et politique. Dont les influences ont traversé les siècles. «Je me plais à voir dans le maillot rouge et noir des joueurs du Stade toulousain un hommage au costume, lui aussi rouge et noir, des capitouls d’antan », sourit Béatrice de Chancel-Bardelot, devant un manuscrit représentant les édiles réunis en conseil.