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Cinéma. « Anima bella », la croisade d’une fille courage

Anima bella, de Dario Albertini, Italie, 1 h 30

Auteur reconnu de Il figlio Manuel (2018), Dario Albertini revient avec Anima bella, deuxième volet d’une trilogie annoncée où les relations parents-enfants sont inversées – dans ce cas-ci, c’est la fille qui prend le père en charge. D’emblée, le plus flagrant, ce ne sont ni les personnages ni la trame, mais la facture résolument fruste du filmage et l’ambiance sociale en général, qui renouent avec les héroïques années 1970, où une partie de la société tournait le dos aux conventions ancestrales et aux diktats oppressifs.

L’art de la joie

Manifestement tourné en pellicule 16 millimètres, agrémenté d’une image aux coins arrondis, Anima bella met en vedette des marginaux aux tenues bon marché évoluant dans un indécidable glacis urbain aux franges de la campagne. Gioia, 18 ans, porte bien son prénom (joie en italien). La bienveillance en bandoulière et un sourire permanent sur les lèvres, elle garde les moutons de son père, vend son fromage et joue l’assistante sociale officieuse pour rendre divers services aux habitués d’une source miraculeuse. En prime, elle fréquente une paroisse dont le curé lui propose d’incarner la Vierge Marie lors d’une fête religieuse.

On craint le pire, la bondieuserie façon arte povera. Mais, heureusement, ce film ne tombe pas dans le panneau du revival catho déjà présent dans plusieurs films italiens récents. Gioia ne participera pas à la kermesse votive, car elle a d’autres chats à fouetter. Le film va changer de registre dans la deuxième partie, située dans une ville où Gioia vient accompagner son vieux père, joueur invétéré, qui est interné dans une sorte de centre de désintoxication psychologique. Au-delà de l’intrigue, ce qui séduit est la teneur fortement documentaire du contexte et la désinvolture du cinéaste à l’égard de la modernité ambiante. Si on n’apercevait pas de temps en temps un téléphone portable, en douterait de l’époque.

Un Ken Loach italien

Le corollaire de cette liberté narrative, de cette absence de repères spatiotemporels, est une certaine volatilité des rapports humains – en dehors bien sûr de la relation père-fille –, qui fait des personnages secondaires des silhouettes presque évanescentes ; ils apparaissent dans certains épisodes précis, puis on passe à autre chose. Par exemple, l’épisode avec la voisine d’hôtel (borgne) de Gioia, qui l’initie aux charmes troubles de la vie nocturne.

Dans l’ensemble, ce film recèle donc des potentialités sous-développées, insuffisamment étoffées. La laxité de ce récit antiformaté au possible se manifeste également à travers la durée de certaines séquences ; quelques-unes sont survolées, d’autres un peu à rallonge. Comme la longuette exploration d’un local de jeux d’arcade où Gioia cherche son garnement de père. Ce faisant, Albertini propose un équivalent italien des laissés-pour-compte célébrés par Ken Loach, en valorisant la débrouille, la solidarité et le pragmatisme, parfaits antidotes aux leurres de notre monde mercantile, dont les médias numériques et la publicité sont les vecteurs serviles. Un peu d’empathie dans un monde d’une froideur sépulcrale.