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Au temps de l’apartheid, l’Afrique du Sud sous le joug des Blancs

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SOUTH AFRICA. 1960s. Africans throng Johannesburg station platform during late afternoon rush hour. Train accelerates with its load of clinging passengers. They ride like this through rain and cold, some for the entire journey. Inside, hands cling to a suitcase.
Ernest Cole/Magnum Photos
Par Claire Guillot

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FactuelEn 1966, le photojournaliste noir Ernest Cole fuyait son pays en emportant avec lui des clichés témoignant de l’horreur d’un régime où le racisme fait loi. Rassemblées dans le livre « House of Bondage », qui vient d’être réédité, ses images racontent l’asservissement au quotidien d’êtres humains.

C’est un livre plein de rage et d’amertume qu’a publié Ernest Cole en 1967 sous le titre House of Bondage (« maison de servitude »). Reconnu comme le premier ouvrage de photos antiapartheid, il décrit de l’intérieur, avec des images implacables et des mots tranchants, les ravages de ce système de « développement séparé » instauré en Afrique du Sud à partir de 1948.

Pour les avoir vécus dans sa chair, le photographe noir peut dire toute l’humiliation et l’impuissance de ceux qui ont subi ce système de racisme institutionnalisé, érigé au profit d’une minorité blanche jusqu’à sa fin, en 1991. « C’est une expérience extraordinaire que de vivre comme si la vie était une punition infligée parce que vous êtes noir, écrit-il dans le livre. Pas un jour ne passe sans un rappel de votre culpabilité, sans un reproche de votre condition et sans le risque de problèmes pour avoir transgressé des lois uniquement conçues pour votre répression. »

Meurtri dès l’enfance

L’ouvrage vient d’être réédité par les éditions Aperture, avec des textes supplémentaires qui viennent enrichir ceux du photographe. Toute sa vie, celui-ci a lutté contre ce système d’oppression qui l’a meurtri dès l’enfance : expulsé avec sa famille de la maison dont elle était propriétaire par le gouvernement, il a aussi été privé d’études à cause du Bantu Education Act, qui imposait aux Noirs une éducation au rabais, tout juste bonne à les préparer aux métiers jugés inférieurs auxquels les Blancs les destinaient.

Cole le révolté, espionné et harcelé par les autorités, a fait sortir clandestinement ses images du pays pour publier son livre à l’étranger et a fui le pays en 1966, à l’âge de 26 ans, sous prétexte d’un pèlerinage à Lourdes. Une audace qu’il a payée cher : exilé aux Etats-Unis, il a fini sa vie dans le dénuement. Il est mort d’un cancer à 49 ans, en 1990. Une partie de ses archives fait l’objet d’une dispute entre ses descendants et la Fondation Hasselblad, en Suède, qui en a hérité.

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L’ouvrage offre une plongée âpre dans un régime dont la violence infiltre tous les détails de la vie quotidienne. Le photographe est allé partout : dans les écoles bantu (pour Noirs), bondées et sous-­équipées, où les enfants n’ont le droit qu’à un enseignement basique. Dans les mines d’or, fierté du pays qui extrait 70 % du métal à l’échelle mondiale et où survivent dans des conditions misérables des mineurs, tous noirs, traités comme du bétail par les contremaîtres blancs. Dans les trains où s’entassent chaque matin et chaque soir des dizaines de milliers de personnes pour un aller-retour exténuant : les Noirs doivent habiter dans des zones à l’écart des centres urbains, réservés aux Blancs, alors même qu’ils y travaillent. Dans la rue, où les policiers vérifient en permanence le pass, outil de surveillance et de répression devenu un symbole de l’apartheid. Ce petit cahier, obligatoire pour un Noir, indique son origine, son lieu de résidence (imposé) et son emploi. Il dicte les lieux (domicile et travail) où il est autorisé à se rendre. En cas d’infraction, c’est l’arrestation, l’amende, les coups de fouet, la prison.

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