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Au Pérou, le président Pedro Castillo dans la ligne de mire du Parlement qui le menace de destitution

Mercredi, le président de gauche Pedro Castillo joue sa tête. Le Parlement péruvien, dominé par l’opposition de droite, a approuvé jeudi le débat d’une nouvelle motion visant à le destituer pour «incapacité morale». Pedro Castillo pourra se défendre devant la représentation nationale. C’est la troisième tentative pour déloger du pouvoir l’ancien instituteur syndicaliste depuis sa prise de fonction en juillet 2021. La précédente remonte au mois de mars. Si celle-ci est adoptée, une présidentielle anticipée devrait avoir lieu. Mais il faudra pour cela une majorité qualifiée de 87 voix sur 130, et non une majorité simple de 66 voix.

Au mois d’octobre, le président Castillo avait dénoncé «un coup d’Etat parlementaire» et appelé à l’intervention de l’Organisation des Etats américains (OEA), tandis que le chef du Parlement, José Williams, l’accusait de vouloir dissoudre l’Assemblée. Peu avant que le débat sur la nouvelle motion ne soit annoncé, depuis Washington, le groupe de l’OEA chargé d’évaluer la crise péruvienne recommandait «une trêve politique» avant un «dialogue formel» visant à trouver une solution à la lutte acharnée entre l’exécutif et le législatif.

Depuis plusieurs jours, des rumeurs prêtent à Pedro Castillo l’intention de fermer le Congrès en s’appuyant sur l’armée, afin d’empêcher le débat sur sa destitution. La démission surprise du ministre de la Défense, Daniel Barragán, samedi, a renforcé aux yeux de certains analystes cette hypothèse : son départ serait motivé par un refus de négocier avec les militaires un soutien au supposé coup de force. Le chef de l’Etat a démenti ce scénario dimanche dans une série de tweets : «Je nie fermement que mon gouvernement manigance une fermeture du Congrès pour éviter une destitution», proclame le Président.

En un momento difícil para el país, con una crisis por la quinta ola de la pandemia, ratifico mi compromiso con la democracia, el Estado de derecho y la Constitución, y rechazo rotundamente que mi gobierno esté tramando un cierre del Congreso para evitar una vacancia. (1/2)

— Pedro Castillo Terrones (@PedroCastilloTe) December 3, 2022

Lors de la précédente motion, en mars, l’opposition formulait deux griefs contre le Président. D’abord, d’être intervenu dans une affaire de corruption opérée par son entourage ; ensuite, de s’être déclaré ouvert à un référendum au sujet d’un débouché de la Bolivie sur l’océan Pacifique. Il s’agissait alors de la sixième motion de destitution du Parlement péruvien pour «incapacité morale permanente» contre un président en exercice depuis 2017. Deux d’entre elles ont débouché sur le départ anticipé des présidents Pedro Pablo Kuczynski (droite), en 2018, puis Martin Vizcarra (centre), en 2020.

Les «bonnes œuvres» d’Hitler

Un autre reproche récurrent contre le président actuel est l’instabilité de ses gouvernements successifs. Le 25 novembre, il a nommé son cinquième Premier ministre en seize mois, un record dans un pays pourtant habitué aux cabinets éphémères. La ministre de la Culture, Bettsy Chavez, 33 ans, a remplacé Aníbal Torres, avocat de 77 ans, démissionnaire après que le Parlement lui a refusé un vote de confiance. Torres n’avait pourtant pas été inquiété, peu après sa nomination, quand il avait confirmé des propos prononcés dans le passé, où il jugeait que Hitler, tout comme Mussolini, avait aussi «fait de bonnes œuvres» : dans les domaines de l’emploi, des autoroutes, tout ça. «Les régimes de mort et de terreur ne peuvent pas être un signe de progrès», avait protesté l’ambassade d’Israël. L’ambassade d’Allemagne avait aussi levé la voix. Mais cette vision particulière de l’histoire avait bien plus choqué à l’étranger qu’au Pérou.

La nouvelle cheffe du gouvernement, issue de Perú Libre, la formation marxiste-léniniste qui avait présenté la candidature de Pedro Castillo à la présidence, a trente jours pour se soumettre à un vote de confiance du Parlement, étape obligée pour qu’elle prenne officiellement ses fonctions. La partie n’est pas gagnée d’avance. En avril, ce même Parlement l’avait destituée de sa fonction de ministre du Travail. Motifs : «incapacité de gestion et négligence». Elle avait en effet soutenu une grève des contrôleurs aériens en pleins congés de Pâques.

Corruption présumée

Si la confiance est refusée à Bettsy Chávez, le Président (s’il n’a pas été démis de ses fonctions entre-temps) aura la possibilité de dissoudre le Parlement et de convoquer de nouvelles législatives. Mais il est peu probable qu’il prenne ce risque. Son taux de popularité, bien qu’en légère hausse, reste bas, 31% d’opinions favorables en novembre. De son côté, le Parlement n’est approuvé que par 10% des sondés.

Pedro Castillo, au pouvoir depuis juillet 2021, a déjà fait l’objet de six enquêtes pour soupçons de corruption, dont sont également accusés sa famille et son entourage politique. Lui dénonce une campagne menée par le Congrès. L’une des manifestations de l’hostilité des parlementaires envers lui est le refus de le laisser sortir du pays pour des rencontres internationales. Ces derniers mois, il n’a pas été autorisé à se rendre en Colombie pour la prestation de serment de Gustavo Petro, au Vatican pour rencontrer le pape, en Thaïlande pour le sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique ou encore, fin novembre, au Mexique pour une réunion de l’Alliance du Pacifique. Celle-ci a été annulée et reprogrammée le 14 décembre à Lima.