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Club de l’économie du « Monde » : « Il faut dramatiquement accélérer » la rénovation énergétique

Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale de l’habitat et Valérie Flicoteaux, vice présidente de l’ordre des architectes étaient les invités du Club de l’économie du « Monde », mercredi 1er février.

Comment faire de la rénovation énergétique des bâtiments une grande cause nationale, à la hauteur de son importance dans la lutte contre le changement climatique et l’amélioration du bien-être ? Benoit Bazin, le directeur général de Saint-Gobain, Emmanuelle Cosse, ex-ministre du logement et présidente de l’Union sociale pour l’habitat, et Valérie Flicoteaux, vice-présidente de l’ordre des architectes, ont confronté leurs solutions.

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Trop cher, trop complexe

Emmanuelle Cosse : Quand on parle de la rénovation thermique, on oublie de parler de la précarité énergétique de nombreux ménages qu’on a laissés s’endetter pour se chauffer dans des logements mal isolés. Pour transformer tout ce parc bâti, il faut beaucoup d’argent. Les particuliers, une partie des classes favorisées, ont les moyens de suivre. Mais une grande majorité ne pourra pas. Le coût global d’une rénovation en HLM, qui nous est demandée actuellement, s’élevait il y a encore peu entre 40 000 à 50 000 euros par logement. C’est 60 000 à 80 000 euros aujourd’hui. Rénover du Haussmannien, avec beaucoup plus de contraintes, dépasse 100 000 euros par logement. C’est parfois plus cher que la valeur du bien. Il faut néanmoins le faire, car la démolition coûterait encore plus, même si la valeur du carbone évité n’est pas comptabilisée.

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La loi Climat et résilience qui oblige à la rénovation des appartements classés G pour 2025, sous peine de ne pouvoir les louer, a été élaborée sans disposer des bons outils de connaissance du parc et sans étude d’impact. L’accompagnement technique et financier n’est pas à la hauteur. Le 20 décembre 2024, nous craignons que beaucoup de logements sortent du parc, et que des personnes se tournent vers des baux illégaux.

Valérie Flicoteaux : On parle beaucoup de MaPrimeRenov’et des certificats d’économie d’énergie, mais le parcours utilisateur pour obtenir ces aides est très instable et très complexe. Parmi ma clientèle de particuliers, les seuls qui réussissent à obtenir celles auxquelles ils ont droit sont des ingénieurs.

Un autre sujet concerne la stabilité de ces aides. Lorsque vous êtes dans une copropriété de 30 à 50 lots, se mettre d’accord est extrêmement long. Vous emportez la décision sur la base d’un diagnostic et d’un plan de travaux financé en fonction des aides proposées. Une fois que vous êtes accordés, cela prend un an à un an et demi d’études. Or, le chiffrage d’il y a un an, à la suite de l’évolution des prix, est rapidement obsolète. De plus, la façon dont vous financez votre projet a changé entre l’évolution des prêts et les aides auxquelles vous avez droit. Lorsque vous négociez le marché des travaux, le plan de financement initial n’est plus bon.

Benoit Bazin : Il faut dramatiquement accélérer. Ce n’est pas faire 5 % de plus, mais cinq fois plus et se dire : « on éradique en dix ans les cinq millions de passoires énergétiques ». C’est scandaleux qu’en France, des gens doivent choisir entre se nourrir, se chauffer et se loger. Les bâtiments publics doivent être exemplaires. Pour cela, il faut entrer dans une logique d’investissements et donner de la visibilité. Le monde du bâtiment a créé 100 000 emplois depuis dit-huit mois. On peut en créer 300 000. Ce sont des emplois locaux, innovants et valorisants. Mais pour l’instant, quand vous empruntez à la banque, on se préoccupe de votre âge, de votre état de santé, de votre profession, mais pas du tout du bâtiment financé. Il faut trouver un moyen d’intéresser les banquiers.

Un passeport du bâtiment

V. F. : La question du monogeste [une seule prestation] est assez clivante entre les architectes et la fédération française du bâtiment. De notre côté, nous pensons qu’il faut progressivement arrêter de financer le mono geste – à quoi ça sert de financer des poêles à granulés, des pompes à chaleur, si c’est pour chauffer la rue ? – et s’orienter vers un parcours de travaux, inscrit dans le temps, en donnant une priorité absolue aux travaux les plus compliqués – les toitures et les murs. Ce sont les plus coûteux, mais ils ont la meilleure rentabilité écologique.

B.B. : Il ne faut pas non plus tuer le monogeste. MaPrimeRénov’est entrée dans l’imaginaire collectif, et a permis à des personnes qui constatent un problème de facture énergétique de solliciter une aide. Mais en effet, nous prêchons pour un passeport du bâtiment. De la même façon que les enfants ont un carnet de vaccination, on pourrait se dire : voilà les six gestes pour bien rénover un bâtiment : le bâti, les menuiseries, le toit, le sol, le système de chauffage, voire la ventilation.

V. F. : Et c’est là qu’il est important d’être accompagné pour intervenir à bon escient sur le bâtiment avec une ingénierie qualifiée, qui n’est pas un diagnostiqueur mais une maîtrise d’œuvre, un architecte, un ingénieur, qui connaît le bâtiment et ne le pénalisera pas. Car une mauvaise intervention, c’est s’exposer à fabriquer de la pathologie là où il n’y en a pas. Nous demandons la prise en charge d’études pour accompagner les professionnels et les particuliers qui sont un peu désorientés sur « comment faire », et « que dois-je faire ». La création de « mon accompagnateur Rénov » est un premier pas dans ce sens.

Non à la climatisation

E.C. : Il faut aussi parler de la question du confort d’été. Dans le logement social, il y a le patrimoine qui date d’avant la seconde guerre mondiale et celui des années 1950 et 1970. Dans les années 1950, ça va. Mais à partir des années 1960 ou 1970, le confort d’été est inexistant. Là, on a vraiment de grandes difficultés. Beaucoup de locataires demandent la climatisation. Mais la solution n’est pas de mettre de la ventilation électrique, pour augmenter les charges. Ce qu’il faut, c’est isoler et remettre de la ventilation mécanique et naturelle. L’enjeu est énorme. Si une partie du parc est équipée de la climatisation, tous nos efforts collectifs pour baisser la consommation énergétique et les émissions carbone auront été vains. D’autres pays ont fait ce tournant, on voit quelles sont leurs émissions carbone aujourd’hui.

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L’utilité sociale du bâtiment

B. B. : Nous devons tous être convaincus de l’utilité sociale au bâtiment. Aujourd’hui, les problèmes de recrutement dans les hôpitaux tiennent au fait qu’un infirmier de l’AP-HP ne peut pas se loger à Paris, parce que ça coûte trop cher. Si vous êtes dans un logement mal chauffé, vous serez absent au travail. C’est de la productivité perdue pour l’économie du pays, mais on ne s’en rend pas compte. Si vous avez une école mal isolée, l’acoustique est mauvaise, l’enseignant est absent et l’enfant n’entend pas. Les hôpitaux publics en France sont dans un état dramatique.

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E. C. : C’est un choix politique. Le logement ne fait pas partie des priorités. Ce n’était pas dans le débat de la présidentielle, alors que c’est la première dépense contrainte des Français. C’est formidable qu’on me parle des émissions carbone, mais ce qui m’intéresse, c’est l’individu, c’est sortir les gens d’un habitat mauvais. Quand vous êtes sur le terrain et que vous rencontrez des locataires ou des propriétaires qui veulent rénover leurs logements, ils vous disent juste qu’ils n’ont pas envie d’avoir froid l’hiver et qu’ils aimeraient supporter la chaleur l’été. C’est une question assez simple.

Philippe Escande et Emeline Cazi

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