"Bérénice" de Jean Racine est à voir au Théâtre de la Scala à Paris.
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Atlanti-Culture
"Bérénice" de Jean Racine est à découvrir au Théâtre de la Scala à Paris.
Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.
Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Bérénice
De Jean Racine
Mise en scène : Muriel Mayette-Holtz
Avec Carole Bouquet, Fréderic de Goldfiem, Jacky Ido, Augustin Bouchacourt, Eve Pereur
INFOS & RÉSERVATION
Théâtre de la Scala
13 bd de Strasbourg
75010 PARIS
01 40 03 44 30
http://www.lascala-paris.fr
Du 15 septembre au 12 octobre 2022, du mardi au samedi à 21h15 – le dimanche à 17h30
Notre recommandation : EXCELLENT
THÈME
Titus, qui vient de succéder à son père Vespasien,aime passionnément Bérénice, reine de Palestine (la Judée du Ier siècle de notre ère), qui l’aime en retour. Ils se sont destinés l’un à l’autre carTitus a promis le mariage.
Las, le Sénat romain, craignant la colère d’un peuple xénophobe, s’oppose à l’union de son empereur avec une étrangère. Cerise sur le gâteau, Antiochus, meilleur ami de Titus, est secrètement amoureux de la reine. On imagine alors son tourment lorsque l’empereur charge son compagnon d’annoncer à Bérénice qu’il renonce à son amour pour raison d’État. Antiochus a-t-ilune chance désormais ? Que va devenir la reine ?
Une précision : la scène se déroule dans une sorte de loft New Yorkais, les costumes sont à l’avenant, un grand lit trône au milieu de la scène !
POINTS FORTS
Fréderic de Goldfiem campe un Titus impérial, réunissant forte présence, émotion retenue, crédibilité sans failles.
Carole Bouquet, souveraine, exprime avec justesse le bouleversement de ses sentiments tour à tour enthousiastes, déçus puis résignés. Et toujours un texte admirable mais ici allégé, amputé des considérations politiques de l’original dédié au “sacrifice“ amoureux du jeune Roi soleil. Les alexandrins sont puissants et mélodieux, mis en musique avec délicatesse contrastant avec la cruauté des situations. La torture morale des uns n’a d’égale que la classe majestueuse des autres. Les sentiments sont purs et exacerbés, la chute est inexorable. Un“scénario“ terriblement efficace.
QUELQUES RÉSERVES
Une mise en scène dépouillée à l’extrême, et un “laisser aller“ assez convenu dans une représentation du quotidiencontemporain ordinaire etdérangeante.
Une mise en route quelque peu laborieuse, desservie par une diction “murmurante“ de Bérénice au lever de rideau.
ENCORE UN MOT...
Ce qui est remarquable dans cette pièce de Racine en particulier, si actuelle trois siècles et demi après sa création à l’hôtel de Bourgogne, c’est la non-violence physique. Pas de combats, pas de morts. Mais comme le dit si bien Carole Bouquet (estimant qu’il s’agit là de la plus belle mise en scène de Bérénice) : «Il y a pire que la mort, il y a le renoncement. »
UNE PHRASE
« Rome, par une loi qui ne peut changer
N’admet avec son sang aucun sang étranger
Et nereconnait point les fruits illégitimes
Qui naissent d’un hymen
Contraireà ses maximes. » (acte II, scène 2)
Et pour conclure :
« Il ne s’agit plus de vivre,il faut régner. » (acte IV scène 5)
L'AUTEUR
Chacun connait Jean Racine, le dramaturge classique parmi les classiques,et sa passion pour les amours contrariés.Sa carrière fut exceptionnelle (il naquiten 1639 mourut en 1699), adulé par le roi Louis XIV dont il fut l’historiographe, encouragé par Madame de Maintenon, et formé à Port Royal chez les Jansénistes. Il enchaina les succès après La Thébaïde, avec Andromaque (1667), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Iphigénie (1674), Phèdre (1679), sans oublier Les Plaideurs, sa seule pièce comique (hélas).
Point n’est besoin de trop d’effort pour se souvenir : « Tout Picard qu’il était, c’était un bon apôtre » !Racine avait sa muse, sa Carole Bouquet, la fameuse Champmeslé, qui joua dans toutes sespièces et fut “sociétaire“ de l’Hôtel de Bourgogne fondé par le roi, la future Comédie française.
Mais saluons aussi la talentueuse metteure en scène Muriel Mayette-Holtz, qui a suremettre cette Bérénice au goût du jour. Elle monta sa première Bérénice en 2011 à la Comédie Française, qu’elle fut la première femme à diriger. Comédienne, elle y rentra à vingt ans. Formée par Michel Bouquet, elle joua sous la direction d’Antoine Vitez, Jacques Lassalle, Matthias Langhoff, Philippe Adrien. Elle a monté plus de quarante spectacles. En 2015, elle est nommée directrice de la Villa Médicis. Chevalière de la Légion d’Honneur. Elle dirige aujourd’hui le CDN Nice Côte d’Azur.