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Catholicisme en Afrique : le pape François y croit

Quand il est entré, en 1958, chez les jésuites, le pape François rêvait de devenir missionnaire au Japon. Ce désir d’aventure, né dans sa jeunesse, a créé chez lui un tropisme vers l’Asie et le Pacifique. Comme pape, son premier grand voyage à l’étranger – hormis les Journées mondiales de la jeunesse en août 2013 au Brésil, programmées par son prédécesseur – a été réservé à la Corée du Sud, une visite accomplie à l’été 2014. Pour autant, François, pontife politique comme l’était, en son temps, Jean Paul II, ne néglige pas l’Afrique, une zone cruciale pour l’avenir du catholicisme à l’échelle planétaire.

Le déplacement du pape en république démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du sud de ce mardi à dimanche est le troisième en Afrique subsaharienne depuis le début de son pontificat. Auparavant, François a visité le Kenya, l’Ouganda, la République centrafricaine, le Mozambique et Madagascar. Pour un pape catholique, s’intéresser à l’Afrique subsaharienne est une nécessité.

Un tiers des nouveaux baptisés

Traversant une crise inédite dans son berceau européen, le catholicisme connaît une croissance soutenue sur le continent africain. Chaque année, dans cette zone, il y a un peu plus de 5 millions de nouveaux baptisés, soit un tiers du total. Selon les derniers chiffres donnés par le Vatican, la RDC est, de fait, le plus grand pays catholique francophone au monde avec 52 millions de fidèles, soit presque la moitié de la population. Sur le continent africain, la RDC est donc le pays où la population catholique est la plus importante, suivi, selon des chiffres donnés en 2018 par le Pew Research Center, un think tank américain réputé sur ses études sur les religions, par le Nigeria (environ 24 millions de fidèles) et la Tanzanie (18 millions). A condition de résister aux assauts des myriades d’églises pentecôtistes, très présentes en Afrique centrale, la zone subsaharienne devrait peser de plus en plus dans le catholicisme mondial.

Outre la question du poids démographique et de l’avenir du catholicisme, le voyage en RDC et au Soudan du Sud revêt une importance politique majeure. François, le «pape des pauvres», l’a maintenu coûte que coûte. Agé de 86 ans, handicapé par une fracture au genou et refusant d’être opéré, le chef de l’Eglise catholique, qui se déplace désormais en fauteuil roulant, a été contraint de réduire drastiquement ses déplacements depuis l’année dernière. Le programme de ses voyages a d’ailleurs été allégé. En RDC, le pape va rester à Kinshasa et n’a que trois rendez-vous inscrits chaque jour à son agenda. Contrairement aux usages du Saint-Siège, cette visite a lieu au cours d’une année électorale. Une façon d’encourager l’Eglise catholique locale à s’engager à soutenir fermement la démocratie et à condamner les violences qui ravagent et appauvrissent le pays.

Omerta sur les violences sexuelles

En RDC, l’ancien archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, décédé en 2021 et qui figurait parmi les «papabilables» africains, a joué un rôle majeur dans la démocratisation du pays. Son successeur, Fridolin Ambongo, est, lui aussi, réputé proche de François, qui l’a fait cardinal en 2019. Le pape a d’ailleurs renforcé la présence africaine au sein du collège des cardinaux, appelé à élire, quand le temps viendra, son successeur, passant de neuf à douze depuis le début du pontificat. Une présence qui reste très modeste (à peine 10 % des cardinaux électeurs) au regard de l’évolution démographique du catholicisme. Pour le moment, il n’y a pas non plus de grande personnalité africaine au sein de la curie romaine (le gouvernement de l’Eglise catholique à Rome). Et cela depuis le départ des Ghanéens Robert Sarah (ultraconservateur) et Peter Turkson.

La forte dimension politique du voyage du pape, autant en RDC qu’au Soudan du Sud, risque toutefois de masquer d’autres problèmes graves, la question des violences sexuelles tout particulièrement. L’omerta pèse encore lourdement en Afrique. Publié en octobre 2021, le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, présidée par Jean-Marc Sauvé, n’a pu aborder cette question. Pourtant, de nombreuses congrégations religieuses avaient l’habitude d’exfiltrer vers l’Afrique les clercs soupçonnés de violences sexuelles. Lesquelles sont aussi le fait du clergé local, en particulier à l’égard des religieuses. Même si une prise de conscience commence à émerger, les agressions et les viols commis contre celles-ci demeurent majoritairement un angle mort au sein de l’Eglise catholique.