France
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Aubergine fumée, raviolis de cèpes, sorbet au yuzu… Barcelone à la sauce végétale

Ah la gastronomie espagnole… A peine on l’évoque au détour d’une conversation qu’on vous en fait tout un fromage. Avec ses pinchos garantis 100% gluten, ses croquetas (autrement dit, croquettes) et enfilades de jambon ibérique ou de manchego, arrosés de sangria, elle serait la mère patrie du gras bien huileux – jusque dans ses desserts, les churros ou bunuelos (beignets en français) par exemple. Mais c’est oublier que l’Espagne est devenue un territoire d’expérimentation culinaire depuis une vingtaine d’années, y compris pour ses tapas, avec désormais plus de 250 restaurants étoilés répartis dans toutes les communautés autonomes, qui surcompensent les déboires de la cuisine moléculaire catalane.

Sa cuisine est traversée des mêmes tendances durables, slow, véganes, healthy et j’en passe, qu’au nord des Pyrénées. Et notre dernière escapade barcelonaise, fin février, nous l’a encore démontré avec moult convictions tant l’offre est abondante, à toutes les sauces et pour toutes les bourses. On se souvient d’ailleurs avoir fait ce constat bien avant la pandémie lors d’une précédente virée. A cette époque, deux adresses, la Violeta, bar à vin naturel chantre d’une cuisine «simple, honnête et de saison» selon Time out, situé en face du marché de la Barceloneta et el Sortidor, table plus traditionnelle au décor moderniste dans son jus 1900, mais non moins généreuse, sur la place du même nom dans le quartier de Poble sec, avaient retenu notre attention pour la qualité de leurs assiettes et de leurs cartes des vins.

Demandant conseil à des locaux cette fois-ci, on a donc opté pour un parcours téléguidé dans la capitale catalane, une déambulation culinaire au gré d’une dizaine de recommandations. Avec cette ligne de conduite et une réservation au préalable en ligne : ne choisir que des restaurants où le bien manger (entendez durable et au maximum locavore, mais aussi riche en propositions végétariennes ou végétaliennes) rencontre la cuisine catalane. Ce qui nous a d’abord conduits dans le paisible quartier de Gracia, place Narcís Oller, aux portes en bois de Santa Gula.

A la carte (évolutive de quinzaine en quinzaine) de ce bistrot décontracté et familial, ouvert en 2012 par le chef uruguayen Martín Marchese (aussi cogérant de trois autres établissements qui en sont des déclinaisons : Gula Bar, Can Gula et Garden pizza), des incontournables du grignotage ibérique comme les patatas bravas maison (6,50 € la portion) mais aussi des mets méditerranéens nuancés, servis à la ration et à partager, comme une aubergine fumée et laquée garnie de feta ou des raviolis de cèpes et gambas au suquet (sorte de ragoût ou de soupe du pauvre catalane) de parmesan. Point fort : des desserts gourmands, à l’instar d’un succulent (bien) coulant de pistache fait sur le moment ou d’un flan au jaune d’œuf et dulce de leche, typiquement espagnol, point trop sucré non plus. Point faible : des rations qui laissent parfois un peu sur sa faim vu leur prix et qui manquent pour certains plats de caractère.

Part belle au végétal et «kilomètre zéro»

Pour un peu plus d’élaboration, direction le nord du Raval, à l’ouest de la place de Catalogne, et à deux pas des Ramblas, où s’est implantée en 2011 la cheffe et entrepreneuse Teresa Carles, pionnière de la cuisine végétarienne. Dans son restaurant homonyme, réplique d’un premier établissement nommé Paradis, ouvert à Lérida en 1979 et aujourd’hui maillon d’un empire flexitarien – une demi-douzaine de tables entre Barcelone et Madrid, une boutique en ligne de ses produits et un centre de R&D de protéines alternatives à destination de la grande distribution –, on retrouve un condensé de la proposition gastronomique. La restauratrice développe depuis quarante ans une cuisine méditerranéenne où le végétal occupe une place centrale dans l’assiette, qui revendique le «kilomètre zéro» (soit une priorisation d’ingrédients locaux) et fait la part belle aux aliments dits bons pour la santé.

Et ce n’est pas usurpé. On a apprécié, dans un décor épuré, la palette d’arômes de ses kombuchas – le «blue mojito» à la menthe, spiruline et yuzu, entre autres – et de ses jus pressés à froid, dont la cheffe catalane s’est fait une spécialité depuis cinq ans ; et des plats assez peu onéreux (moins de 14 euros pour les plus chers). Nos choix, des croquettes de champignons et des nuggets végétaux à picorer avec leur mayonnaise légère maison, puis un pad thaï au poulet végétal assorti de shiitake, de radis blanc et de cacahuètes, se sont révélés goûtus et convaincants. Seul bémol : des rations qui laissent là encore sur sa faim et des desserts (un coulant au chocolat accompagné d’une glace au lait végétal, entre autres) moins subtils que ne le laissait présager le menu, précis sur les allergènes et assez inventif.

On retrouve ce souci d’inclusion dans la carte fusion de Gut, carrer del Perill, autre restaurant du quartier de Gracia, aussi tourné vers le locavorisme et le sans gluten – un sujet pris au sérieux en Espagne où l’on compterait presque un million de personnes cœliaques. Les propositions fusions mêlant les saveurs asiatiques et ibériques, très alléchantes sur le papier, sont en revanche inégales à la dégustation en raison d’excès de sel ce jour-là dans le wok de tofu au riz brun. On a adoré, dans une ambiance tamisée (romantique ?) à la bougie : le velouté du jour à la courge très équilibré et le tartare de maigre à la mangue servi avec un sorbet au yuzu à la présentation sur de la glace très originale. Les vins, naturels, véganes ou bios ? Plus que corrects. Une adresse fort recommandable, qui tient globalement sa promesse du «buen vivir» (bien vivre, en français).