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« Ça ne se passe jamais bien »… Pour les policiers et gendarmes, la délicate mission d’annoncer un décès aux proches

« J’en ai fait des annonces. Mais celle-ci, c’est une des pires. » Il y a quelques semaines, ce policier parisien a eu la lourde tâche d’apprendre à un père que le corps de son enfant venait d’être retrouvé, sans vie. « Ça a été affreux, affreux », répète ce commissaire, trente ans de police derrière lui. « On était paralysé. » Le papa est devenu fou de rage, et par réflexe, il s’en est pris à lui. « Les familles vous détestent car vous leur annoncez cette terrible nouvelle à laquelle ils vous associent. Ils peuvent même être violents à votre égard, vous le reprocher, ce qu’il faut accepter », concède-t-il.

Justement, comment annoncer le décès d’une victime à ses proches dans un cadre judiciaire ? Comment trouver les bons mots ? « Ça ne se passe jamais bien. C’est un choc terrible », abonde un autre commissaire de la Direction centrale de la police judiciaire, lui aussi très expérimenté. Ce dernier tente d’appliquer quelques règles simples apprises avec le temps. « Il faut le faire dans les meilleures conditions possibles : en face-à-face, surtout pas au téléphone, avec des appuis familiaux, souffle-t-il à 20 Minutes. Il faut essayer de faire en sorte que les gens soient entourés au maximum, de minimiser un peu le drame. Etre le plus distant possible des faits, mais ne rien cacher non plus. Utiliser les bons mots, prendre les formes. »

« Les annonces de décès sont parfois inadaptées »

Son homologue parisien complète : « Il ne faut pas mentir aux familles, garder une certaine distance et ne pas fondre en larmes dans leurs bras, ce qui pourrait arriver. Dans le même temps, il ne faut pas être complètement détaché et ne pas l’annoncer froidement. Et rester après, ne pas partir. » Cette mission, reconnaît-il, incombe de fait aux services d’enquête, saisis par les parquets. « Nous sommes les interlocuteurs des familles, c’est nous qu’ils viennent voir. » En revanche, ce commissaire estime « qu’un peu plus de formation ne nuirait pas » aux effectifs.

« Les annonces de décès sont parfois inadaptées, faites par des personnes dans le feu de l’action, concentrées sur l’enquête plus que sur l’annonce », observe une source au ministère de la Justice. Afin de réfléchir à ce sujet délicat, la Délégation interministérielle à l’aide aux victimes (DIAV) organise, ce vendredi, un colloque dans les locaux du ministère de la Justice. Il réunira des représentants du parquet de Paris, de la direction des affaires criminelles et des grâces, de la fédération d’associations France Victimes, du centre national de ressources et de résilience et de la gendarmerie. « Le but, c’est de mieux cadrer les choses », de « valoriser les bonnes pratiques » et de mieux se coordonner entre les différents ministères concernés, ajoute-t-on dans l’entourage du garde des Sceaux.

Très sensible au sujet, Eric Dupond-Moretti, fera le déplacement et prononcera le discours d’ouverture. Selon nos informations, il annoncera à cette occasion la publication d’une circulaire interministérielle relative à l’annonce des décès. Elle avait été demandée par la DIAV dans un rapport rendu en août 2019 à Nicole Belloubet, alors locataire de la Place Vendôme. Ce document d’une cinquantaine de pages présentait 18 propositions et préconisait notamment de « renforcer la formation des professionnels ».

« Il y a toujours des progrès à faire »

Dans la police, « les conditions d’accueil et de prise en charge de ces familles de victimes sont vues tant dans la formation initiale des gardiens de la paix que dans la formation continue pour les policiers ayant la qualification d’officier de police judiciaire », nous indique la Direction générale de la police nationale. Les policiers sont notamment confrontés à la détresse des parents dont l’enfant a été victime d’un crime. « Ils doivent adopter une posture de soutien, d’explication, de premiers secours psychologiques, mais surtout d’orientation vers des personnels qui sont en mesure de réaliser un véritable soutien psychologique et moral au sens clinique du terme. »

De leur côté, les élèves gendarmes suivent un cours de deux heures destiné à leur apprendre à présenter les causes du décès, à comprendre les conséquences émotionnelles de cette annonce, et à éviter quelques dangers en prenant en compte préalablement certains aspects. Le court métrage L’annonce : 5 minutes pour montrer la déflagration d’un accident sur l’entourage, réalisé en 2017 par Jean-Xavier de Lestrade, leur est également projeté.

En revanche, « il n’existe aucune directive interne à la police et à la gendarmerie sur les conditions de réalisations de la mission d’annonce des décès par les personnels », regrettait la DIAV dans son rapport. A la suite de sa publication, « il y a eu un certain nombre de choses qui ont été mises en place », souligne Olivia Mons, porte-parole de la Fédération France victimes, un réseau de 130 associations. « Il y a toujours des progrès à faire dans la mesure où, en réalité, on parle d’un savoir-être qui, avec la meilleure volonté du monde, ne se décrète pas. Donc la question des formations spécifiques à l’annonce est extrêmement importante », conclut-elle.