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Aux Etats-Unis, les républicains instrumentalisent la tuerie de Nashville à des fins transphobes

Débattre du port d’armes à feu ? Pas question. Alors que le drame de Nashville s’ajoute à la longue liste des tueries qui ont marqué les Etats-Unis ces dernières années, de nombreuses figures de la droite républicaine réactionnaire n’ont qu’un sujet à la bouche : l’identité de genre du tireur, un homme trans de 28 ans. Les mêmes personnalités qui défendent avec ferveur le droit constitutionnel de porter une arme multiplient les déclarations transphobes. D’après leurs dires, rien ne sert d’interdire, comme le demande l’administration Biden, les fusils d’assaut impliqués dans les fusillades meurtrières à répétition aux Etats-Unis : ce sont les personnes trans qui devraient faire l’objet d’une régulation.

Lundi 27 mars dans la matinée, Aiden Hale s’est introduit dans une école primaire chrétienne de Nashville (Tennessee) armé de deux fusils d’assaut et d’un pistolet mais aussi de nombreuses autres munitions, selon la police. Il a tué trois élèves âgés de 9 ans et trois employés de l’établissement, dont la directrice, avant d’être abattu par les forces de l’ordre. Au cours d’une première conférence de presse, le chef de la police de Nashville, John Drake, a fait savoir que l’assaillant, un ancien élève de l’école, était une femme. Une donnée largement reprise dans la presse, du fait de sa rareté dans les tueries qui rythment la vie américaine, mais Aiden Hale était en réalité un homme trans, qui employait des pronoms masculins, d’après ses réseaux sociaux.

Dans la fachosphère, le mot «trans» fait clic : quelques heures suffisent à ce que des trolls transphobes déversent sur les réseaux sociaux d’innombrables messages haineux. Ces internautes anti-LGBT le répètent en boucle : Aiden Hale était un «terroriste trans». D’autres se félicitent même qu’une personne trans ait été abattue par des policiers, relayant la vidéo de l’intervention des forces de l’ordre dans l’école. «Soyons clairs. Ce n’est pas un pistolet qui a tué les enfants aujourd’hui à Nashville. C’est une personne trans», peut-on lire dans un tweet partagé par plusieurs centaines de personnes et aimé par des milliers d’autres.

Let’s be clear. A gun didn’t kill the children in Nashville today.

A trans person did.

— Amiri King (@AmiriKing) March 28, 2023

«La menace du trans-terrorisme antifa»

Le sujet n’est pas seulement resté entre les mains des trolls du web. «L’attaque terroriste du tireur de Nashville contre l’école chrétienne est la preuve qu’il y a ceux qui s’identifient comme trans ou LGBT qui croient qu’il est acceptable de “cancel” ou de commettre des violences contre ceux qui détiennent /enseignent les valeurs traditionnelles», écrit Tulsi Gabbard, ancienne élue de Hawaï à la Chambre des représentants, sur son compte Twitter. Comme elle, diverses personnalités de l’échiquier politique américain n’ont pas tardé à instrumentaliser le drame de Nashville dans le Tennessee, un Etat qui vient par ailleurs de voter une loi visant à restreindre les spectacles de drag-queens, pour pousser une idéologie transphobe.

A l’image de Kingsley Cortes, ex-conseillère sur la campagne présidentielle de Donald Trump en 2020 : «Si vous vous identifiez comme transgenre et /ou que vous suivez un traitement hormonal – vous ne devriez PAS être autorisé à acheter légalement une arme à feu», soutient la républicaine dans un tweet. Dans le même registre, Laura Loomer, activiste d’extrême droite et ex-candidate (éconduite) au Congrès, a qualifié la tuerie de Nashville d’attaque terroriste d’«inspiration LGBT».

La virulence de l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene a même conduit Twitter à suspendre son compte ce mardi, en raison d’un tweet violant les règles du réseau : «A la lumière d’un tireur transgenre ciblant une école chrétienne et assassinant des enfants, chaque Américain devrait connaître la menace du trans-terrorisme antifa.» Greene, qui appartient à la frange la plus dure de la droite américaine, a d’ailleurs un CV à l’image de ses propos : début mars, elle proposait une législation fédérale visant à rendre illégaux les soins d’affirmation de genre pour les jeunes trans.

Ces arguments LGBTphobes ont été démontés par de nombreux militants associatifs et experts. Dans un article du San Francisco Chronicle, la journaliste Katelyn Burns fait miroir à l’offensive des réactionnaires : «Si l’identité est un tel facteur de motivation dans ces fusillades, comme le disent maintenant de nombreux républicains, ne devrions-nous pas avoir une conversation sur les raisons pour lesquelles tant de conservateurs ont commis tant d’actes odieux au cours de la dernière décennie et demie ?»

La majorité des «tueurs de masse» sont des hommes cis

Donald Trump s’est lui aussi jeté sur l’occasion de défendre le lobby des armes à feu : «Compte tenu de l’incroyable augmentation du nombre de tireurs de masse trans et non binaires au cours des dernières années… de loin le plus grand groupe en pourcentage de la population… Peut-être que, plutôt que de parler d’armes à feu, nous devrions parler de fous bourrant la tête de nos enfants de conneries sur le genre ?» Des assertions fausses : l’immense majorité des tueries sont perpétrées par des hommes cisgenres. Selon The Violence Project, une base de données recensant toutes les tueries de masse depuis 1966, 98 % de ces attaques sont le fait d’hommes. Les chiffres du FBI vont dans le même sens : dans 83 % des fusillades de masse en 2020, le tireur était un homme, et 98 % en 2021.

En toile de fond, le débat sur le port d’armes à feu divise. Environ 400 millions d’armes à feu sont actuellement en circulation aux Etats-Unis, où elles ont causé en 2020 plus de 45 000 morts par suicide, accident ou homicide, selon les derniers chiffres des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC). Le président démocrate Joe Biden a de nouveau appelé à interdire les fusils d’assaut, option fermement rejetée par les républicains. Et stigmatiser les personnes trans est une tentative à peine voilée d’éviter toute remise en question du 2e amendement, quand bien même 129 autres tueries ont été recensées cette année. Une contradiction pointée par Kris Brown, président de l’ONG Brady : United Against Gun Violence, une association de lutte contre les violences par armes à feu créée en 1974 : «Malgré ce que l’industrie de l’armement et leurs alliés veulent, tenter de trouver un bouc émissaire n’effacera pas le fait que ce qui cause les violences par armes à feu en Amérique, c’est notre accès si simple à [celles-ci].»

When hundreds of white men commit mass shootings, it's a "societal problem," but when one trans person commits a mass shooting, it's a "trans problem,"

The actual problem is this that this country is unable to do anything at all to stop gun violence.

— Alejandra Caraballo (@Esqueer_) March 28, 2023

De nombreux militants LGBTQI + ont aussi fait entendre leur indignation, alors que le climat réactionnaire aux Etats-Unis fait peser une menace continuelle sur leurs droits et libertés. Alejandra Caraballo, activiste trans, résume bien la teneur du débat : «Quand des centaines d’hommes blancs commettent des fusillades de masse, c’est un “problème de société”, mais quand une personne trans commet une fusillade de masse, c’est un “problème trans”. Le vrai problème est que ce pays est incapable de faire quoi que ce soit pour arrêter la violence par armes à feu.»