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Bretagne : la Région ne veut plus de nucléaire mais beaucoup plus d'énergies renouvelables

La Bretagne, plus ouverte aux énergies marines qu'au nucléaire ? Depuis l'abandon en 1981 du projet de centrale à Plogoff, à la suite d'une forte mobilisation des habitants devenue le symbole d'une forme de résistance, voire de désobéissance civile, le nucléaire n'est plus une option pour la Bretagne. La région n'abrite sur son sol que le site de Brennilis. Cette unique centrale électrique à eau lourde de 75 MW a cessé son activité en 1985 et va être entièrement démantelée d'ici à 2040. Alors que le Sénat a voté en janvier en faveur du projet de loi de relance de la filière nucléaire sur des sites existants, la Bretagne n'est pas concernée, d'ici à 2050, par de nouveaux projets.

Pas d'usage pour les SMR en Bretagne

Quant à l'ambition du président Macron d'investir, dans le cadre du plan « France 2030 », un milliard d'euros d'ici à 2030 pour la construction de mini centrales nucléaires (SMR) de 170 mégawatts (MW), « elle en est au stade de la preuve de concept » tranche André Crocq, conseiller régional membre de la commission « Climat, transitions et biodiversité ».

« Nous n'avons pas connaissance que des régions aient déjà été approchées. Cette décision appartient à l'État, mais, au sens de l'exécutif régional, on ne sera pas candidat » ajoute le conseiller régional.

« Le nucléaire n'est pas une option que nous retenons pour diversifier notre mix énergétique, gagner en sobriété et en efficacité » ajoute-t-il.

Il estime que si l'option SMR vise à assurer un service complémentaire au réseau local, la centrale à gaz naturel de Landivisiau, d'une puissance de 450 MW, soit une demi-tranche nucléaire, et les systèmes de stockage à batteries, garantissent l'équilibre du réseau.

« Je ne vois pas quel usage on aurait en Bretagne » appuie-t-il. « S'il s'agit d'assurer la suppléance aux pointes de consommation hivernale, là nous préférons travailler sur un système de décalage ou d'effacement dans l'esprit du dispositif Ecowatt plutôt que d'amener une production supplémentaire. Enfin si c'est pour l'export, cela peut poser, la question de la dissémination du nucléaire civil. Et de tout façon, il faudra bien gérer les déchets. »

Multiplier par six la production d'énergies renouvelables

Le dossier du nucléaire en Bretagne demeure un sujet sensible. Pour gagner en autonomie, la région, qui, en 2022, a importé 81% de son électricité d'autres territoires, a tracé une feuille de route énergétique à 2050 davantage orientée vers les énergies renouvelables et vers la création d'une filière solaire.

La Bretagne ne couvre actuellement que 19% de ses besoins électriques avec une production propre provenant aux trois quarts du renouvelable : la moitié est issue du barrage de la Rance, le reste provient du solaire, de l'éolien terrestre et de la méthanisation. La biomasse et plus particulièrement le bois-énergie est la ressource la plus utilisée.

« D'ici à 2040, l'objectif global, fixé par le Schéma régional d'aménagement (Sraddet) est de multiplier par six la production annuelle d'énergies renouvelables et d'atteindre 45.000 Gigawattheures (45 Térawattheures), environ 60.000 Gwh en 2050 » rappelle André Crocq.

Le plan prévoit en parallèle de réduire les émissions de GES de 50% d'ici à 2040 et les consommations énergétiques de 35% par rapport à 2015. Notamment grâce à la rénovation énergétique des bâtiments ou le report modal.

Demande d'appels d'offres sur l'éolien marin

Tandis que la centrale à gaz naturel de Landivisiau (TotalEnergies), en service depuis mars dernier, tourne quasiment en continu pour produire 1,5 TWh par an (et 500.000 tonnes de CO2 en six mois), le futur mix énergétique breton s'appuiera sur l'éolien terrestre et maritime, sur l'hydrogène et sur 8% de solaire en 2050 au lieu de 3% aujourd'hui. Faute de modèle économique, l'hydrolien n'est en revanche pas envisagé comme une source d'énergie avant 2040.

« À la place des SMR, nous sommes plutôt demandeurs d'appels d'offres sur l'éolien marin » ironise André Crocq.

Le parc éolien offshore de Saint-Brieuc sera opérationnel fin 2023 et contribuera à hauteur de 1,7 TWh par an, mais sur l'éolien flottant seul un appel d'offres (AO5) a été lancé par l'État.

Situé en Bretagne Sud, au large de Belle-Ile-en-Mer (250 MW de puissance installée dans un premier temps), le futur parc est prévu pour 2029. Une dizaine de candidats sont en lice.

« Nous serons vigilants que la relance du programme nucléaire n'amène pas le gouvernement à revoir à la baisse son ambition sur l'éolien flottant » avertit André Crocq, alors que le Conseil régional a investi 220 millions d'euros dans un polder EMR sur le port de Brest. « Nous attendons des garanties sur d'autres appels d'offres afin de construire une filière industrielle. »

Brennilis : 17 ans de travaux, un démantèlement à 850 millions d'euros

La (mauvaise) relation du territoire breton avec la filière nucléaire n'est toutefois pas totalement rompue, alors que le démantèlement de la centrale de Brennilis, dont la partie la plus sensible est celle du bloc-réacteur, veut servir de vitrine à EDF, gestionnaire du site. Tant en termes d'innovation, voire de filière exportable, que de transparence avec le public.

« La dernière étape du démantèlement complet de la centrale est un projet majeur dans le territoire breton, faisant appel à de la haute-technologie » font volontiers valoir les porte-parole de l'énergéticien. « Les opérations seront réalisées à l'aide de robots télé-opérés par des entreprises très spécialisées avec des acteurs du territoire. Ce chantier induit aussi des retombées économiques positives. »

80 à 150 personnes vivent ou vivront sur le site, certains avec leur famille, estime EDF.

En termes de calendrier, l'étape finale devrait démarrer d'ici à 2024, après la parution du décret de démantèlement complet signé par le Ministère de la Transition écologique, attendu pour cette année et visé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

En mars 2022, le projet a reçu un avis favorable de la commission d'enquête publique, et en septembre dernier, les travaux préparatoires d'EDF ont été validés par l'ANS. Le chantier, dont le coût total est estimé à 850 millions d'euros, devrait durer 17 ans, dont 13 pour le démantèlement du bloc réacteur, avec un horizon fixé à 2041. Le devis des travaux à venir est évalué à 320 millions d'euros (40% du total), provisionné à 100% assure EDF.  Cette dernière étape des opérations devrait générer 8.000 tonnes de déchets radioactifs. « 19.000 tonnes environ ont déjà été évacuées vers les centres de stockage pendant le démantèlement partiel » précise le groupe. Le prototype de Brennilis étant unique au monde, il ne pourra pas, selon l'ANS, servir d'enseignement technique pour les futurs démantèlements de réacteurs nucléaires en France.

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