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Bénédicte Savoy : « Restituer les œuvres d’art africaines, c’est réparer le passé »

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YANN LEGENDRE
Par Séverine Kodjo-Grandvaux

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EntretienL’historienne de l’art, coautrice du « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain », revient, dans un entretien au « Monde », sur le mouvement de restitution des objets captés pendant les colonisations, les résistances des musées et la nécessité d’écouter les intellectuels africains et la diaspora sur le sujet.

Coautrice, avec l’économiste sénégalais Felwine Sarr, du « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain », rendu au président Macron fin 2018, l’historienne de l’art Bénédicte Savoy revient avec Le Long Combat de l’Afrique pour son art (Seuil, 304 pages, 23 euros). Une enquête fouillée sur les premières demandes africaines de restitution et le débat qui s’en est suivi au niveau mondial entre 1965 et 1985.

Comment la question de la restitution des œuvres d’art africaines est-elle née ?

Bénédicte Savoy Je pensais que la question était apparue dans les années 1970, puisque c’est à cette période que remontent les premières demandes officielles du Nigeria, en 1972, présentes dans les archives allemandes, et que l’ONU adopte, en 1973, une résolution en faveur de la restitution.

Mais, en fait, pour arriver à cela, il a fallu une véritable « agentivité » africaine, à l’œuvre depuis une dizaine d’années, avec entre autres, en 1965, dans la revue Bingo, l’éditorial de l’écrivain et journaliste Paulin Joachim « Rendez-nous l’art nègre », puis le festival panafricain d’Alger en 1969, où la question est abordée, et le film You Hide Me, du Ghanéen Nii Kwate Owoo, tourné en 1970 au British Museum sur les « objets cachés ». C’est lorsque Mobutu, alors président de la République démocratique du Congo, évoque la question à la tribune de l’ONU, en 1973, que le sujet, qui avait d’abord mûri en Afrique, prend une dimension internationale. L’Europe ne fait que réagir à cela.

Outre la volonté de récupérer un patrimoine disparu, il y a de la part des Africains l’idée, dites-vous, qu’un renouveau de l’historiographie de l’art du continent doit être mené par les Africains. Pourquoi ?

Il s’agissait pour des personnes comme Paulin Joachim d’affirmer qu’il fallait, maintenant que l’indépendance avait été acquise, se reconnecter avec soi-même, ses cultures immatérielles mais aussi matérielles, afin d’être fort pour l’avenir. Il y avait également de la part de certains scientifiques ou érudits, comme Ekpo Eyo [1931-2011], un archéologue nigérian de grande réputation internationale, la volonté de montrer que les Européens qui avaient parlé de leurs objets, comme les bronzes du Bénin [de Benin City, au Nigeria], ne les avaient pas compris correctement.

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Il ne s’agit pas seulement de récupérer les objets en tant que tels, mais également de se les réapproprier intellectuellement, en posant les questions de leur usage, en les reconnectant avec leur cadre épistémologique naturel, religieux notamment, afin de les sortir de la simple approche esthétique européenne.

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